Manassa et le DNI : Les nouveaux « Dieux de la République » !

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À l’âge vénérable qui est le sien, Manassa Danioko, présidente de la Cour constitutionnelle, devait avoir d’autres soucis que de capter les lumières de l’actualité, pour des raisons peu honorables, sur l’arrêt portant proclamation des résultats définitifs du second tour des élections législatives du 19 avril 2020.

La Cour constitutionnelle a été toujours le Talon d’Achille de notre système démocratique. Ses arbitrages en matière électorale la classaient au bas du tableau des juridictions constitutionnelles en Afrique. Avec Manassa et ses 8 compères et commères, nous arborons désormais le bonnet d’âne du dernier de la classe, du cancre qui ne pèche pas seulement par ignorance (il y a de cela), mais aussi par servilité qui amène à vouloir dire le droit en étant courbé, voire couché.

Au cours de ces élections législatives, il y a eu des défaites ou des victoires emblématiques. En commune I, deux vieux routiers de la politique au demeurant fort sympathiques, Waly Diawara et Frankaly Keïta, ont mordu la poussière devant deux jeunots par un écart de plus de 2000 voix. Pour un scrutin qui a peu mobilisé, la Cour constitutionnelle a dû prendre des cours chez un maître-tailleur pour apprendre à tailler et rapiécer, et réussir à coudre une tenue de la victoire aux vaincus. L’exercice n’était pas aisé, mais les 9 sages-tailleurs l’ont réussi, sans gloire.

Là où ça devient loufoque, ce sont les circonscriptions électorales qui ont vu la Cour constitutionnelle tailler dans les voix avec la préméditation de faire gagner une liste de son choix, pour réaliser après coup que l’opération a foiré et que les listes données battues demeuraient toujours les vainqueurs dans les urnes.

Manassa et ses pairs n’en ont cure. L’addition et les soustractions, c’est pour les élèves de l’école fondamentale. Leur délibéré a été pré-rédigé, il sera lu avec ses erreurs et incohérences et aura force de loi avec le rejet des recours en redressement d’erreurs matérielles. La Cour ne saurait s’arrêter, comme l’a dit Jean-Marie Le Pen, en d’autres circonstances, sur des « détails de l’histoire électorale et constitutionnelle » du Mali.

Que nos coreligionnaires musulmans et chrétiens nous pardonnent : entre le 25 mars et le 1er avril, la République a fait deux « nouveaux Dieux ». Le premier Dieu s’appelle « le Dialogue national inclusif » lorsque le président IBK, nanti de tous les pouvoirs constitutionnels, s’est défaussé sur ce cadre de concertation pour maintenir les élections en temps de Covid-19, oubliant que si le Dialogue national lui-même devait se tenir maintenant, il fallait le reporter, à plus forte raison l’une de ses préconisations.

Le « second Dieu » fait par la République se nomme Manassa Danioko. Comme notre Dieu à nous, au plus haut des cieux, madame le président de la Cour constitutionnelle est incapable de se tromper. Ce sont les pauvres candidats victimes de la triche qui n’ont pas compris pourquoi ils devaient indubitablement perdre ces élections. Comme une prédestination !

Manassa sait ce qui est bien pour eux, encore plus, elle comprend parfaitement ce qui est mieux pour le pouvoir, le RPM et les futurs alliés.  Et pourtant, « cette grande dame » en pourpre avait pris sa plus belle plume pour interpeller les anciens présidents de la République à venir prêter main forte au pouvoir pour éteindre les crises qui foisonnent dans le pays. Ils vont devoir se mobiliser pour éteindre les incendies provoqués par Manassa elle-même à Bamako, Kati, Bougouni, Sikasso, etc. L’arrêt de la Cour va provoquer deux secousses telluriques à plus ou moins long terme. Il condamne à une fin prématurée l’Assemblée nationale, en cours d’installation. Le mandat des députés étant déconnecté de celui du quinquennat présidentiel, aucun président élu ne traînera ce boulet dont l’illégitimité de certains membres affecte tout le collège et ses délibérations.

Le second séisme touchera la Cour constitutionnelle en tant qu’institution. Nous ne pouvons plus faire l’économie du débat sur l’avenir de cette haute juridiction. Mais ce débat, au-delà de sa dimension institutionnelle, va revêtir un volet interpellation personnelle. Des décisions prises sur du faux ont porté préjudice à des citoyens maliens et cela, en connaissance de cause de ceux chargés de les rétablir dans leur droit. Si un tel mépris, un tel refus de la vérité peut être couvert ad æternam par le statut de la chose jugée, il est encore temps pour nous de sortir de cette démocratie d’opérette, où le juge constitutionnel fait rentrer les carrés de la loi dans les cercles de la volonté présidentielle.

Bakary Diarra

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