Si les partisans du président de la deuxième République ont cru bon d’écrire un livre pour le blanchir des cruautés qu’il a commises contre le peuple malien et qualifier son bilan de vingt- trois ans de globalement positif, ils se trompent de combat. L’ouvrage de 208 pages, contrairement aux attentes de ses auteurs, lève un petit voile sur la gestion ensanglantée et criminelle de notre pays par le général Moussa Traoré.
Animés par la haine, la rancœur, malgré les fruits de la démocratie qu’ils ont profité et continuent de profiter à différents niveaux dans l’administration, les anciens dirigeants de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) en veulent à mort au peuple malien qui tarde à présenter ses excuses à Moussa Traoré, dépeint comme victime du complot français et non de sa gestion criminelle du Mali contre ses compatriotes. C’est pourquoi ils ont écrit un ouvrage dans lequel on peut lire : «Les auteurs de la présente réflexion se proposent d’éclairer les générations actuelles et futures et de fournir aux historiens, chercheurs des éléments utiles à leurs investigations». Cela est d’autant plus vrai quand on veut donner de la bonne information pour la manifestation de la vérité. Mais, si c’est des contré vérités qui puent de la haine et maquillées de mensonges pour falsifier les faits dans l’unique but de réhabiliter Moussa Traoré et d’insulter la mémoire des victimes de leur mentor, ils trouveront sur leur chemin la sentinelle qui veille encore sur les acquis de la lutte du peuple.
La sortie du livre intitulé ‘’Le Mali sous Moussa Traoré’’ en ce mois de mars n’est pas gratuite. Elle rentre dans leur tentative de saborder les acquis de la lutte héroïque du peuple malien couronnée par la chute de celui qui savoure mieux aujourd’hui du nectar de la démocratie. Sinon comment comprendre qu’à quelques jours de la commémoration de l’assassinat de Cabral et de la célébration du 25 anniversaire du 26- Mars, qu’on lance un livre pour dresser le bilan chaotique des vingt- trois ans du général Moussa Traoré, bourreau du peuple malien.
Comme ils ne sont pas parvenus à le faire par des tripatouillages lors de leur passage dans la haute sphère de l’administration, ils estiment que le moment est venu pour occuper les médias afin de procéder à un lavage de cerveau de la jeunesse et de la faire adhérer à leur dessein funeste de réhabilitation Moussa Traoré en écrivant un livre. Ils pensaient créer la zizanie dans les rangs des Maliens qui allaient se tirailler au tour du livre que de s’atteler à célébrer les dates mémorables qui ont mis fin à vingt- trois ans de gabegie de Moussa. Il n’en fut rien. Le contraire s’est d’ailleurs produit. Ce qui sûr et certain, le succès du livre n’a duré que le temps d’une bulle de savon.
Au contraire, le livre dessert Moussa et le descend en flammes au point qu’on se demande si les auteurs n’ont pas d’ailleurs renforcé la position des Maliens qui croient toujours dur comme fer que le passage du général Moussa Traoré à la tête du Mali est la négation de notre Histoire.
Dans leur tentative de présenter le général, renversé par une insurrection populaire le 26 mars 1991 comme l’homme qui a blanchi sous le harnais pour que son peuple ne manque de rien en matière de développement, les concepteurs de l’ouvrage l’innocente des atrocités commises contre les Maliens qui ne voyaient à la soldatesque du 19 novembre 1968 que des gens animés par la seule volonté de se servir et non de servir le peuple. Malheureusement, dans ce travail de rendre Moussa clean, ils font porter le chapeau de tous les dérapages à Tiécoro Bagayoko durant les dix ans du règne de la terreur du Comité militaire de libération nationale (CMLN). La caution morale de Tiécoro n’est autre que Moussa Traoré.
Si le directeur des Services de sécurité n’avaient pas semé la terreur pour intimider et pousser à la clandestinité les femmes et les hommes qui se battaient pour le bonheur des Maliens, la contestation allait emporter le régime de Moussa au bout de quelques années.
Les auteurs du livre doivent tirer le chapeau à Tiécoro au lieu de le salir d’autant plus qu’il n’est plus de ce monde. Donc, impossible pour lui de porter la contradiction aux passages de l’ouvrage le concernant.
Le parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) est décrit comme l’émanation du peuple. On le présente comme un parti qui a tout donné aux Maliens. Or, tout le monde sait que la naissance de ce parti a été douloureuse. Il n’a jamais été accepté par les Maliens. C’est au bout du fusil qu’il a été imposé. Ceux qui ont dénoncé et qualifié le référendum de 1974 de farce électorale ne le démentiront pas. Ils ont été arrêtés et déportés, loin de leur famille.
Les auteurs du livre dans leur tentative de laver proprement Moussa de la gestion du CMLN consacrent 146 pages sur les 208 que compte l’ouvrage à l’UDPM. Ils veulent dire par là que la période d’exception (1968-1978) marquée par toutes sortes d’abus est l’œuvre de Tiécoro Bagayoko. Ils le présentent comme la personnification de la terreur. A leurs yeux, Moussa est loin d’être comptable de la terreur qui a régné durant les dix ans du pouvoir CMLN.
Moussa Traoré taxe ses compagnons de l’UDPM de malhonnêtes et corrompus…
On lance à la figure du lecteur que : «Pour la gestion des affaires de l’Etat, Moussa Traoré fit appel aux cadres du pays, exigeant d’eux essentiellement trois qualités : la compétence, le patriotisme, la loyauté». Quand un homme est pétri de ces qualités, il va de soi que son pays amorcera inéluctablement le développement pour le bonheur de ses concitoyens. Mais, il est déplorable que les cadres de l’UDPM, malheureusement, n’étaient pas dans cette disposition. Et on se demande où étaient les promoteurs du livre quand en mars 1987, le général Moussa Traoré déclarait ceci : ‘’Le parti n’existe pas ! Seuls des malhonnêtes m’entourent ; tous mes compagnons sont corrompus ; je me sens tout seul et désormais, au lieu de dire ‘’nous’’, je dirai :’ ’je’’. Le prochain congrès sera celui de la clarté, du patriotisme, de l’épuration, de l’assainissement, de la liquidation des corrompus. Cette déclaration est tirée de l’hebdomadaire panafricain, Jeune Afrique, N°1375 du 13 mai 1987, page 11. Rien n’à dire sur ces propos qui ont qualifié le comportement de ceux qui tentent aujourd’hui de présenter Moussa comme un ‘’Saint’’.
Toujours courant l’année 1987, l’UDPM a produit un document dénommé ‘’Charte d’orientation et de conduite de la vie publique’’. Elle devait servir de base aux discutions du congrès de mai 1987. La charte ne fait pas de concessions aux militants et responsables du parti unique. Elle parle de la mauvaise gouvernance de tous les segments de la vie de la nation. En plus, la Charte étale sur la place publique les carences, l’incompétence des cadres du parti à donner espoir au peuple malien. Nous avons choisi quelques passages qui illustrent que les hommes de Moussa n’avaient aucune recette pour redresser la situation qu’ils ont pourrie à la suite du coup d’Etat du 19 novembre 1968.
La corruption de l’administration malienne
A la page 64 et 65 de la Charte, il est écrit que : ‘’Il n’est un secret pour personne que le népotisme imprègne l’administration et que la corruption s’y est confortement installée… la perte du sens de l’Etat qui se traduit par la perte de toute éthique de la fonction administrative, est également liée à la baisse dangereuse des valeurs morales au profit des valeurs matérielles…’’
S’agissant des problèmes économico-financiers. On lit à la page 66 et 67 de la Charte, ‘’On constate qu’à ce niveau, il existe un déséquilibre croissant entre les revenus et le coût de la vie, aggravé par l’incapacité dans laquelle se trouve l’Etat de faire face à ses obligations d’abord et de donner une impulsion décisive à l’économie (…). Actuellement, trop peu de citoyens peuvent décemment faire face à leurs obligations tant est grand le fossé entre les revenus et les prix’’.
A la page 68, ‘’cette situation démotivante est exacerbée par l’état d’asphyxie du Trésor public qui imprime au paiement des salaires un rythme irrégulier et conduit à un sous-équipement des services publics. Dès lors, les conditions matérielles et psychologiques de travail s’en trouvent particulièrement dégradées’’.
Sur les problèmes sociaux, la Charte à la page 68 mentionne ce qui suit : ‘’Au plan social, on note l’absence de solutions adéquates aux problèmes de l’emploi, surtout en ce qui concerne les jeunes diplômés. Cette situation trouve son origine, d’une part, dans l’inadéquation formation-emploi-ressources disponibles ; d’autre part, dans les difficultés qu’éprouve l’Etat à combattre la corruption, l’enrichissement facile, l’affairisme, le détournement des deniers publics et à garantir l’égalité devant la loi et les services publics’’.
Ces passages prouvent à suffisance que les dirigeants de l’UDPM avaient montré leurs limites à gérer le Mali. Ce qui a d’ailleurs été confirmé par son secrétaire politique en 1991. Dans sa lettre de démission, Djibril Diallo écrit : «Le parti (UDPM) a atteint son seuil d’incompétence». Même s’il n’y a pas décence en politique, on ne peut pas faire une telle fracassante déclaration et en quelques années se dresser en défenseur de ce même parti pour narguer, tromper et falsifier les faits pour que la nouvelle génération adhère à une cause déjà perdue.
Les nominations anarchiques à des grades supérieurs ont débuté avec Moussa : de lieutenant, Moussa s’est bombardé au grade de colonel puis à celui de général
De la gestion de l’armée après la chute du général Moussa Traoré, les rédacteurs notent à la page 167 de leur ouvrage que : ’’L’entreprise de destruction de l’armée débute sous la transition (mars 1991- mai 1991). Plus loin, ils ajoutent que‘’ de l’armée sous les régimes de la transition et de la 3e République, on retiendra une gestion loin d’être satisfaisante se manifestant à travers : des nominations anarchiques à des grades supérieurs n’ayant aucun rapport avec les textes règlementaires des armées…’’
Sur ce point, le bilan des présidents Amadou Toumani Touré (ATT) et Alpha Oumar Konaré (AOK) est catastrophique, le défendre, c’est trahir le Mali. Et une des conséquences de leur gestion aujourd’hui est l’occupation de notre territoire par des forces étrangères dont la mission à elles confiées par la soit-disant communauté internationale est la partition du Mali. Mais, il est important de rappeler aux moussaïstes que la destruction de notre armée a débuté sous le règne du lieutenant Moussa Traoré, l’homme qui a porté un coup d’arrêt à la marche patriotique amorcée par le président Modibo Keïta et ses camarades.
Au lendemain du coup de force perpétré par des gens qui n’étaient pas préparés à exercer de hautes fonctions, une purge conduite sous la clairvoyance de l’homme du 19 novembre 1968 s’est opérée au sein de l’armée. Les officiers subalternes ont arrêté et mis à la retraite tous les officiers supérieurs de l’armée, ces hommes dotés de capacité d’analyse, de réflexion et d’anticipation. La purge ne s’est pas arrêtée là.
Au sein du Comité militaire de libération nationale (CMLN), les plus gradés, les capitaines Yoro Diakité, Malick Diallo (arrêtés le 27 mars 1971) et Charles Samba Sissoko (08 mars 1978) ont été mis aux arrêts sous prétexte qu’ils complotaient contre le pouvoir des lieutenants (au nombre de dix sur les quatorze membres du CMLN).
Le quatrième capitaine, Mamadou Cissokho, ayant trouvé la mort dans un accident de circulation (1970). Cette épuration a porté un coup dur au bon fonctionnement de l’armée malienne. Ainsi, leur élimination a ouvert le boulevard à des promotions exceptionnelles et à grande échelle dans l’armée.
Dans leur volonté de paraître et de faire croire aux citoyens que la tenue militaire est synonyme de richesse, de jouissance et de conquête de belles filles à Bamako, la soldatesque s’est attribuée de façon éhontée des galons au détriment de la valeur intrinsèque, de la bravoure, du dévouement et de l’abnégation, valeurs sans lesquelles on ne pourra jamais porter son pays dans son cœur.
Le lieutenant Moussa Traoré s’est bombardé au grade de colonel et de général d’armée quelques années après avoir éliminé ses compagnons d’armes qui l’empêchaient de tourner en rond et de régner en maître absolu. Eux, aussi, ne sont pas restés en marge de cette distribution promotionnelle des galons. De lieutenant, ils se sont tous retrouvés au grade de lieutenant-colonel. Ils ont piétiné les galons de capitaine, de commandant et de lieutenant-colonel pour Moussa Traoré. Qui dit mieux, la charité bien ordonnée commençant par soi même !
Les auteurs du livre, qui tentent de réécrire l’Histoire politique en blanchissant le putschiste de novembre 1968, oublient que, contrairement à ce qui est écrit dans le livre ‘’Le Mali sous Moussa Traoré’’, les nominations anarchiques ont débuté sous Moussa Traoré.
Si ces apprentis-sorciers (ATT-AOK) ont continué son œuvre en sabotant les fondements de notre armée, il n’y a rien de surprenant. Il est à noter que Amadou Toumani Touré et Alpha Oumar Konaré sont des purs produits du système Moussa. Le premier pour avoir été le commandant de la garde présidentielle du président Traoré et le second pour avoir été son ministre. Ils étaient tous là quand le régime de Moussa Traoré torturait et assassinait froidement le secrétaire général de l’UNEEM, Abdou Karim Camara dit Cabral, le 17 mars 1980.
Même si les démocrates ont mal géré le pays, on n’acceptera pas qu’on livre des contre-vérités à notre peuple pour falsifier et réécrire notre Histoire au profit du général Moussa Traoré, un homme qui n’est pas prêt à présenter ses excuses pour les crimes qu’il a commis dans le sang contre les Maliens qui ne lui demandaient que le bien-être.
Yoro SOW
On ne peut dire mieux que ça, de toutes les façons les maliens auront tout vu et continuent d’en pâtir.
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