Ancien collaborateur de la Nasa, Cheick Modibo Diarra consulte dans un climat de tension.
Le Mali peine à sortir des crises où l’ont plongé le coup d’État du 22 mars et le raid éclair des rebelles touaregs. Mardi, en dépit d’un retour formel à l’ordre constitutionnel, beaucoup s’interrogeaient sur la volonté de la junte de réellement remettre le pouvoir aux civils. Certes, conformément à l’accord-cadre signé le 7 avril entre les putschistes et le représentant de la Communauté des états d’Afrique de l’ouest (Cédéao), un premier ministre a été nommé lundi pour épauler le président par intérim, Dioncounda Traoré.
Cet homme providentiel, qui a entre ses mains de larges pouvoirs, a pris l’allure d’un homme singulier. D’abord parce que si Cheick Modibo Diarra est malien, il est également citoyen américain. Ensuite parce que l’homme a un parcours atypique. Astrophysicien de haut niveau, il a notamment dirigé plusieurs missions spatiales en collaboration avec la Nasa. Ce passé lui a donné une certaine notoriété dans les milieux aisés de Bamako mais sans lui offrir une véritable popularité. À 60 ans, Cheick Modibo Diarra reste en fait un inconnu en politique. «On s’attendait à quelqu’un avec plus de poids», souligne un observateur. Le Front du refus, qui regroupe la majorité des partis politiques maliens et des associations de la société civile, se montre aussi circonspect. Bien que très divisé, le Front se plaint, pour une fois d’une seule voix, de ne pas avoir été consulté. «Le choix de Diarra a été fait par les représentants de la Cédéao et la junte. Nous ne lui donnons absolument pas un blanc-seing», assure-t-on à la direction du Front. Modibo Diarra devrait, mercredi, présenter les membres d’un gouvernement d’union nationale.
Des proches d’ATT arrêtés
La composition de cette équipe faisait l’objet d’intenses tractations entre les différents partis. Plusieurs options s’offrent au nouveau premier ministre: celle d’un gouvernement de purs techniciens ou au contraire regroupant les représentants des tendances politiques. «L’essentiel est que cela fasse consensus, et cela conduira à un apaisement», veut croire un diplomate africain.
Modibo Diarra devra avant tout démontrer son indépendance vis-à-vis de la junte, qui pour l’heure ne s’est pas retirée du jeu politique. Profitant du flou sur leurs sorts laissé par l’accord du 7 avril, les militaires se sont même brutalement réimposés. Lundi, une dizaine de personnes, liées à l’ancien président, Amadou Toumani Touré, dit ATT, ont été arrêtées, notamment l’ancien premier ministre Modibo Sidibé et de hauts responsables militaires. Mardi, deux responsables politiques ont, à leur tour, été appréhendés. ATT, pour sa part, s’est réfugié à l’ambassade du Sénégal au Mali. La junte n’a pas précisé les raisons de ce coup de filet, se contentant d’évoquer «des informations graves», et a ignoré les ordres de libération immédiate formulés par Dioncounda Traoré. À Bamako, des rumeurs assurent que les suspects seraient soupçonnés d’avoir fomenté un contre-coup d’État. «Ce sont des arrestations arbitraires, et elles démontrent que les militaires continuent d’exercer la réalité du pouvoir», affirmé Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena). Cette remontée des tensions va compliquer la principale tâche du président par intérim et de son premier ministre, qui demeure le délicat dossier du Nord. Les rebelles touaregs, puissamment armés, occupent près des deux tiers du pays.
Dépourvues de forces armées et confrontées à un manque criant de moyens financiers, les nouvelles autorités n’ont dans un premier temps que le choix de la négociation.
Par Lefigaro.fr – Publié