En plus du fait que des vacances ne seraient pas méritées à cause de l’inertie du nouveau pouvoir depuis son installation, il y a bientôt un an, le gouvernement Mara ne peut pas laisser les Maliens seuls avoir les yeux tournés vers septembre, mois qui consacre l’ouverture de l’année budgétaire des institutions financières internationales, qui est aussi le mois au cours duquel le FMI et la Banque mondiale prononceront, en principe, leur verdict quant à la reprise de l’appui budgétaire au Mali. Une aide suspendue quelques mois plus tôt après le constat d’une gouvernance peu orthodoxe dans la gestion du denier public depuis l’avènement d’IBK au pouvoir. Sont officiellement mis en cause des marchés relatifs à l’achat d’un second avion présidentiel et à la fourniture d’équipements divers aux forces armées et de sécurité. L’opacité dans la passation de ces marchés publics a suscité des doutes quant à leur moralité, des doutes vite transformés en soupçons de mauvaise gestion suite aux déclarations contradictoires de l’exécutif sur leurs coût et nécessité, aux dénégations des uns et aux réfutations des autres.
Dans ce capharnaüm, les institutions de Bretton Woods ont préféré suspendre une partie –la plus importante– de leur appui en attendant d’y voir clair. Quant à la France, qui guide les actions de l’Union européenne en ce qui concerne l’aide publique au développement des pays africains, elle veut comprendre aussi jusqu’où vont les liens « fraternels » entre le président malien et l’un des parrains de la mafia corse, Michel Tomi, poursuivi chez lui en France pour des affaires peu reluisantes.
Scandales financiers et gabegie
Le gouvernement malien se dirige donc vers le mois de septembre avec un gouvernement dont les membres ne peuvent assurer que le service minimum (faute de budget de fonctionnement, certains ministres emprunteraient pour préfinancer certaines de leurs activités), avec une dette intérieure colossale qu’il est incapable de rembourser, avec des difficultés dans la mobilisation de l’épargne nationale d’opérateurs frileux et méfiants, avec une coopération décentralisée mitigée. Les réformes sont en panne et le pays sur cale. Dans le même temps, les partenaires techniques et financiers partagent avec la quasi-totalité des Maliens un sentiment de non rupture avec la mauvaise gouvernance et l’inexistence, en tout cas l’invisibilité, d’actions véritables tendant à faire de 2014, presqu’arrivée à expiration, l’année de la lutte contre la corruption et la délinquance financière comme promis par le président en personne. Un sentiment renforcé par le fait qu’au cours de ces dix derniers mois, les scandales financiers n’ont jamais été aussi retentissants que pendant les vingt années qui les précèdent.
Mais contrairement à ce qui se dit, il ne suffit pas à l’administration IBK de fournir les preuves de bonne gestion des affaires publiques, déjà une gageure, elle devrait aussi faire montre de bonne volonté dans les négociations en cours avec certains groupes armés terroristes. Autrement dit, le gouvernement devrait accepter les compromissions qu’on lui imposerait. C’est une condition de la France et de certains de ses partenaires dans la gestion du dossier de la crise malienne. C’est aussi une des conditions pour bénéficier effectivement d’une partie des 33 millions USD que les Etats-Unis offrent à certains pays africains pour les aider dans la lutte contre le terrorisme international et le banditisme transfrontalier.
Vers plus de compromissions
Sur le premier point, le pouvoir actuel aurait du mal à expliquer la présence fracassante de certains membres de la famille présidentielle sur la scène publique nationale, de même qu’il ne pourrait expliquer la « RPMisation » à outrance que certains veulent imposer à l’administration de l’Etat. Sur le second point, le camp présidentiel a déjà démontré qu’il peut s’allier à n’importe qui quand la « faim » justifie les moyens : en janvier 2013, le RPM a battu le pavé avec les putschistes et les pro-Sanogo pour réclamer un coup d’Etat contre les autorités de la transition ; quelques mois plus tard, dans la perspective des élections législatives il a été le seul parti à ouvrir ses listes de candidature à des rebelles et terroristes notoires.
Dans tous les cas, IBK pourrait ne plus avoir de soucis à se faire car certaines institutions financières et des communautés internationales sont elles aussi friandes de compromissions pourvu que chacune y trouve son compte. Déjà, il a fait montre de bonne volonté en remettant en liberté un jihadiste, ancien commissaire islamique, garant de la charia pendant l’occupation de la région de Gao où des membres ont été amputés, des gens flagellés et lapidés, des filles violées, des familles pillées et contraintes à l’exil. Cet ex tortionnaire du Mujao, contre lequel la gendarmerie n’aurait rien trouvé mais qui est connu de toutes les populations, avait eu la brillante idée, quelques mois plus tôt, d’intégrer les rangs du MAA.
Jusqu’où le président de la République ira-t-il pour sauver son premier et dernier mandat ?
Cheick TANDINA
Pourquoi son premier et dernier mandat, je voudrai bien le savoir.
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