De tous les régimes qui se sont succédé au Mali de l’indépendance à nos jours, celui d’IBK semble battre le record de zèle vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. Un demi-siècle auparavant Modibo Keita avait fait évacuer les bases militaires françaises stationnées au Mali. Deux décennies après le niet de Moussa Traoré à François Mitterrand au Sommet de la Baule en 1990, tout semble différencier IBK. Lui qui était Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré quand ce dernier refusait de se rendre à Dakar pour y rencontrer Jacques Chirac, semble avoir oublié cette leçon qui exprima tant la personnalité malienne. ATT, lui aussi réussit à dire non à la France et à l’OTAN dans leur machiavélique dessein d’écarter le guide de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi du fauteuil de leader en Afrique qu’elles lui convoitaient. Quel haut fait d’armes de cet acabit retiendrait-on d’IBK, lui qui exprime si bien dans ses discours la fierté et l’honneur de tout un peuple ? La France est-elle entrain de réussir avec IBK ce qu’elle n’a jamais pu obtenir du Mali de Modibo Keita, Moussa Traoré, d’Alpha Oumar Konaré et d’ATT ? Les masques ne sont-ils pas entrain de tomber sur les vraies ambitions néocolonialiste de la France sur les ressources du Mali ?
La visite de 48 heures qu’a effectuée le Premier Ministre français Manuel Valls au Mali, les 18 et 19 février 2016, est loin d’être ce qui a été annoncé officiellement. En effet, après une trentaine de minutes d’entretien avec le Président de la République IBK, M. Valls a laissé entendre qu’il était venu apporter le soutien du gouvernement français au pays ami et frère du Mali dans son combat contre le terrorisme et pour le développement. La France est aux côtés du Mali pour ce combat depuis plus de trois ans, a-t-il martelé avant d’ajouter qu’elle est prête à aider le Mali dans la voie de la paix, de la réconciliation et du développement. Est-ce à dire que tout sauf la reconquête de la ville perdue de Kidal pour le Mali ? Ce langage diplomatique que n’importe quelle autorité tiendrait en visitant un pays hôte, ne nous émerveille guère, car le Mali de l’après crise de 2012 broie toujours du noir et son armée reste toujours la proie des terroristes que l’opération Barkhane est censée combattre. Qui ne se souvient pas de cette célèbre et logique assertion de De Gaulle qui disait que la France n’avait pas d’ami, mais que des intérêts. Ne nous faisons point d’illusions sur les visées expansionnistes de la France sur le Mali ? Comprendrons-nous finalement le décalage entre les beaux discours de François Hollande et les actes par lui posés, après la libération du Mali du joug jihadiste ? Néo colonialisme quand tu nous tiens ! La France est désormais de retour et elle risque de faire plus de temps qu’elle n’en avait fait au moment de la colonisation. Parce que la colonisation actuelle est plus feutrée, sournoise et dissimulée qu’elle ne le fut sous les 70 ans d’occupation française du Mali. Ne dit-on pas que la pire des colonisations est celle basée sur l’économie et la culture ? La réponse est oui comme en témoignent cette imposition de la langue française au détriment de nos langues nationales qualifiées de dialectes et ce refus de nous laisser battre la monnaie de notre souveraineté retrouvée. Les forces barkhanes resteront là autant que perdurera la supposée guerre contre les jihadistes pour nous rappeler notre servitude.
Les sociétés françaises d’exploitations minières, énergétiques et de travaux publics foisonnent au Mali. Bamako et les capitales régionales brillent aujourd’hui aux couleurs des stations TOTAL, SHELL et ORYX ENERGIE, tuant les traditionnelles stations des nationaux. Selon le premier ministre français, de 2014 à 2015, la France aurait augmenté ses intérêts au Mali à plus de 500 millions d’Euros au moment où rare sont les ménages maliens qui prennent deux repas par jour. Manuel Valls est venu faire une revue des troupes françaises et exhorter la forte colonie à plus d’engagement pour la France.
En définitive, aucun pays au monde ne s’est développé en comptant sur l’aide extérieure. Il est grand temps que la grandeur du Mali qui est rappelée à tout bout de champ, puisse également nous permettre de prendre notre destin en mains. Quand est ce que le combat des Pères de l’indépendance africaine comme Modibo Keita, Kwameh N’krumah, Julius Niéréré, Sékou Touré, Gamal Abdel Nasser, Jombo Kenyettah, Robert Mugabe, Nelson Mandela, Amilcar Cabral, renaitra-t-il de ses cendres ?
Youssouf Sissoko