MARA à la primature, 100 jours après : Entre défis et perspectives

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Le Mali se prépare à répondre aux questions des bailleurs de fonds
Le Premier ministre malien Moussa Mara

Intègre, méthodique, assidu au travail, politiquement inexpérimenté et tout le tralala. La nomination de Moussa Mara, le 5 avril dernier, a été diversement appréciée par les Maliens, divisés entre espoir et pessimisme. Un peu plus d’un trimestre après la nomination du président du parti Yèlèma, non moins ancien maire de la Commune IV du district de Bamako, à la tête du gouvernement, que peut-on retenir de son bilan ? C’est à cet exercice que votre journal a bien voulu se soumettre en initiant ce dossier sur les 100 premiers jours d’exercice «primatorial» de Moussa Mara.
Ce lundi 14 juillet 2014, Moussa Mara a eu exactement 100 jours à la tête de la Primature. Il était ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la ville quand il s’est vu porter à la tête du Gouvernement le 5 avril 2014, en remplacement d’Oumar Tatam Ly.  A  seulement 39 ans, M. Mara devenait ainsi l’un des plus jeunes Premiers ministres de l’histoire politique du Mali.

 
Bien des observateurs de la scène politique nationale ont salué cette nomination et fondé ainsi un réel espoir sur le jeune chef du gouvernement dont ils louaient  la rigueur, l’intégrité morale et surtout l’esprit patriotique. Par contre, d’autres, pour des raisons beaucoup plus politiques, n’ont pas caché leur pessimisme, motivant leur position non seulement par le contexte dans lequel Moussa Mara a été nommé en succession de M. Ly contraint, lui, à la démission, mais aussi par le fait que le nouveau promu, à leurs yeux, manquent d’expérience politique nécessaire pour jouer les premiers rôles au sein du gouvernement. Ces derniers se trouvaient d’autant renforcés dans leur thèse que, par ailleurs, la nomination du président de Yèlèma sonnait comme une négation du fait majoritaire mais surtout comme un désaveu pour le RPM qui difficilement s’est résolu à avaler cette pillule à lui administrée par son mentor de président, Ibrahim Boubacar Kéita.

 
C’est dans ce contexte que Moussa Mara forme un gouvernement de 34 membres, le 11 avril. Le lendemain, le Premier ministre  tient son  premier conseil de Cabinet au cours duquel il définit les grandes orientations de l’action gouvernementale. Aussi, M. Mara propose à chaque membre de son équipe un engagement sur l’honneur à respecter un certain nombre de principes: loyauté envers le Président de la République, culture de l’intégrité morale, promotion de la transparence et de la bonne gouvernance, entre autres. Moussa Mara est ainsi décidé à apporter sa touche à la conduite des affaires publiques.

 
Un peu plus de deux semaines plus tard, soit le 29 avril, le nouveau chef du gouvernement fait sa déclaration de politique générale. L’exercice est hautement démocratique et républicain, le fauteuil du Premier ministre est en jeu. Dans un document de 70 pages, M. Mara dévoile six axes prioritaires autour desquels lui et son équipe entendent bâtir le Mali nouveau: le renforcement des institutions de la République, la sécurité, la réconciliation nationale, l’école, l’économie et le développement social. Au terme de plusieurs heures de débats, les députés votent en faveur de la DPG à 121 voix pour, 22 contre. Mara et son gouvernement peuvent donc poursuivre  leur mission, avec l’appui d’une majorité présidentielle sur laquelle ils comptent beaucoup.

 
L’insécurité gagne du terrain
Le Mali sort à peine d’une grave crise à la fois institutionnelle, politique, sociale et sécuritaire. C’est donc presque une lapalissade que de dire que l’attente des Maliens était grande dans le domaine de la sécurité. Toutefois, à l’analyse de la situation sécuritaire actuelle de notre pays, on peut difficilement soutenir que l’actuel  gouvernement a fait mieux que les précédents. Bien au contraire. Si l’insécurité n’a pas connu une recrudescence particulière au Sud du pays depuis la nomination de Moussa Mara, la situation est tout autre dans la partie Nord du Mali. En effet, depuis les douloureux événements de Kidal en mai dernier, plusieurs localités de cette partie du territoire national ont échappé au contrôle des forces armées et de sécurité du Mali. Conséquences: les populations sont laissées en proie à la horde de hors-la-loi qui leur font quotidiennement subir la terreur. Cette situation est d’autant plus inadmissible qu’elle découle d’un acte posé par le chef du gouvernement lui-même. Mara a beau évoqué le principe de l’intégrité territoriale du Mali pour justifier son voyage de Kidal, il peut pour autant difficilement convaincre les Maliens sur son ignorance des risques sécuritaires que cela faisait courir à son pays. Surtout quand on sait que  les occupants des lieux s’étaient déjà montrés hostiles à une visite de son prédécesseur qui a eu la clairvoyance de rebrousser chemin. D’ailleurs, les conséquences de cette visite mouvementée ne sont pas que sécuritaires.
Négociations: le risque de répéter les erreurs du passé.

 
Si les forces armées maliennes pouvaient se targuer d’être présentes sur toute l’étendue du territoire national avant le 17 mai dernier, à partir des affrontements meurtriers qui les ont opposés aux mouvements armés et terroristes dans le sillage de la visite du Premier ministre à Kidal, la situation est loin d’être la même. Bien plus que la seule ville de Kidal qui était contrôlée par le Mnla et ses alliés, plusieurs autres localités du Nord sont sous le contrôle des mouvements armés. Pendant que les négociations sont en cours dans la capitale algérienne, le drapeau des groupes armés flottent à nouveau sur plusieurs localités du pays dans la grande indifférence et du gouvernement malien et de la communauté internationale.
En dépit du fait que le gouvernement malien prend part aux négociations alors que l’intégrité de son  territoire se trouve gravement entamée, des observateurs du dossier du Nord craignent que les erreurs qui ont été commises lors la signature d’accords précédents se reproduisent. Car, à ce jour, seuls quelques privilégiés au sein de la haute  sphère de l’Etat connaissent exactement la substance des négociations, c’est-à-dire, ce sur quoi elles vont porter. Pire, le Haut représentant l’a d’ailleurs récemment reconnu, il y a aujourd’hui une tendance à vouloir privilégier les groupes armés. De manière à donner l’impression que les armes étaient désormais le seul moyen pour se faire entendre au Mali. C’est ainsi que si le dossier du Nord a connu une avancée notoire avec l’ouverture des pourparlers, les conditions dans lesquelles ceux-ci se tiennent ne sont guerre prometteuses d’espoir pour bien des Maliens qui se sentent exclus des débats. Mais il n’y pas que cela à inscrire au passif du gouvernement actuel.
Du bon élève au cancre
De mémoire de Maliens, rarement les relations entre notre pays et les institutions financières internationales, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ont été aussi tumultueuses que maintenant. Au cœur de la brouille, la gouvernance du président de la République et de son gouvernement. Invité à donner des explications sur certaines dépenses du Mali, notamment l’achat controversé d’un avion, le gouvernement n’a pas réussi à convaincre les institutions de Bretton Woods qui ont fini par fermer le robinet financier en attendant de voir clair dans ce dossier. Pour un pays comme le nôtre qui sort à peine de l’abîme, il n’y a pas d’illusion à se faire sur les conséquences que cela peut avoir sur une économie qui battait déjà de l’aile. Même s’il est vrai par ailleurs que cette situation ne remet pas en cause d’autres aides bi et multilatérales qui sont drainées en direction de notre pays. Du statut de
bon élève, notre pays est brusquement retombé au bas de l’échelle et devient presque un «cancre» aux yeux de la communauté financière internationale.
Quid du «sachet» de la ménagère ?
Il y a des lustres (cette situation est antérieure à l’équipe de Moussa Mara), plusieurs femmes de ménage ont cessé d’apporter le panier au marché, tant le pouvoir d’achat du Malien a considérablement baissé. C’est donc à juste raison que les attentes du Malien lambda sont grandes sur ce point précis.
Il faut reconnaître cependant que le Gouvernement actuel déploie en ce moment des efforts considérables pour maîtriser, voire faire baisser les prix de certaines denrées de première nécessité. En effet, de mémoire de Maliens, c’est  l’une des rares fois que, pendant le mois béni de ramadan, notre pays regorge un stock suffisant en sucre en dehors de toute exonération. Mieux, le gouvernement vient de signer un protocole d’accord de 75 millions  FCFA avec la BMS afin de financer  150 bouchers. Ce programme, dont le district de Bamako constitue une phase  test, devrait à terme permettre de céder le prix du kilo de la viande de bœuf entre 1600 et 1500f CFA. A ceux-ci, s’ajoutent la décision gouvernementale de revoir à la baisse les frais du pèlerinage à la Mecque.
Ces efforts ne doivent pas pour autant nous faire perdre de vue cette autre mesure gouvernementale qui a fait grincer les dents à nombre de nos compatriotes: le réajustement du coût de l’électricité depuis le début de ce mois de juillet.  Au cours d’une conférence de presse qu’elle a animée ce mardi 15 juillet 2014, l’Union nationale des travailleurs du Mali a en effet estimé que cette augmentation, contrairement au discours officiel, touchera toutes  les couches sociales à travers la poussée inflationniste qu’elle aura sur le prix de tous les produits dont la production à recourt à l’électricité.
Au regard de tout ce qui précède, on parvient à la conclusion que pendant les cent (100) jours que M. Mara a passé à la tête de la Primature, des dossiers essentiels sur lesquels ce dernier était certainement très attendu n’ont pas évolué à souhait. Aura-t-il le ressort nécessaire pour rebondir ?
Bakary SOGODOGO

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