Après sa prise de pouvoir en août 2020 et surtout le second gouvernement transitoire qu’elle a installé en juin dernier à la suite d’un nouveau putsch, la junte malienne n’a cessé de répéter qu’elle respecterait le calendrier de la transition en cours dans le pays. Mais à six mois des prochaines élections législatives et présidentielle, les retards s’accumulent et des voix s’élèvent pour réclamer une prorogation de la durée de la transition.
Depuis leur deuxième putsch le 24 mai dernier et l’accession de leur leader, le colonel Assimi Goïta, à la magistrature suprême, les militaires à la tête de l’Etat malien affirment qu’ils transmettront le pouvoir aux civils, comme prévu, en début d’année prochaine. Pourtant, à six mois des futures élections législatives et présidentielle, le doute va croissant sur le respect de ce calendrier électoral, et le pays bruisse de rumeurs d’une probable prorogation de la période de transition.
Un calendrier ambitieux
Très ambitieux, le calendrier de l’actuelle transition malienne prévoit la tenue d’un référendum constitutionnel le 31 octobre prochain, puis des élections locales et régionales le 26 décembre, et enfin, la présidentielle et les législatives le 27 février 2022. Sous la pression des organisations sous-régionales et de la communauté internationale, le colonel Assimi Goïta s’est en effet engagé à respecter ces échéances.
Pour les principaux partenaires étrangers du Mali, ce retour à l’ordre constitutionnel est un préalable indispensable à sa sortie de la crise politique, socio-économique et sécuritaire dans laquelle il est plongé depuis des années, mais aussi pour la stabilité de l’espace sahélien. Réunis cette semaine à Bamako, les leaders de toutes les confessions religieuses maliennes ont publié une déclaration dans laquelle ils appellent « à un sursaut national et à un changement de comportement. »
Malheureusement, comme le rapportent nos confrères de l’AFP, le Conseil national de transition, une institution installée par la junte au pouvoir et qui tient lieu d’organe législatif, n’a reçu aucun projet de constitution à ce jour. Normalement, cela aurait dû être fait en juillet dernier. Au cours de ce même mois de juillet, les listes électorales devaient faire l’objet d’une révision, puis d’un audit quelques semaines plus tard, en août. Là aussi, rien n’a été fait. Et même si le décret qui convoquera le corps électoral ne sera promulgué que le 15 septembre prochain, il n’est pas certain que le calendrier puisse être respecté.
Crispation et immobilisme
En attendant, les partis politiques multiplient déclarations et prises de position sur le calendrier de la transition en cours. Et comme le souligne Fatoumata Coulibaly, enseignante-chercheuse à l’université des sciences sociales et de gestion de Bamako : « Beaucoup de rumeurs circulent autour d’une possible prolongation de la période de transition. Il y a des acteurs qui veulent justement prolonger cette transition, pour permettre au gouvernement en place de travailler sereinement au Mali de demain. Et puis il y en a d’autres, surtout au sein de la classe politique, qui, pour des raisons politiciennes, s’opposent à toute idée de prorogation de cette transition. Ce qui renvoie aussi à la position des organisations sous-régionales et internationales qui exigent une transition courte, le retour du pouvoir aux civils et la reprise de la refondation de l’Etat malien. »
A titre d’exemple, les FARE, les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence de l’ancien premier ministre Modibo Sidibé, ont signé un communiqué conjoint avec le PARENA, le Parti pour la renaissance nationale, pour demander notamment le respect des échéances électorales. Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une prorogation de la transition. En juin dernier déjà, par la voix de sa présidente, Bakayoko Mariam Coulibaly, le Collectif des femmes leaders de Kati, une localité située à une trentaine de kilomètres de Bamako, demandait un prolongement de la durée de cette transition.
Autre question brûlante, celle concernant la création d’un organe unique de gestion des élections. Annoncée fin juillet par le premier ministre Choguel Kokalla Maïga, cette réforme qui fait partie du Plan d’action gouvernemental, a été immédiatement récusée par la plupart des partis politiques. Ces derniers jugent irréalisable la mise en place de cette réforme, tout en accusant le gouvernement de vouloir passer en force. Une querelle qui symbolise la crispation et le sentiment d’immobilisme qui caractérisent actuellement la classe politique malienne.
Source: tv5.org