Mali: retour à la case départ?

5

Au Mali, les crises sécuritaire et économique qui ont entraîné la chute du Président IBK sont toujours d’actualité, les nouvelles autorités n’ayant pas réussi à les enrayer. Pire, les conditions de la création du CNT risquent de plonger ce pays dans une nouvelle confrontation politique. Analyse pour Sputnik de Leslie Varenne, de l’Iveris*.

Le 8 décembre, le tant attendu Conseil national de transition (CNT) a enfin été mis en place après plus de trois mois d’atermoiements. Toute l’attention des dirigeants d’un pays, qui a pourtant beaucoup d’autres problèmes à régler, a été portée vers cette nouvelle institution.

Dès novembre, les deux décrets signés par le Président Bah Ndaw pour déterminer la répartition des membres du CNT et leur mode de désignation avaient soulevé la colère des partis politique. En effet, la composition de cet organe, censé remplacé l’Assemblée nationale dissoute après le coup d’État du 18 août 2020, semblait taillée sur mesure pour conforter l’emprise des militaires sur la vie publique malienne.

Le Mali s’habille en kaki

Cela n’a donc pas été une surprise d’apprendre que le colonel Malick Diaw, numéro 2 de la junte militaire, a été élu comme président de cette assemblée avec 92% des voix –111 voix sur les 118 exprimées, un véritable plébiscite. Le seul autre grand gagnant est l’imam Dicko dont les proches et les alliés sont bien représentés. Pour le reste des acteurs politiques locaux, c’est la consternation. Si certaines personnes qui apparaissent dans la liste sont affiliées à des partis politiques, à des syndicats et à des associations comme cela était prévu au départ, elles sont suspectées d’y figurer en leur nom personnel et non en celui de leur organisation, provoquant ainsi des remous en leur sein.

 

Le M5-RFP, la coalition qui avait porté les contestations populaires ayant contribué à la chute d’Ibrahim Boubakar Keïta (IBK), se réserve même le droit d’attaquer le décret de nomination des membres du CNT devant la Cour suprême. Cette coalition a d’ailleurs tenu à rappeler: 

«Le M5-RFP, qui refuse de servir de faire-valoir à un régime militaire déguisé, a unanimement décidé de ne pas participer au Conseil national de transition (CNT) dans le format proposé. Par conséquent, le M5-RFP dénie à quiconque d’y participer en son nom et met en garde les autorités de la transition contre toute manipulation visant à associer son nom à cette mascarade.»

Quant à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), regroupement de certains mouvements signataires de l’Accord d’Alger, elle a décidé de surseoir à sa participation «au vu du quota insignifiant qui lui a été alloué». Même au sein de la junte, la composition de l’organe législatif ne ferait pas consensus, des rumeurs de dissension entre les militaires putschistes se faisant de plus en plus prégnantes.

Tout se passe comme si tous les acteurs de la vie politique malienne avaient sagement patienté jusqu’au dernier acte de l’architecture de la transition, la dernière preuve de bonne foi des nouvelles autorités, et que faute de celle-ci, ils étaient désormais en droit de passer à l’offensive et de fourbir leurs armes. Le Premier ministre Moktar Ouane risque fort de se retrouver devant un front uni regroupant tous les exclus des organes de la transition…

Tous les indicateurs dans le rouge

Les syndicats eux, n’ont pas attendu la création du CNT pour protester, le front social est déjà en ébullition. Le 18 novembre, l’UNTM, le premier regroupement syndical du Mali, avait appelé à trois journées de grève. Le mouvement a été très bien suivi et le bras de fer avec les autorités se poursuit encore. D’autres arrêts de travail sectoriels ont eu lieu depuis dans les mines d’or, chez les administrateurs civils, les surveillants de prison…

Côté économie, la crise s’installe durablement. La production de coton de 2020 a été très mauvaise: un quart seulement a été récolté alors que cette activité représente normalement 15% du PIB du pays. La moissons de mil ont été réduites à cause des conflits dans le Centre et la culture du riz a souffert des inondations. Ajouté à cela, la pandémie de Covid-19 a drastiquement réduit les transferts d’argent en provenance de la diaspora, les bars, restaurants, grands hôtels ou magasins dans lesquels elle travaille étant fermés.

Si les nouvelles autorités ne peuvent pas être tenues pour responsables des mauvaises performances agricoles et de l’épidémie, il n’en va pas de même concernant la situation sécuritaire. Avec des militaires à tous les postes clés de la République, les Maliens, qui avaient accueilli la junte à bras ouverts lors du coup d’État, s’attendaient à une nette amélioration sur ce front-là. Or, l’insécurité est loin d’être jugulée. Le 30 novembre, le JNIM –ou GSIM** (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), dirigé par Iyad Ghali a revendiqué une attaque simultanée de trois camps à Ménaka, Gao et Kidal dans lesquels sont basés les soldats de la force française Barkhane. Si ces tirs au mortier n’ont occasionné aucune perte humaine, il n’en reste pas moins que la synchronisation de ces attaques montre les capacités opérationnelles de ce groupe.

 

Mais le phénomène le plus inquiétant est sans doute la recrudescence des violences dans la région de Mopti, notamment dans le cercle de Bankass et dans celui de Niono (Centre). Ceci est d’autant plus désolant que dans cette zone, des négociations avaient eu lieu entre les différents clans rivaux –milice dogon, groupes d’autodéfense peuls, djihadistes– et elles avaient fait naître des espoirs de réconciliation et de paix. Tous ces efforts semblent être partis en fumée.

 

Tout ceci renforce la polémique liée au fait que le ministre de la Réconciliation nationale, le colonel Ismaël Wagué, ait choisi de recruter comme directeur de cabinet Marcelin Guenguere, ancien porte-parole de la milice Dogon Dan Na Ambassagou, et de nommer Sékou Allaye Bolly, un commerçant qui par le passé a tenté de créer un groupe d’autodéfense peul. 

Les lendemains qui déchantent

Après moins de quatre mois à la tête de l’État pour les militaires, et un peu plus de deux mois pour le Président Bah Ndaw et le Premier ministre Moktar Ouane, les nouvelles autorités semblent déjà rattrapées par les difficultés et l’usure du pouvoir. Le manque de communication avec la classe politique, les décisions prises sans concertations et qui placent tous les acteurs devant le fait accompli –alors qu’au départ, il existait pourtant une vraie volonté d’accompagner positivement cette transition– ont miné leur capital sympathie. Certes, le chantier pour redresser le pays dans les conditions actuelles paraît titanesque. Toutefois, il suffirait de quelques gestes forts et de beaucoup de bonne foi pour que les Maliens y croient à nouveau.

*Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques.

**Organisation terroriste interdite en Russie.

Commentaires via Facebook :

5 COMMENTAIRES

  1. ” … le tant attendu Conseil national de transition (CNT) a enfin été mis en place après plus de trois mois d’atermoiements. Toute l’attention des dirigeants d’un pays, qui a pourtant beaucoup d’autres problèmes à régler, a été portée vers cette nouvelle institution… ” …///…

    :
    ” … Un pays, qui a pourtant beaucoup d’autres problèmes à régler,… ”

    On dirait pas… !

    On ne demande pas l’instauration de PARTI-UNIQUE ou de POLITIQUE de CONCENSUS MOU qui laisserait la corruption miner le pays.
    Dans tout pays, il y a un POUVOIR et une OPPOSITION…, c’est normal. Mais en ce moment au Mali…, on a l’impression que des Fils de ce PAYS cherchent à le rendre ingouvernable. D’où un risque de dislocation.
    Ceux qui ne veulent pas être du CNT, c’est leur Droit on est censé être en Démocratie…
    Le CNT n’est pas taillée sur mesure pour conforter l’emprise des militaires sur la vie publique malienne, mais taillé pour redresser un PAYS sur le point de devenir ingouvernable et en conflit armé depuis 8 ans.
    ” … «LE M5-RFP, QUI REFUSE DE SERVIR DE FAIRE-VALOIR À UN RÉGIME MILITAIRE DÉGUISÉ, A UNANIMEMENT DÉCIDÉ DE NE PAS PARTICIPER AU CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION (CNT) DANS LE FORMAT PROPOSÉ. PAR CONSÉQUENT, LE M5-RFP DÉNIE À QUICONQUE D’Y PARTICIPER EN SON NOM ET MET EN GARDE LES AUTORITÉS DE LA TRANSITION CONTRE TOUTE MANIPULATION VISANT À ASSOCIER SON NOM À CETTE MASCARADE.»… ”
    On devrait dire plutôt « LE COMITÉ STRATÉGIQUE du M5-RFP réduit … »

    ” … la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), regroupement de certains mouvements signataires de l’Accord d’Alger, elle a décidé de surseoir à sa participation «au vu du quota insignifiant qui lui a été alloué»… ”
    Je ne pense pas qu’avoir un grand nombre de Représentants dans le CNT soit important. La JUNTE voulait que toutes les ENTITÉS POLITIQUES soient représentées et dans le Gouvernement et dans le CNT. Cela me parait plus juste que de laisser un PARTI POLITIQUE ou un MOUVEMENT POLITIQUE et son LEADER dominer, diriger la TRASITION sans avoir un mandat électif, dans l’espoir de faire élire son Candidat à la prochaine élection présidentielle.
    Pour rendre le PAYS gouvernable “… il suffirait de quelques gestes forts et de beaucoup de bonne foi pour que les Maliens y croient à nouveau… ”
    Des gestes de bonne foi…, il y en a…, surtout de la part de la JUNTE. Mais aussi de MEMBRES de la CMA, de la PLATEFORME et du M5-RFP.
    Mais des extrémistes de la CMA et le COMITÉ STRATÉGIQUE du M5-RFP exigent plus. C’est à ces extrémistes à qui on devrait demander de faire preuve de bonne foi pour que les Maliens y croient.

    Vivement le Mali pour nous tous.

  2. OUI!, il faut bien le dire “Les lendemains qui déchantent déjà”, je cite la bonne analyse du journal: “près moins de quatre mois à la tête de l’État pour les militaires, et un peu plus de deux mois pour le Président Bah Ndaw et le Premier ministre Moktar Ouane, les nouvelles autorités semblent déjà rattrapées par les difficultés et l’usure du pouvoir. Le manque de communication avec la classe politique, les décisions prises sans concertations et qui placent tous les acteurs devant le fait accompli –alors qu’au départ, il existait pourtant une vraie volonté d’accompagner positivement cette transition– ont miné leur capital sympathie”.

    Un article de presse malienne de ce matin, qui enfnce le clou, dit “l’Eléphant attendu est arrivé avec un pied cassé”, je dirais que la Junte des Bidasses de Kati-Camp-Prytanée, qui avait finalisé, en douceur, la chute de IBôKassa (malicieux-zonkèba Empereur-guignolet de Sébénicoro), récolte déjà, du mil aux gros cailloux, sa gestion solitaire, autocratique et dictatoriale de la Transition au Mali.

    • 𝔹0ℕ$0𝕀ℜ

      Q𝔄Ŧ𝔄ℜ𝔄Ŧℂ𝔄Iℒℒ€
      𝒫€Ŧℜ0𝓓0ℒℒ𝔄ℜ𝔄Ŧℂ𝔄𝕀ℒℒ€

  3. Miracle Témoignage: je me nomme Myriam, je vie en France ; mère de 3 enfants. Je vivais avec mon mari avec un grand amour, il est tombé sur le charme d’une jeune fille dans son boulot , mon mari a changé du jour au lendemain , il ne dors plus à la maison , il m’a même dit en face qu’il ne veut plus de moi qu’il ne m’aime plus ,je ne fais que pleurer chaque jour , j’ai consultée des marabouts sur le net sans résultat.DIEU merci j’ai parlé de ma situation à un collègue de travail qui m’a donné le contact d’un Grand Maître au nom de AZE CHANGO,il vit au Bénin dans un petit Village c’est lui qui m’a ramené mon homme très amoureux et nous sommes très heureux,Mon mari est r€venu à la maison après 3 jours de tr@vaux magique.Sincèrement je n’arrive pas à y Croire qu’il existe encore des personnes aussi terrible, sérieux et honnête dans ce mOnde, et il me la ramené, c’est un miracle.Je ne sais pas de quelle magie il est doté mais tout s’est fait en moins d’une semaine, il est fort dans tous les domaines.Je vous laisse son contact :
    CONTACT WHASAPP// 0022-966-547-777

    • Maliweb accepte ce type publicité …, Myrriam 8 Déc 2020 at 19:03… ?
      Bonjour escrocs, charlatans, arnaques et Compagnies…

Comments are closed.