Mali: la menace d’un effondrement de l’Etat

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Gilles Olakounlé Yabi est directeur du Projet Afrique de l’Ouest de l’organisation International Crisis Group. Il analyse pour SlateAfrique les conditions d’une sortie de crise.

Manifestants occupant le palais présidentiel de Koulouba, lundi 21 mai, Bamako REUTERS

Slate Afrique – Le capitaine Sanogo (auteur du coup d’Etat du 22 mars) contrôle-t-il réellement l’armée malienne?

Gilles Yabi – Le Mali est dans une situation marquée par une confusion générale et cela est vrai aussi bien sur le plan politique que militaire. On ne peut pas parler de contrôle de l’armée comme s’il s’agissait encore d’un bloc homogène avec un commandement perçu comme légitime par les membres des différents corps.

Les affrontements, il y a quelques semaines, entre les bérets verts, dont fait partie le capitaine Sanogo, et les bérets rouges, qui étaient proches de l’ancien présidentAmadou Toumani Touré (au pouvoir jusqu’au 22 mars 2012), ont montré que tous les militaires n’étaient pas solidaires avec la junte. Mais le dénouement de cet épisode a aussi prouvé que la junte de Kati disposait d’une base solide au sein de l’armée, ou du moins, qu’elle n’était pas rejetée massivement par la majorité des troupes.

Sanogo en est sorti renforcé. Il rassemble derrière lui ceux qui dans l’armée en voulaient depuis des années aux officiers et sous-officiers perçus comme étant personnellement proches de l’ancien président et collectivement accusés de corruption et de tous les autres maux.

SlateAfrique – La convention nationale peut elle déboucher sur une sortie de crise ? 

G.Y. – Le projet de convention nationale a été rejeté par le président intérimaire Dioncounda Traoré et par un grand nombre de partis politiques. Ce fut déjà le cas lorsque le capitaine Sanogo agitait cette proposition pour essayer de se maintenir à la tête de l’Etat après le putsch, et cherchait à montrer à l’opinion publique internationale que la junte bénéficiait du soutien de la population malienne.

Une convention nationale ou une conférence nationale n’est jamais en soi une solution à une crise. Elle ne peut aboutir à un résultat positif pour un pays que lorsque certaines conditions sont réunies, à commencer par une préparation minutieuse dans un contexte dépassionné. Toutes les composantes de la société politique et civile malienne n’ont jamais été autant divisées qu’en ce moment. Ce n’est pas dans un tel contexte qu’on peut organiser une convention nationale susceptible de décider d’une feuille de route pour sortir d’une crise profonde et multiforme.

Slate Afrique – Des affrontements sont-ils à craindre entre différentes factions de l’armée? 

G.Y. – Les affrontements ont déjà eu lieu entre factions de l’armée en pleine ville et cela fut un choc pour les populations de Bamako, une des villes les plus tranquilles en Afrique de l’Ouest. Pour des personnes comme moi qui ont vécu il n’y a pas si longtemps à Bamako, ces affrontements armés ont aussi représenté une tragédie à laquelle il fallait mettre fin au plus vite.Le coup d’Etat a ouvert la porte à toutes les dérives et on ne peut plus rien exclure, y compris de nouvelles tensions au sein de l’armée susceptibles de dégénérer en confrontations violentes.

On peut espérer que la clarification institutionnelle permette de réduire significativement ce risque en créant les conditions d’une remise sur pied de la chaîne de commandement des armées. L’attaque violente ce 21 mai sur le président intérimaire, alors qu’il était dans son bureau, est cependant l’illustration que tout est désormais possible au Mali, y compris le pire.

Slate Afrique – Le Sud du Mali est-il lui aussi menacé de fragmentation? 

G.Y. – Le risque n’est pas celui d’une fragmentation semblable à ce qui se passe dans le nord, avec la présence de divers groupes armés contrôlant des villes, des quartiers de ville et des villages. Au sud, la menace est celle d’un effondrement de l’Etat à la fois dans sa légitimité et dans sa capacité à offrir aux populations la sécurité et les services sociaux et économiques de base. La perte de contrôle total des trois régions du nord et le coup d’Etat  Bamako ont dramatiquement fragilisé l’édifice étatique malien. C’est la remise sur pied rapide de l’Etat qui est aujourd’hui prioritaire parce qu’aucun début de solution à la crise du nord ne peut être trouvé dans un contexte de grande faiblesse et de divisions des autorités civiles et militaires de l’Etat central.

Slate Afrique – Assiste-t-on aussi à une montée de l’islamisme radical dans le Sud du Mali ? 

G.Y. – Il faut être prudent et précis lorsque l’on parle de l’islamisme radical parce qu’il y a une tendance à confondre des courants islamiques très variés coexistant sur les mêmes territoires, qui défendent des pratiques religieuses différentes et recourent à des moyens différents pour diffuser ou imposer leurs visions.

La justification ou non du recours à la force dans cet objectif est un des facteurs discriminants entre ces groupes. Tous les mouvements islamistes radicaux ne prônent pas l’usage de la violence. Au Mali, au nord comme au sud, des groupes se réclamant chacun d’un Islam plus authentique que l’autre, tentent depuis des années de «convertir» les musulmans à des pratiques spécifiques, allant généralement dans le sens d’une application rigoureuse sinon littérale de la charia (loi islamique).

Au Mali comme dans beaucoup de pays africains à dominante musulmane ou chrétienne, des prêcheurs venus d’ailleurs se sont progressivement implantés. C’est aussi une dimension de la mondialisation, généralement ignorée. Au nord du Mali, un rapport de Crisis Group soulignait en 2005 l’activité de prêcheurs pakistanais du courant Jama’at Al-Tabligh (ou Da’wa) d’origine asiatique. L’ancien rebelle touareg aujourd’hui chef d’Ansar Dine Iyad Ag Ghali était devenu le leader spirituel des Tablighis au Mali.

Il faut donc comprendre que l’agenda islamiste – dans le sens de la diffusion d’une nouvelle manière pour des populations musulmanes de vivre au quotidien leur foi – n’est pas apparu subitement au nord du Mali. Cela est vrai aussi au sud. Des courants importés d’ailleurs, que ce soit du Pakistan ou de l’Arabie saoudite, influencent les dynamiques religieuses locales et conduisent à la modification des pratiques de groupes de plus en plus importants au sein de la communauté musulmane, dans un sens plus conservateur, et pour certains, dans un extrémisme qui peut tolérer l’usage de la violence pour imposer leur vision de l’Islam.

Là encore, il faut décrypter les évolutions de la société malienne dans le domaine religieux  de manière fine et faire la distinction entre la montée probable d’un conservatisme religieux et celle, peu probable, d’un extrémisme flirtant avec la violence. Il faut rappeler que la mobilisation organisée par le Haut conseil islamique du Mali à Bamako contre un projet de code de la famille jugé trop progressiste et contraire aux valeurs traditionnelles de la société malienne avait poussé le gouvernement et le parlement à reculer, au grand dam des organisations de défense des droits des femmes… et de l’Homme.

Ce signe d’une puissante capacité de mobilisation d’une masse de personnes sur le thème de l’Islam – un grand stade de Bamako avait été rempli par des manifestants à l’appel du Haut Conseil –  traduit la force du conservatisme mais ne signifie pas par exemple qu’il y aurait une demande ou un désir d’imposition de la charia dans le sud du Mali.

Slate Afrique – Les hommes du capitaine Sanogo affichent leur volonté de «nettoyer» la société et de lutter contre la corruption. Mais sont-ils eux-mêmes irréprochables? Certains d’entre ne sont-ils pas déjà impliqués dans des trafics? 

G.Y. – Chaque fois qu’un coup d’Etat est perpétré dans la région, ses auteurs proclament leur volonté de sauver la nation de la décadence incarnée par le régime destitué et se présentent comme les seuls qui soient du côté des masses exploitées par la classe dirigeante des années précédentes. Il n’y a donc rien de surprenant et de nouveau dans le discours politique de la junte malienne. Sont-ils irréprochables? Je n’en sais rien.

De fait, ceux qui jouent les premiers rôles dans la junte n’étaient pas dans des positions au sein de l’armée leur permettant de bénéficier des opportunités d’enrichissement qui s’offraient aux anciens chefs. Mais cela constitue-t-il un gage d’intégrité à toute épreuve? Comment distingue-t-on ceux qui condamnent la corruption et l’enrichissement illicite des dirigeants civils et militaires parce qu’ils abhorrent l’accaparement des ressources du pays et défendent une rupture réelle dans le mode de gouvernance de ceux qui ne sont contre la corruption et le laxisme parce qu’ils ont été exclus du cercle des profiteurs?

Propos recueillis par Pierre Cherruau

slateafrique.com – 23 mai 2012

 

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16 COMMENTAIRES

  1. Merci Gilles Olakounlé Yabi pour cette belle analyse!Ce coup d’état
    perpétré par le CNRDRE est une lueurre d’espoir pour tous ceux qui avaient longtemps compris que la démocratie malienne n’était qu’une coquille vide!Une vraie démocratie rime avec de la bonne gouvernance, le partage équitable des richesses du pays entre tous ses fils…tel n’était pas le cas au Mali.Si bien que les populations deçue par la classe politique se sont tournées vers des islamistes et les militaires pour retrouver un peu de reconfort…

  2. Merci Maliweb de me censurer a tout bout de champ, ca me prouve l’interet que vous me portez.
    Je dois dire que si vous aviez censure cet idiot de Sanogo comme vous le faites avec moi, le mali n’en serait peut etre pas la aujourd’hui. En tout cas, bon courage 😆

    Donc voila ce que je disais dans ce commentaire que vous avez censure:

    Je disais que si les guide spirituels et responsable politiques avaient fait leur travail d’education de la population, ce qui est arrive au president Traore ne serait pas arrive.
    Je disais que cette monstruosite qui a envahi le palais de Koulouba et attaque le president est le fruit du silence complice des guides spirituels et responsables politiques.
    On est choque du resultat, mais personne ne prend responsabilite dans la cause.
    Voila ce que je disais ( en resume)

    Atlante

  3. De la diaspora!

    Qu’est ce que c’est que cette sottise monumentale : la menace d’un effondrement étatique ? Titre un quotidien, c’est maintenant que l’on pose la question de l’existence d’un état malien. C’est vrai que la connerie paye bien le malien… Le ridicule ne tue pas. L’état du Mali a cessé d’exister depuis la non intervention du Président encore au pouvoir ; quand les salafistes islamistes ont prit le nord d’assaut.
    Nous avons un problème urgent a régler certes pas dans la haine de l’autre, ou à chercher à faire endosser la responsabilité à une force puissante invisible et/ou même visible, c’est-à-dire les autres. Ce n’est de toute façon jamais la faute du malien, elle vient toujours d’ailleurs. Cela est plus facile comme cela on fuit nos responsabilités au lieu de les assumer.
    Par ailleurs le danger que courait le peuple malien le rattrape à savoir se voir malmener par une troupe militaire avide et surtout pressée de pouvoir croquer leur part du grand gâteau « Mali », puisque l’exigence de nos concitoyens s’arrête aux quelques billets, thés t-shirts pour acheter sa voix lors des élections. Bas les gros sabots, dégagez vos considérations égo-individualiste et vos ambitions démesurées, le Mali à besoin se refaire, il le pourra sans vos rangers et kalachnikov, à la jeunesse malienne d’en prendre conscience!
    Il n’ya pas de malédiction qui nous frappe seulement notre inactivisme légendaire nous collant à la peau, nous saute enfin au visage et l’on ne veut pas le voir : « souvent le prudent succombe à sa destinée, loin d la faire ; c’est le destin qui fait les prudents… » (Voltaire, dictionnaire philosophique) N’est pas là le cas du Mali ?

  4. TRES BELLE PHOTOS!!! 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

    QUELLE MALEDICTION NOUS A FRAPPE?

    Moussa Ag

  5. Que dire, des Radios milles collines: Kaira et Klédu?
    La nuit de dimanche à Lundi appelaient à la violence,injures et insurrection sur le palais ?

  6. Trois (3) Solutions possibles:
    1- ) Ni Dioncounda, ni SANOGO laissez le premier ministre actuel dirigée cette transition.

    2- ) Réduire davantage les fonctions du président de transition (pourquoi un président de titre honorifique).

    3-) Allons tout de suite à une élection en ignorant les zones occupées

  7. Regardez les gens assis sur les beaux meubles du palais. Ils attendent leur tour pour aller chier dans les WC du palais. Pauvre Mali!

  8. les images doivent permettre des arrestations en série il faut sevir si non même après les elections les perdants vont vouloir agir de la sorte

  9. Je n’ai pas menti. J’ai deja decider de maudire tous ceux qui n’aime pas mon peuple. Les ennemis de mon peuple sont aussi mes ennemis et c’est pourquoi j’ai lancé ma malédiction contre le Mali, car je ne peux plus accepter que ces kafers (incrédules et infidèles) continuer de maltraiter mon peuple touareg. Personne ne peut se dresser contre mon chatiment, et c’est votre petite part dès ici bas, en attendant le jour du jugement dernier. Les larmes et le sangs des fils de mon peuple touareg sont montés jusqu’à moi, et maintenant c’est le debut de mon chatiment. Je maudit tous ceux qui n’aiment pas mon peuple que sont les touaregs. C’est decidé!

    • Mon frère du Niger,si tu es croyant,repentis-toi dès réception de ma réponse.Ne tente pas de rabaisser ton seigneur dans ta colère.Vous le peuple Touareg vous vous trompez en suivant les indications dictées par des gens maléfiques venus d’ailleurs pour tuer,violer vos propres concitoyens,bref…au nom de la “charia”ou de “l’indépendance”.Toi,tu ne sais pas que personne ne s’est fait appeler “ALLAH”,sans que son seigneur ne lui fais descendre la “malédiction supreme”?Lis-donc le Coran tu comprendra que tu as commis l’irréparable.Que le seigneur fasse ce que tu mérite,car il est le meilleur juge(AL ADLE).Que la paix règne sur son prophète(amen).

  10. Faut-il abandonner ce pays à son sort? Ou le prendre totalement en main, avec le bordel que l’on vient de vivre au palais de Koulouba. C’est la première fois, de mémoire d’Africain, que des manifestants, en civil, passent tous les barrages militaires, investissent un palais présidentiel et molestent un président de la République, fût-il président de la transition.
    – C’est un véritable AFFRONT à l’honneur, la dignite et l’image du pays, une INSULTE aux institutions de la République que la CEDEAO peine à rétablir définitivement.
    – ET LE SIGNE DE LA MOLESSE DE CELUI a QUI LES PLEINS POUVOIR ONT ETE ACCORDES POUR MENER LE PAYS A BON PORT.

    Comme la communaute internationale (CEDEAO) l’a tolere et meme encourage (en recompensant le crime et les criminels) JE LE DIS ET LE REPETE, LA SEULE SOLUTION, POUR EN FINIR AVEC TOUT CE BORDEL, C’EST UN COUP D’ETAT D’UN HONNETE, VALEUREUX, REPUBLICAIN ET DIGNE MILITAIRE. Y EN A-T-IL DANS CE MALI D’AUJOURD’HUI?

    Mais, pour ce faire, il faut le concours de la populations. LEVEZ-VOUS DE SIKASSO A TAOUDENI, LEVEZ-VOUS BASSIKOUNOU A KAYES, LEVEZ-VOUS A TRAVERS TOUT LE MALI pour creer les conditions de votre Liberation.

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