A la loupe : Fuite en avant

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Ibrahim Boubacar Keïta
IBK et Oumar Tatam Ly

Beaucoup s’y attendaient depuis janvier, quand le président de la République a dit publiquement qu’il renouvelait sa confiance en son Premier ministre, Oumar Tatam Ly. Ils s’y attendaient parce que c’est le genre de propos qu’un décideur tient à l’endroit d’un entraineur qu’il s’apprête à limoger parce que ne gagnant aucune compétition, aucun match.

 

Cependant, le carton rouge n’est pas brandi avant que le fautif n’ait été averti auparavant, histoire de lui accorder une dernière chance. De fait, moins de cent jours après ce diplomatique renouvellement de confiance, l’expulsion est intervenue : le « chien » a été noyé, proprement et sans anesthésie, après avoir été accusé de rage, de typhus et d’Ebola.

 

 

Après aussi avoir été traité de tous les noms et de toutes les tares : manque de visibilité, « toubabisme », inexpérience politique, incapacité à s’imposer à ses ministres, manque de résultats, faillite technocratique, impopularité. Pire, Oumar Tatam Ly est traité de couard pour avoir refusé d’aller à Kidal affronter un « petit jet de pierre » tandis que son réconciliateur national préférait se la couler douce à Yamoussoukro et à Bruxelles au lieu d’aller participer à un forum à Tombouctou, zone libérée mais dangereuse. Bref, à lire les sorties du clan présidentiel, IBK aurait fait œuvre de salubrité publique et d’assainissement national en  débarrassant le pays du chef d’une équipe gouvernementale dont la passion, toujours inassouvie, est de ne rien faire de sa trentaine de joueurs.

 

 

Cette inaction sera-t-elle combattue par Moussa Mara qui, lui-même, était un joueur de cette lamentable équipe ? Le nouveau Premier ministre s’entourera-t-il d’autres joueurs plus performants ? Pour le moment, cet expert-comptable a été recruté au poste de Premier ministre pour, essentiellement, une qualité et deux défauts. Pour la première, la loquacité, les Maliens ont effectivement besoin d’un responsable qui communique, qui dit ce qu’il fait ou ce qu’il compte faire, ce qui ne va pas et pourquoi ça ne va pas. Moussa Mara est loquace et éloquent, il l’a prouvé quand il était maire d’abord ensuite ministre lors de ses nombreux déplacements sur le terrain, histoire de ne pas s’en laisser conter. Son premier défaut est ce que les Maliens abhorrent depuis quelques années : son appartenance à la classe politique. De surcroit, il est chef de parti, c’est-à-dire un de ces nombreux responsables politiques à la langue mielleuse, au regard plein de convoitise pour les voix du peuple et les ressources du pays. Les Maliens n’aiment pas la classe politique avec ses jeux toujours basés sur des calculs égoïstes, particuliers, partisans, personnels. Mais Moussa Mara pourrait trouver grâce parce qu’il a toujours lui-même vilipendé cette classe politique et a fait adopter par beaucoup son ambition de faire de la politique autrement. Son deuxième défaut, ou plutôt celui que certains lui imputent, est de se contenter de jouer le rôle de fusible.

 

 

C’est donc pour ces trois raisons qu’il a été choisi pour diriger un gouvernement dont les membres lui seront imposés comme à son prédécesseur. Mais Moussa Mara  a un atout, caché mais connu de celui qui l’a recruté : il est un des rares candidats à la dernière présidentielle (juillet-août 2013) à disposer d’un projet de société véritablement tourné vers la satisfaction des besoins de la majorité de ses concitoyens. Un programme de gouvernement dûment élaboré et prêt à l’emploi. D’ailleurs, longtemps avant le début officiel de la campagne, alors qu’il trichait comme beaucoup d’autres candidats, il avait rendu public ce projet au cours d’une série de conférences de presse, tenues à Bamako mais aussi dans certaines capitales régionales.

 

 

Avec ce document, il va devoir former un bon tandem avec IBK qui, lui, ne savait pas comment mettre en œuvre son propre programme : le Premier ministre Oumar Tatam Ly manquait de lettre de cadrage, ses ministres n’avaient pas de feuille de route. De plus, il y avait une cacophonie et une confusion au sommet, dues au chevauchement entre les différents départements, personne ne sachant vraiment où commençait son domaine, où s’arrêtaient ses compétences.

 

 

Mais si Moussa Mara a un programme, il n’a que ça. Avant sa nomination dans le dernier gouvernement et sa très courte carrière de ministre, il n’a jamais assumé de hautes fonctions dans les sphères de l’Etat. Cependant, la publication d’un livre en deux tomes sur « l’Etat au Mali » présage de sa connaissance des rouages de fonctionnement d’un pays dont il vient de prendre les commandes. Il sait donc que bien de défis l’attendent, parmi lesquels la question sécuritaire, la relance économique, la résorption du chômage, le relèvement du niveau de l’éducation, la santé. Mais surtout, ceux qui ont lu ses ouvrages attendent de lui qu’il modernise l’administration et les institutions en impulsant les réformes nécessaires à la refondation d’un Etat nouveau. En aura-t-il le temps, aura-t-il les coudées franches ?

 

 

IBK seul peut répondre à ces questions. Mais pour lui qui conçoit son quinquennat comme une transition, il doit, sans aucune préférence partisane, rester au dessus de la mêlée car son mandat est déjà bien entamé alors que tout reste à faire. Sa première année arrivera à terme le 04 septembre, c’est-à-dire dans cinq mois. Or, cinq mois c’est également la durée de vie que certains accordent à Moussa Mara à la primature. Et si l’expert-comptable doit rendre le tablier à cette date, il est sûr qu’il n’aura pas le temps d’accomplir tout ce que le peuple malien attend d’un bon chef de gouvernement. En revanche, ce temps sera suffisant pour être ce qu’IBK attend de lui : être un homme tampon entre le président de tous les Maliens et cette meute de cadres du RPM qui croient que l’hallali a été sonné avec le limogeage d’Oumar Tatam Ly. Ils veulent tout et tout de suite, c’est normal, c’est leur chef qui est à Koulouba, et c’est eux qui ont une large majorité à l’Assemblée nationale. D’où cette question : la fuite en avant d’IBK s’arrêtera-t-elle avant le 04 septembre prochain ?

 

 

Cheick TANDINA

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2 COMMENTAIRES

  1. Tu peux tout faire, Tandina! Tu n’arriveras jamais à nous faire confondre un LIMOGEAGE avec une DEMISSION!

    J’espère que Koulouba t’a payé grassement pour pondre ce papier visant à présenter IBK comme le “décisionnaire inflexible”; Malheureusement, le Mali TOUT ENTIER a vu IBK se prendre une démission dans la g… et la lettre de l’interessé publiée immédiatement dans la presse!

    Donc, ne te fatigue pas… Dans cette histoire, IBK n’a “limogé” personne, il s’est juste fait claquer la porte au nez!

  2. dites au presi de rester pour constituer un gouv d’abord et pour des conseils de ministre;
    je vous rappel que ça fait son 47em voyage avec ce voyage sur Dakar.

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