Le désormais ex-président du Niger Mahamadou Issoufou a passé les rênes du pouvoir à son successeur Mohamed Bazoum le vendredi 2 avril 2021. Une passation que les observateurs considèrent comme «historique à plus d’un titre» puisque consacrant enfin l’alternance démocratique au Niger. En effet, c’est la première fois, en 60 ans d’indépendance, qu’un président élu passe le flambeau à un autre démocratiquement élu. Ce qui n’était pas sans doute le vœu de tous puisque l’alternance a failli être repoussée par une tentative de putsch.
Mohamed Bazoum succède à Mahamadou Issoufou à un moment où le Niger est confronté à trois crises majeures. Elle est d’abord politique avec un challenger, Mahamane Ousmane, qui continue de contester son élection et de proclamer sa victoire. Selon des observateurs, cette situation pourrait empoisonner durablement la vie politique du pays.
La démocratie n’est pas réelle sans opposition, sans contre-pouvoir. Mais, elle est aussi un processus qui ne peut pas être consolidé sans opposants responsables et réalistes. La manière pour le nouveau président de faire échec à cette contestation est de concrétiser son engagement à être le «président de tous les Nigériens» en tendant la main aux leaders qui ont compris qu’une élection est une compétition dont il faut tourner la page une fois les résultats validés.
Ces dernières semaines, le Niger a connu une flambée de violence inouïe avec pus de 200 civils massacrés dans deux attaques terroristes dans les régions de Tillabéry et de Tahoua. Ce qui fait de la lutte contre le terrorisme «un défi majeur» pour le président Bazoum qui a été l’architecte de la politique sécuritaire nigérienne sous la présidence de Mahamadou Issoufou.
S’il y a donc un domaine où Bazoum sera à l’aise, ce sera certainement celui du combat contre le terrorisme. Et cela d’autant plus que, en tant que ministre d’État, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation et des Affaires coutumières et religieuses pendant plus de 4 ans (du 12 avril 2016 au 29 juin 2020), il a été l’architecte du schéma sécuritaire appliqué par le Niger ces dernières années contre l’extrémisme et le terrorisme. Il est vrai que le schéma commence à montrer ses limites, mais certains observateurs pensent qu’il n’est plus correctement appliqué depuis qu’il a quitté le gouvernement pour se consacrer à sa campagne.
L’armée, l’épée de Damoclès sur le processus démocratique
L’armée continue toujours d’être une sérieuse menace pour la démocratie au Niger. Elle a failli encore sacrifier à sa triste tradition en empêchant la transmission démocratique des rênes du pouvoir. Pour de nombreux observateurs, la tentative de coup d’Etat du 31 mars dernier n’est pas sans rappeler de «vieux souvenirs» avec les 4 putsches que le pays a connu depuis son indépendance. Dans ce pays, comme dans de nombreux pays africains comme le Mali, dès qu’il y a eu instabilité, l’armée a été tentée d’intervenir. C’est pourquoi Mohamed Bazoum doit couper l’herbe sous les pieds de Mahamane Ousmane dont les actes peuvent pousser le pays dans une zone de turbulence politique.
En vrai leader qui a toujours côtoyé l’appareil d’Etat, Bazoum est conscient des défis à relever pour réussir son mandat de 5 ans. Lors de son investiture, il a annoncé un «Programme de Renaissance III : consolider et avancer» pour une enveloppe de 13 000 milliards de F Cfa. Ce programme est articulé autour de onze axes prioritaires, notamment la consolidation des institutions démocratiques et républicaines, la défense et la sécurité intérieure ou encore la diplomatie.
Ainsi, sur le plan de la consolidation des institutions démocratiques et républicaines, les engagements porteront sur le renforcement des domaines clés d’une gouvernance vertueuse comme, entre autres, la sécurité, la justice et l’économie. Sur le plan de la défense et de la sécurité intérieure, le nouveau président nigérien juge le contexte sécuritaire sous régional menacé par les phénomènes du terrorisme. Ainsi, Mohamed Bazoum entend «entreprendre des actions visant à préserver l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale».
Pour la période 2021-2026, il se propose de faire face aux défis sécuritaires par la consolidation des acquis des dix dernières années et la poursuite des efforts à travers de nouvelles mesures, dont l’amélioration du cadre juridique des commandes des matériels et équipement militaires (passation des marchés, référentiel des prix, liste agréée de fournisseurs).
Il a promis la révision de la chaîne des dépenses et la mise en place d’un mécanisme de transparence et de redevabilité pour éviter la volatilité des ressources, l’équipement adéquat des forces, notamment en vecteur aérien, le renforcement des capacités de renseignements ou encore l’opérationnalisation du Waqf en faveur des ayant droits.
A 61 ans (né le 1er janvier 1960), Mohamed Bazoum prend les rênes du Niger à un moment crucial de son histoire. Ce qui fait que les défis sont à la hauteur des attentes d’un peuple de plus en plus éprouvé par le terrorisme. A lui de savoir bien manœuvrer pour redresser le navire qui commence à tanguer dangereusement !
Hamady Tamba