Dans une motion qu’ils ont publiée dans L’Indépendant n°2669 du mercredi 19 janvier 2011, «les citoyens libres de toute contrainte» de Sikasso invitent ATT à rester au pouvoir jusqu’en 2014, au nom, disent-ils, de l’harmonisation des mandats communaux, législatifs et présidentiel. Ils sont plusieurs dizaines, avec à leur tête un certain Mamadou Ladji Diaby dit Kebé, à avoir apposé leur signature sur le document et souhaitent que d’autres Maliens fassent comme eux, afin de permettre à l’actuel locataire de Koulouba de parachever les grands chantiers qu’il a entamés pour le développement et la prospérité de notre pays.
Ce ne sont là que de grandes manœuvres politiciennes, tendant à dévoyer la démocratie malienne, citée en exemple partout, même au Palais Bourbon (siège des députés français) et au Capitole (siège des parlementaires américains). ATT doit quitter le pouvoir le 8 juin 2012, date constitutionnelle à laquelle il devra passer le témoin. Lui-même a maintes fois répété qu’il ne resterait pas à Koulouba après ce délai. Il a même ajouté qu’il était pressé de quitter les affaires et d’aller cultiver son champ à Mopti, sa ville natale.
Alors, pourquoi, aujourd’hui, certains veulent-ils qu’il reste au gouvernail du pays? ATT lui-même est-il derrière «les citoyens libres de toute contrainte» de Sikasso? Notre ultime conviction est que non. Cependant, il doit faire très attention, parce que ce mouvement pourrait prendre de l’ampleur avec ses fans et supporters un peu partout dans le pays. Il doit faire très attention parce que le pouvoir corrompt, pour reprendre une expression utilisée par feu Mamadou Lamine Traoré du MIRIA. ATT doit donc rapidement convoquer les initiateurs de la motion pour les dissuader de poursuivre leur initiative et éviter par la même occasion d’être pris en otage par ce groupe ou d’autres, sinon même par ce qu’on appelle généralement le «peuple». ATT est un patrimoine national, qui est entré dans l’histoire du Mali par la grande porte. Il doit sortir par le même portail. Il est aujourd’hui considéré comme une icône que le pays doit préserver. Toute tentative visant à le maintenir à Koulouba, ne serait-ce qu’un jour seulement après le 8 juin 2012 serait hautement préjudiciable à sa belle image de démocrate et de patriote. Elle serait également dommageable pour la vitrine démocratique qu’est désormais le Mali en Afrique.
«Les citoyens libres de toute contrainte» de Sikasso sont peut-être de bonne foi, mais ils doivent savoir que nul n’est indispensable. Où sont nos grands héros? Où sont les pères fondateurs de la Nation? Les hommes se succèdent au pouvoir, la Nation demeure. ATT a, certes, contribué à la modernisation actuelle de notre pays, qu’Alpha Oumar Konaré avait mis sur orbite, malgré le lourd passif hérité du régime précédent, qui n’a d’ailleurs pas fait que du mal. Le premier Président du Mali démocratique aurait pu essayer de rester au pouvoir, mais il a préféré donné une leçon aux autres en se retirant avec élégance après son mémorable discours de Dakar, devant l’ancien président sénégalais Abdou Diouf. N’est-il pas même entré dans l’histoire de l’Afrique comme premier Président de la Commission de l’Union Africaine? A ce niveau de responsabilité, il a su dire non à un second mandat que nul ne pouvait lui disputer. Parce que, tout simplement, les directives de certains chefs d’Etat ne correspondaient pas à sa vision de la démocratie et de l’intégration africaine.
ATT a beaucoup d’élèves et d’exemples autour de lui, notamment vu ce qui s’est passé au Niger, en Guinée et, plus récemment, en Tunisie. Le président fugitif de ce pays a pourtant, au point de vue réalisations, bien construit son pays. Mais l’usure du pouvoir crée des situations insurrectionnelles. ATT est donc averti de ne pas suivre les champs de sirène de ceux qui ne voient que leurs propres intérêts et le profit qu’ils tirent, et pourraient continuer à tirer, de son maintien au pouvoir jusqu’en 2014.
ATT doit donc partir en 2012. Rien ne pourrait justifier son maintien. Si l’on veut réellement harmoniser les mandats, il faut le faire à compter de 2012, puisque c’est cette année-là que les mandats du Président et des députés prennent fin. Que les élus communaux acceptent que l’on écourte leur mandat, qui court jusqu’à 2014, à 2012, au lieu de prolonger le quinquennat de l’Assemblée nationale et du Président de la République, qui relèvent de la Constitution, alors que le mandat des conseillers communaux relève du simple domaine de la loi. Il est de ce fait plus facile de revoir celle-ci que de tordre le cou à la Loi Fondamentale ou de chercher des arguties juridiques pour y parvenir.
A suivre.
Chahana Takiou