Mali: réformer ou périr

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Tiebilé Dramé

Mesdames et Messieurs,
Je remercie les organisateurs ( l’Association des Maliens de Dijon et le Comité Koulikoro-Quétigny) de m’avoir invité à m’adresser aux Maliens de Dijon, à nos frères ouest-africains et à nos amis français venus nombreux, ce soir, pour parler des ” perspectives sécuritaires et socio-économiques au Mali au cours de l’année 2016″.

Permettez-moi de saisir l’occasion pour saluer le peuple et les dirigeants de France pour les sacrifices consentis pour la liberté du Mali à travers la salutaire opération Serval et pour la sécurité du Sahel à travers le dispositif Barkane.

Selon la Direction nationale de la population ( DNP), le Mali comptait en 2015 17 millions huit cents dix-neuf mille habitants. 80,2% de cette population ( soit 14.295.000 personnes) ont moins de 35 ans!
Les moins de 18 ans sont neuf millions 519.951 habitants, soit 53,4% de la population totale.

Avec un taux moyen de croissance de la population de 3,6%,  en 2025, c’est à dire dans neuf ans, le Mali aura 23 millions et demi d’habitants. En 2035, les Maliens seront plus de 30 millions.

Ces chiffres nous interpellent et posent d’énormes défis aux acteurs publics, privés et aux planificateurs maliens en termes de production de nourriture, de sécurité alimentaire, de santé publique, de scolarisation, de formation professionnelle, d’aménagement du territoire et d’environnement,  d’habitat et d’urbanisation, d’assainissement, d’hygiène et de gestion des ordures,  d’accès à l’eau potable et à l’électricité, de création de richesses et d’emplois pour une population si jeune, de lutte contre le chômage et la pauvreté, et de sécurité publique.

Se préparer à affronter ces défis doit être la tâche primordiale d’une gouvernance responsable, moderne et prévisible.
Réfléchir à quelle politique du secteur privé et de l’entreprise, quels services publics  pour satisfaire les immenses besoins des dizaines de millions de Maliens dans 10, 15 et vingt ans, quelles sont les réformes institutionnelles et administratives pour faciliter la satisfaction de ces  besoins, telles sont les vraies questions que les acteurs publics doivent se poser pour mieux préparer l’avenir.

L’urgence à apporter des solutions à ces défis dans un pays dont la structure économique est fragile ferait reléguer au second plan la crise du Nord dont la gravité se passe pourtant de commentaire et qui menace l’existence même du pays. C’est dire combien nous avons des défis tout aussi urgents les uns que les autres.

Classé, selon l’IDH ( Indice de développement humain)  179 è sur 188, le  Mali est un pays très pauvre  où 46,9% de la population vivent avec moins de 500 F CFA par jour . En 2015, le PIB par habitant était de 361.721 francs CFA.

C’est aussi pour dire qu’il faut résoudre vite la crise du Nord pour mobiliser et canaliser les énergies de toute la Nation vers la satisfaction des besoins des millions de Maliens.

En ce qui concerne la crise du Nord, la propagation de l’insécurité est la principale préoccupation des Maliens aujourd’hui. Divers groupes d’obédience jihadiste ont multiplié ces derniers mois les attaques sanglantes dans plusieurs régions du pays contre les populations civiles, les forces armées nationales et internationales.
Signé il  y a sept mois, l’accord pour la paix et la réconciliation a été négocié dans un rapport des forces défavorable au Mali. Il ne traite pas de toutes les causes profondes de l’effondrement du pays en 2012. Plusieurs dispositions dudit accord suscitent des inquiétudes dans la mesure où beaucoup y voient les ferments de la partition du pays.

Au delà de l’application diligente de l’Accord d’Alger que nous considérons comme une étape de la longue quête de paix et de stabilité au Mali, il conviendrait de revenir sur le diagnostic de l’effondrement du Mali en 2012.
A cette époque, il y avait un consensus international sur les causes profondes de la chute de l’État, de l’armée et de l’occupation des 2/3 du territoire: la gouvernance, l’économie criminelle, la rébellion, la présence et les activités jihadistes sur une bonne partie du septentrion.

Pour bien soigner l’homme malade du Sahel qu’est le Mali, s’impose une thérapie vigoureuse tenant compte de toutes les dimensions de la crise.
En d’autres termes, il convient de dialoguer de bonne foi avec les groupes armés,  d’explorer la possibilité de parler avec les jihadistes maliens ( avant qu’il ne soit trop tard), de regarder en face les questions de gouvernance en y apportant des réponses appropriées et d’engager de courageuses réformes institutionnelles dessinant les contours d’un nouveau Mali, d’un autre Mali.
Des réformes pour doter le pays d’institutions promouvant la bonne gouvernance, des réformes pour répondre aux défis résultant de la jeunesse de la population, des réformes pour satisfaire les besoins fondamentaux des millions des Maliens, ces réformes sont plus que jamais nécessaires et urgentes.
Nous n’avons pas le choix: nous devons réformer ou disparaître.
Réformer suppose de l’audace, mais aussi et surtout de la vision!

Tiébilé Dramé
Président du Parti pour la renaissance nationale ( PARENA)

(Conférence prononcée le 5 février à Dijon-France)

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