Mandatures 1997/2002, 2007/2012 – Alpha Oumar Konaré usurpe son second mandat. ATT renverse la Démocratie

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La politique, dit-on «est la matière des hommes rusés. Son chemin est parsemé d’embûches. Sa réussite est fondée sur la trahison». Ne dit-on pas chez nous «celui qui sait trahir triomphe en politique». En 1997, le Doyen Boubacar Kéïta avait prédit le retour de ATT au pouvoir en ses termes : «l’Alternance avec Alpha Oumar Konaré serait militaire». La manière dont le Professeur de la Démocratie a usurpé le pouvoir le 11 mai 1997, c’est de cette même façon, avec quelques retouches que Amadou Toumani Touré a obtenu le ‘’TAKOKELEN’’ en 2007. En 2012, Alpha Oumar Konaré aura 66 ans, l’âge mur pour la politique et revenir à koulouba.

L’état des lieux

L’évolution politique du Mali post coloniale peut se résumer en cinq périodes de durée inégale, mais essentielles et décisives : 1960-1968 ; 1968-1991 ; 1991-1997 ; 2002-2007.

La chronologie à cet égard est dramatique. Nous invitons nos lecteurs qui ont suivi cette évolution à réfléchir sur ces cinq périodes de notre histoire, que nos souvenirs, notre subjectivité et nos préjugés empêchent de regarder en face. Au Mali, nous avons la mémoire collective courte. Nous n’échappons aussi au reproche d’inconsistance : le premier moment est pour l’engouement, le second pour la critique et le troisième pour le dédit.

Enfin, nous ne pouvons juger sans partialité les mérites et les défauts de quelqu’un. Chacune des cinq périodes susmentionnées est représentée par un personnage qu a dirigé le Mali. La première, c’est l’homme libérateur, patriote et intègre, mais qui a placé son pays sous la dictature de son parti, le carcan du socialisme d’inspiration marxiste contraire au génie de notre peuple et les exactions d’une milice arrogante et cruelle. Il fut victime d’une idéologie fondée sur le socialisme et le parti unique. Le 19 novembre 1968 un pronunciamiento mit fin à cette période que chacun de nous jugera selon les affinités politiques. Mais c’est un échec.

Après cette période, la deuxième, avec Moussa Traoré. Très vite, la profession de foi du 19 novembre, de saveur démocratique, se révèle comme un retour au passé. On assiste non pas à la suppression du carcan, au rejet de la dictature d’antan, mais disons-nous, dans notre édition de Mars 1990, à la perception de tous les symptômes du système prétorien : absence des libertés civiques, répression policière, arrestations arbitraires, misérables manœuvres judiciaires pour condamner à mort ou à perpétuité des innocents. Après le CMLN basculé dans la timocratie, le parti unique créé pour être ‘’le creuset de toutes forces vives de la nation’’, se révèle incapable de donner une réponse aux espérances et aux angoisses du peuple. En mars 1991 tous les affluents de la colère populaire se jettent dans le même fleuve de l’insurrection. Le 26 mars, un autre pronunciamiento met fin à cette période. Un autre échec.

Les alphayades

Après mars 1991, la troisième période commence le 8 juin 1992 avec Alpha Oumar Konaré. Sous la troisième période, la tutelle abusive du dictateur, l’oppression et la tyrannie du pouvoir personnel constituent ‘’l’obstacle le plus redoutable à la possibilité même de construire une démocratie viable’’ au Mali. Et quant à l’Etat de droit, il est dans ce régime bafoué à tout instant par la grande majorité des responsables politiques et de l’administration. Le non respect de la Constitution et des lois est devenu la règle. Nos dirigeants surtout intellectuels, même quand ils se disent patriotes, restent empêtrés dans la défense de leurs préjugés, de leur cénacle où ils complotent contre le peuple qu’ils pillent, de leurs intérêts et leurs privilèges.

Soutenir un potentat et son pouvoir d’oppression contre ses opposants, c’est conforter une politique de dictature.

La répression humiliante et sanglante exercée sur les citoyens qui refusent de reconnaître la légitimité d’ ‘’un pouvoir de fait, usurpé’’, montre que pour Alpha Oumar Konaré, les droit de l’homme n’existent qu’en parole. Les ‘’Ninjas’’ bloqueront des militants des partis d’opposition dans les lieux de réunion, les matraqueront et en arrêteront plusieurs, ils seront refermés dans les locaux et forcement battus. C’est la démocratie dans ce Mali sous Alpha !

L’opposition se basant sur les observations et conclusions de la Cour Constitutionnelle sur le scrutin du 11 Mai 1997, a démontré de façon irréfutable que l’institution issue de ce scrutin n’a aucune légitimité populaire et démocratique mais consacre l’exercice d’un pouvoir usurpé, qui se caractérise de plus en plus par la personnalisation et la personnification du pouvoir. Aucune personne de bonne foi ne peut réfuter cette assertion. Et si personne ne conteste la légalité de la Convergence Nationale pour la Démocratie et le Progrès, personne non plus ne peut ignorer que la question de la légitimité se pose nécessairement dès lors qu’entre un régime politique et la volonté profonde du peuple, il y a divorce. Or Alpha Oumar Konaré sait qu’il y a divorce entre lui et la très grande majorité des Maliens, c’est pourquoi il a eut lieu cette très faible participation au scrutin du 11 mai dès qu’il s’est agi de sa seule candidature et celle d’un complice et le très faible score qu’il a obtenu. Aucune légalité ne peut se réclamer d’une autre origine que du choix de la majorité du peuple.


L’usurpation du pouvoir aux élections du 11 mai 1997

Or, le 11 Mai la quasi majorité des Maliens s’est prononcée en s’abstenant de voter.

Nous constatons tous après le 11 non pas l’enthousiasme et l’adhésion populaire qu’une certaine presse aux ordres s’ingénie à affirmer et à rependre, mais le désenchantement et la désaffection des masses. Alpha Oumar Konaré s’en est rendu compte sur renseignements de ses ‘’missi vivendi’’ : le verbe ne séduit plus, la rhétorique ne peut être qu’un substitut aux espérances longtemps déçues.

Alpha, à l’heure qu’il est : n’a qu’un souci : imposer coûte que coûte au peuple la légitimité de son pouvoir. Et voilà pourquoi il appelle vers lui les différentes catégories socio-professionnelles, promet la ‘’formation d’un gouvernement de large ouverture’’ pour aiguiser l’appétit des hommes politiques. Toutes ces sombres intrigues ne résoudront jamais la crise du régime.

‘’Monsieur 11 Mai’’, le Mali est inquiet. Trop d’injustice, beaucoup d’arbitraire avec répression à répétition, parfois sanglante et meurtrière. Le désarroi touche la majorité des populations, il touche même certains dirigeants de l’Etat et certains élus de votre parti. Au lendemain du 11 Mai, en guise d’exorde de votre deuxième quinquennat, vous concluiez par cette phrase : ‘’Le Mali doit évoluer dans l’approfondissement du processus démocratique et bâtir l’Etat de droit’’. Le paradoxe est que presque tous vos propos ne sont jamais suivis de faits. Aucune concrétisation dans notre projet de société.

Attention ! , ‘’Monsieur 11 Mai’’, le peuple malien vous gronde déjà dans son silence’’. ‘’Ça suffit’’, dit-il, et il exige que vous trouviez rapidement des solutions à ses inquiétudes.

Comme tous les peuples du monde, le caractère du peuple malien est composé des qualités et des défauts du singe et du chien. ‘’Drôle et insouciant comme le singe il est, au fond, aussi imprévisible que lui. Caressant et léchant la main du maître qui le dresse, il peut, comme le chien, mordre ou, lâchement détacher’’, disait l’écrivain français Sébastien Chamfort, auteur de pensées maximes et anecdotes sous la Grande Terreur de 1794. Pour le moment le peuple malien imitant le singe et le chien à la fois, vous observe avec précaution guettant le moment propice pour mordre et rompre les rênes de votre pouvoir.

Quelle guigne pourchasse donc le Mali ? En 1991, nous pensions être libérés du caporalisme de Moussa Traoré ensuite nous-nous sommes trouvés sous la férule de l’oppression et de la tyrannie du pouvoir personnel d’Alpha Oumar Konaré.


L’échec de la Démocratie

Bientôt trente sept (37) ans, le 22 septembre prochain, que nous vivrons d’espérances déçues. Depuis, les résultats obtenus par des hommes et des partis politiques qui, bien qu’issus de sources différentes et régis par des principes autres, finissent par aboutir à un point unique : l’ECHEC. Est-il inscrit dans quelque obscure volonté de l’histoire qu’au Mali les expériences de nos partis politiques et de nos gouvernements sont conduites à s’engager dans une voie contraire aux intentions proclamées et aux promesses ?

Les régimes qui se sont installés au pouvoir depuis 1960 au nom des principes démocratiques ont produit en fait, chacun à sa manière, une dictature, une oppression, une humiliation sociale, un esclavage bien pire que celui nous avions souffert sous le régime de l’indigénat. La répétition des faits donne le sentiment qu’une fatalité pèse sur les conceptions de nos dirigeants avec le pouvoir.

Aujourd’hui, dans le Mali sous Alpha Oumar Konaré, le divorce est patent, non seulement entre le discours et la réalité, mais entre le discours et le conditionnement dépersonnalisant auquel sont assujettis les leaders du collectif de l’opposition. Le discours est celui de la liberté, de la démocratie, de l’Etat de droit, des droits de l’homme de la tolérance, de la justice, de la solidarité, etc. Tandis que dans la réalité, dans notre vécu quotidien, nous sommes des opprimés, des exploités, des exclus, des humiliés. Nous sommes sacrifiés à un ordre idéologique et doctrinal sans égard pour notre libre arbitre et notre dignité de personne humaine.

Voilà ce que Alpha a tenté de cacher à l’opinion internationale qui s’est empressée de décerner le label démocratique à son régime. Mais aujourd’hui cette opinion se rend compte qu’elle a été trompée, abusée. A tel point qu’après plus de quatre heures de discussions avec Drs. Choguel Maïga, du MPR ; Mamadou SAR, du BDIA-FJ ; M Abdoulaye Diop, du CNID-FYT, sur l’idée de la CENI, sur le Code électoral, sur le calendrier électoral, sur les raisons du rejet des résultats du scrutin du 13 Avril, et pourquoi l’opposition a refusé de participer aux élections des 11 Mai et 20 Juillet, pourquoi le Collectif de l’Opposition refuse de reconnaître les institutions issues des élections du 11 Mai, du 20 juillet et du 3 Août, l’Ambassadeur Gordon L. Carter, s’est demandé : ‘’Si la démocratie au Mali n’était pas du bluff’’.

Dès lors, le Mali apparaît au monde extérieur comme une Démocratie usurpée. A l’intérieur, les opposants sont traqués, arrêtés arbitrairement et déportés dans les prisons d’une localité à l’autre, sans autres formes de procès. C’est l’inquisition, ni plus ni moins. La situation devient de plus en plus insupportable. C’est pourquoi, le Mali est aujourd’hui bouillant et impétueux, un cocktail monotone susceptible d’exploser à tout instant. Comme en témoigne novembre 1968 et mars 1991. Parce qu’avec Alpha Oumar Konaré, l’alternance ne peut être que militaire. Il y a des moments où parce que les précipitations sont devenues fortes, des rigoles qui ne sont pas issues des mêmes pluies, des rivières qui n’ont pas les mêmes sources, se jettent soudain dans un même lit et, devenues torrents bouillants et impétueux, emportent tous sur leur passage.

Le retour de ATT sur la scène politique.

Le second mandat d’Alpha Oumar Konaré est arrivé à son terme en Avril 2002. Mais, et c’est là que l’histoire de la vie politique est importante pour comprendre le présent, non seulement Alpha ne se présente pas, mais il n’appuie et ne soutient aucun candidat de l’Adema.

Amadou Toumani Touré, candidat indépendant et général d’Armée, rafle au 2ème tour la présidentielle de 2002. Avec le militaire converti démocrate les données changent. De la démocratie à la Alpha, on passe au consensus sans difficulté rencontrée avec la classe politique. Elle accepte le consensus jusqu’à quelques encablures des élections générales. Or le général ATT avait pris soin de verrouiller les services en charge des élections. Une opposition à la candidature unique du général poussée et soutenue par 44 partis politiques voit le jour. Le Front pour la Démocratie et le Progrès (FDR) qui regroupe 14 partis, présente quatre candidats à l’élection présidentielle. Mais hélas ! ATT est élu dès le premier tour au système ‘’Takokelen’’ avec 71,20%. Le score qui n’a rien à envier à celui du vieux parti unique l’UDPM. Ce second mandat du général ATT sera celui du retour du parti unique. Déjà les prémices sont visibles : Mouvement Citoyen, Adema des restaurateurs, CNID des restaurateurs, URD des restaurateurs. C’est pourquoi ATT est entrain d’amener la classe politique à la reconstitution du parti unique. Parce qu’il n’est pas un démocrate car hostile au débat contradictoire.

Source la Roue N°188 de Septembre 1997 et NDLR.

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