Mandat des députés : L’Hémicycle malien s’interroge

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Moussa MARA

Moussa Mara, ancien Premier ministre, a fait le point sur son audition (le lundi 19 Novembre 2018)   par l’Assemblée nationale sur la prorogation du mandat des députés. Des échanges que l’homme politique qualifie de « francs souvent contradictoires ». Il était face à la commission Loi de l’Assemblée nationale qui lui a posé des questions du genre : « quelle appréciation faites-vous du projet de loi organique portant prorogation du mandat des députés à l’Assemblée nationale? »

 

Et Moussa Mara de répliquer que le principe de la prorogation par les députés de leur mandat n’est pas moralement acceptable et n’est pas conforme à la démocratie. « Il viole évidement la Constitution qui stipule que la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants élus (art 26). Nul ne saurait s’accaparer de cette souveraineté en s’octroyant un mandat du peuple », a-t-il fait savoir.

Pour le président du parti Yelema, tout exercice de mandat de député par les membres de cette législature, au-delà du 31 décembre 2018, n’aura aucun fondement légal et s’effectuerait en violation de la Constitution. « L’Assemblée Nationale a toujours été une institution décriée par les Maliens du fait de la faiblesse de son impact sur la vie publique, d’aucuns pensent qu’elle n’est pas utile. En engageant des actions de ce type, les députés vont contribuer à accroitre le discrédit de l’Institution », a prévenu Moussa Mara.

Autre préoccupation des députés, savoir ce que pense leur interlocuteur du délai de six (6) mois de prorogation de leur mandat. L’avis de Mara est que « le délai étant un élément de » de la prorogation, « quel qu’il soit, il ne peut qu’être également illégal ». Et l’ancien Premier ministre de craindre  une seconde prorogation au regard des défis à relever. « Ce qui constituerait un dangereux précèdent et risque d’amener notre pays dans une spirale de prorogations, finissant par décrédibiliser totalement la démocratie malienne », a-t-il évoqué.

Selon le président de Yelema, il apparait clairement que la Cour constitutionnelle ne peut pas s’impliquer dans le renouvellement des Institutions, prévu très clairement par la Constitution et par des lois que celle-ci demande de voter (Loi organique ou loi simple). D’ailleurs, la Cour a demandé à ce qu’une loi organique soit votée pour proroger le mandat des députés, alors que la Constitution énumère précisément tous les cas de figure de la Loi organique (art 63, art 82, art 83, art 94, art 101) et indique, en son article 70, que c’est elle qui détermine le caractère organique d’une Loi.

Nulle part dans la Constitution, il n’est prévu de cas de prise de Loi organique pour d’autres initiatives. Nulle part dans la Constitution il n’est prévu de cas où la Cour constitutionnelle peut demander la prise d’une Loi organique pour quelque motif que ce soit. « En conséquence, la soumission de ce projet de Loi est illégale et viole la Constitution. En examinant ce texte et en le votant, les députés engageront leur responsabilité devant l’histoire », a soutenu Moussa Mara.

Comme alternative, l’ancien Premier ministre d’IBK a demandé aux députés de retourner le texte au gouvernement afin de convoquer le collège électoral le plus tôt possible pour élire les députés. Ainsi, la nouvelle législature accompagnera le gouvernement dans la conduite des reformes. « Pendant le temps qui s’écoulera entre la fin de la législature et l’entrée en fonction de la nouvelle législature, il sera autorisé au gouvernement de légiférer par ordonnance (art 74 de la Constitution). Quand le Gouvernement finira ses reformes, il aura le choix, soit de faire de nouvelles élections après que le chef de l’Etat ait dissout l’Assemblée, soit de faire en sorte que ces reformes entrent en vigueur lors de la législature suivante », a proposé Mara.

Le président de Yelama propose aussi la reconduite des députés actuels mais sans paiement d’indemnité ou de quelque avantage financier qui soit, pour que cet intérim soit le plus court possible. Il s’agit du remplacement de l’Assemblée actuelle par une « délégation législative » restreinte composée par les principales forces politiques telles qu’issues de la dernière élection présidentielle, avec la suppression des avantages financiers pour limiter la période d’intérim. Il souligne d’autres possibilités de remplacement équitables entre les acteurs politiques et convenus à travers un dialogue politique inclusif avec à chaque fois la suspension des avantages financiers pour raccourcir la période d’intérim.

En tout état de cause, conseille l’ancien Premier ministre, il faut dans chacun de ces cas de figure, la Loi soit votée avant le 31 décembre pour entrer en vigueur rapidement et être mise en œuvre dans les meilleurs délais. Cela permettra, dans l’intervalle, la possibilité donnée au gouvernement de prendre des ordonnances pour assurer la continuité de l’Etat.

Soumaila T. Diarra

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