A 68 ans, Ibrahim Boubacar Keïta devient le nouveau président du Mali. Il a été élu avec 77,6% des suffrages le 11 août dernier. IBK a commencé sa carrière politique au début des années 90. Tour à tour ambassadeur, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, président du parti ADEMA, il a connu des heures de gloire et des traversées de désert. Cette investiture est l’occasion de mieux cerner le nouveau maître du Mali.
A la question «à quel animal peut-on associer Ibrahim Boubacar Keita ?» deux espèces reviennent le plus souvent : le caméléon (habile et opportuniste) et le félin comme le propose le politologue malien Mamadou Sanaké. «Le félin n’agit que par nécessité, il peut aller au bout de la fermeté mais en temps normal c’est un animal docile» explique-t-il.
Un homme à poigne
IBK a cependant une réputation d’un homme à poigne qui lui vient de la période où il était le Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré. Nous sommes en 1994. Le nouveau pouvoir est confronté à une crise politique et estudiantine et IBK, alors Premier ministre, n’hésite pas à utiliser la méthode forte pour mater les manifestants dans la rue. Mahamane Mariko était à l’époque un leader lycéen. Vingt ans plus tard, Mahamane Mariko estime que pour réussir dans le contexte actuel IBK va devoir changer de méthode : «Il hérite d’un pays affaibli qui aura besoin de mesure donc IBK ne doit pas penser qu’il peut gérer le pays aujourd’hui avec le bâton, je pense qu’il a pris de la maturité».
Une maturité liée également à sa traversée du désert entre 2000 et 2002, puis après 2007. Une maturité qui lui a permis de rebondir, tel un félin, pour revenir plus fort et être élu le 11 août dernier avec près de 78 % des suffrages
L’homme de la situation
IBK est perçu par beaucoup de Maliens comme l’homme de la situation : il incarne une certaine idée de l’honneur et de la dignité malienne. En 2012 il n’était pas le favori des sondages, et selon le politologue, Mamadou Sanaké, «n’eût été le coup d’Etat, il n’aurait pas été élu président».
Mais IBK est un homme habile et un tacticien. Il a su capter la confiance de l’armée et le soutien des leaders religieux ainsi que celui d’une partie de l’électorat du Nord y compris certains leaders du MNLA. Son premier défi sera d’ailleurs de réussir la réconciliation entre les Maliens. Assarid Ag Inberkaouane, député Adema de Gao, a été un proche collaborateur d’IBK lorsque celui-ci occupait le perchoir à l’Assemblée nationale entre 2002 et 2007. «C’est un homme qui a une très grande personnalité ; quand les problèmes sont posés le débat a lieu mais il tranche très rapidement et il amène les gens à prendre une décision. C’est un homme d’Etat » assure le député de Gao qui voit en lui un véritable chef.
IBK et Alpha
Ceux qui l’ont connu dans les années 1980 confirment qu’il aimait les bons vins, et les cigares, mais l’homme a, semble-t-il, changé depuis.
Ces amis maliens louent sa générosité et sa courtoisie sous couvert d’autorité naturelle.
Il reste une interrogation : ses relations avec l’ancien président Konaré dont il a été le ministre et Premier ministre de 1992 à 2000 ? A Bamako, la question est taboue. Personne n’ose en parler ouvertement. Les deux hommes ne se parlent plus depuis longtemps. A l’origine de cette brouille il y a une affaire de confiance trahie. Dans le camp Konaré, on estime qu’IBK est un usurpateur qui doit tout à l’ancien président. IBK accuse Konaré d’avoir cherché à l’écarter de la présidence en 2002.
Par Christine Muratet par RFI