Les services secrets français, appuyés par les barbouzes algériens sont formels : Areva a versé près de 650 millions de francs CFA à AQMI pour obtenir la libération de la française Françoise Larribe, du Togolais et du Malgache kidnappés à Arlit. Les grandes oreilles sont convaincues que le paiement de la rançon a eu lieu au Mali, et s’est faite par l’intermédiaire d’un élu local malien, dans un hameau de la zone de Tighargar. Le Canard Enchaîné, dans sa parution du 02 mars confirme l’info. Le jour même où le Tunisien Bachir Sémoun, celui que le président ATT traiteur « d’amateur », évadé le 28 février, a été intercepté par les gendarmes de Gao. Ces épisodes s’ajoutent à d’autres qui contribuent à saper toute l’autorité de l’Etat malien et à lui faire perdre tout crédit, à l’intérieur comme à l’extérieur et suscitant un malaise au Sommet de l’Etat.
Les fins de règne ont cette caractéristique principale qu’elles entraînent une accumulation de ratés, d’impairs, de couacs, bref une succession de dysfonctionnements qui étalent au grand jour les faiblesses d’un régime. Le deuxième et dernier mandat du président Amadou Toumani Touré ne sera donc pas une exception. Sauf que cette fois, c’est la stabilité, la sécurité et la crédibilité du Mali qui sont en jeu.
Après neuf ans à la tête du Mali, l’observateur le moindrement doué se rend à une évidence implacable : jamais présidence n’a suscité autant de questionnements sur le fonctionnement d’un Etat réduit à sa plus simple expression : corruption généralisée, laxisme institutionnalisé, impunité totale, défaillances répétitives, etc. L’Etat n’arrive même plus à garantir aux citoyens une sécurité moyenne et une justice crédible. L’épisode de l’évasion du terroriste tunisien, Bachir Sémoun, la semaine dernière, est venu planter le dernier clou dans le cercueil : le seul service pour lequel le Malien pouvait encore compter, la Sécurité d’Etat, est gagné par le virus du laisser-aller et de la négligence coupable.
« Amadou Toumani Touré est président de la République, c’est un homme affable, cordial et foncièrement bon, mais il lui manque ce truc qui distingue le chef du meneur d’hommes. Un chef doit susciter la crainte et le respect. Personne, dans son entourage, ne craint Amadou et ceux qui le respectent veulent sauver leurs propres intérêts ». La sentence de cet ex-proche n’est motivée ni par la rancœur ni par la déception car, indépendant d’esprit et de fortune, il n’a jamais sollicité une faveur de l’ami dont il s’est éloigné. « Je fais partie de ceux qui lui ont fortement conseillé de prendre Jeamille Bittar sous son aile protectrice car je pensais que ce garçon avait du cran et du bagout, qu’il ira loin, mais je reconnais que je me suis trompé, je l’ai lâché mais Amadou ne peut pas le faire. Il n’est pas capable de dire à quelqu’un : dégage ! » Notre interlocuteur de poursuivre : « Il y a deux catégories de gens autour du président : ceux qui se moquent éperdument des sentiments du chef et ceux qui ont mal à leur orgueil dès qu’ils se sentent visés. »
Cela permet à notre source de brosser le tableau d’une situation qui, au sommet de l’Etat, est devenue un malaise : « Quand vous déjeunez avec un ambassadeur et qu’il vous demande brutalement s’il y a encore un Etat debout au Mali, vous avez mal à votre fierté nationale » dit-il avant d’analyser, avec sa propre grille, les causes de ce malaise, perceptible en haut lieu : « Le président est, à la fois, coupable et victime. Il manque à ATT la poigne qui remet vertement une autorité défaillante à sa place. Pourtant, comme issu et issu de l’élite de l’armée, les para-commandos, il devait posséder cet atout. Honnêtement, un ministre a plus peur de la colère du Premier ministre Modibo Sidibé que de celle d’ATT qui, c’est connu de ses proches, est sans lendemain. Il est victime parce que les hommes et femmes qu’il choisit deviennent rapidement des francs-tireurs et il se dit qu’il ne peut indéfiniment se débarrasser des gens. Il choisit mal ses collaborateurs. Il connaît les hommes mais n’a pas le flair propre à détecter le travailleur sérieux de l’opportuniste sans état d’âme. »
Les partenaires techniques et financiers digèrent de plus en plus difficilement les scandales à répétition qui s’étalent à la Une de la presse : le trafic de drogue et le Boeing baptisé « Air Cocaïne », le terrorisme dans le Septentrion, le détournement des aides financières et alimentaires, les chiffres tronqués, etc. L’ambassadeur d’un pays occidental et grand bailleur de fonds du Mali se dit d’ailleurs dégoûté : « Nous avons, à l’ambassade, compris que la majeure partie des fonds détournés dans notre aide le sont par le biais des formations et des séminaires de renforcement des capacités. Les individus ont développé tout un art pour frauder et ne pas se faire prendre. Le temps des vols grotesques est fini, la technique s’est raffinée. Nous avons remarqué que les formations regroupent toujours les mêmes visages, les mêmes personnes, un cercle fermé qui s’octroie des per diem, présente des fausses factures ou des factures à l’hélium, sont complices des fournisseurs de matériels de formation, etc. Nous préparons une prochaine directive radicale : notre pays ne financera plus aucune formation, quelle que soit la nature ! »
L’ambassadeur en question ne comprend toujours pas la sortie du Gouvernement contre le Vérificateur Général : « J’ai trouvé ce cirque vraiment grotesque, pour ne pas dire infect ! » se lamente-t-elle. Elle ne comprend pas que dans un pays démocratique, un Etat de droit qui, selon les prétentions officielles, accorde une place importante à la lutte contre la corruption, que l’on mobilise une armada de ministres et de hauts fonctionnaires dans le seul but de dénigrer le travail d’un auditeur. « Le Premier ministre a tenté de justifier cette incongruité avec des mots qui nous ont paru sérieusement légers. Non, franchement, ce n’était pas sérieux et certains d’entre-nous sont sortis de la salle avec le sentiment qu’on nous prenait pour des oies ! »
Notre première source de conclure, sourire aux lèvres par dépit : « Certains ministres ou hauts cadres placés à des postes stratégiques sont pourris, incompétents et malhonnêtes, les autres le savent. Cela crée une ambiance lourde, pas loin du mépris lors de certains conseils des ministres ». Et c’est le Mali qui perd en force, en cohésion et en cohérence.
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