L’opposition, dans ses rares apparitions, avait affirmé à qui veut l’entendre qu’elle se bornera à jouer un rôle positif afin de contribuer à la laborieuse construction du processus démocratique. Une attitude de « vigilance républicaine et démocratique » qui lui permettrait d’apprécier, négativement ou positivement, l’action d’un gouvernement qui se dit de mission. Mais l’opposition a beau attendu de voir ou d’entendre, sept mois après son élection, IBK ne se montre guère brillant dans les actes posés, par lui-même ou par ses gouvernements. A l’exception, peut-être, de cet émouvant, troublant et lamentable spectacle de la mise à mort d’un Premier ministre qu’on a poussé vers la sortie.
Il est vrai qu’en six mois de primature, Oumar Tatam Ly n’a pas fait -n’a pas pu faire- grand-chose, handicapé par son statut de technocrate ignorant les capacités et velléités de nuisance d’une certaine classe politique revancharde, en particulier le RPM, le parti présidentiel, les formations politiques qui ont rejoint IBK avant et après le premier tour de la présidentielle victorieuse de juillet-août 2013, la horde de cadres voulant se faire une place à l’ombre. Handicapé donc, Oumar Tatam Ly a dû rendre le tablier en expliquant aux médias, donc au peuple malien, les raisons de sa démission : le fait qu’on ait refusé de lui donner le feu vert qui lui aurait permis d’apporter les véritables changements dans la gouvernance de ce pays, changements pour lesquels IBK a été élu. Principalement, l’ancien Premier ministre voulait débarrasser le gouvernement de ses nombreuses brebis galeuses, charbonneuses et pestiférées. Ces explications au peuple, normales et qui doivent être obligatoires pour tout haut responsable, n’ont visiblement pas été du goût de certains conseillers du président, qui ne comprennent toujours pas que sur cette terre il y a des hommes qui ne s’intéressent pas au pouvoir pour le pouvoir mais pour construire leur pays. Oumar Tatam Ly est sorti de la scène sous les injures, la bassesse et les morsures qui n’ont humilié que leurs auteurs, ceux-là mêmes qui tentent désespérément de « trimballer » le chef de l’Etat.
Du tic au tac
A part donc ce triste épisode et ceux qui l’ont suivis, comme la nomination immédiate d’un nouveau chef de gouvernement, le semblant de remaniement ministériel, la sortie médiatique contre Tatam Ly, l’opposition, qui s’en est quand même délectée et gargarisée, n’avait rien eu à se mettre sous la dent même si elle n’a pas manqué de se manifester pour affirmer et réaffirmer le rôle qu’elle compte jouer.
Cela a commencé par cette réunion de contact et de concertation entre les Fare et l’URD, deux partis qui, avec le Parena, comptent constituer l’opposition parlementaire. Cela a continué avec cette sortie du Parena qui a publié un document de neuf pages dans lequel il se prononce sur la gouvernance actuelle du pays. Y sont fustigés l’irruption de la famille présidentielle dans la gestion des affaires publiques, la présumée implication d’IBK dans des réseaux de banditisme international, la mauvaise gestion de la question du nord, la dilapidation des fonds publics dans l’achat non nécessaire d’un deuxième avion présidentiel, les erreurs de casting, les tâtonnements et le pilotage aveugle au sommet, etc. Comme d’habitude, les bêlements toujours pertinents du Bélier blanc sur les questions nationales claires et les problèmes bien posés ont été entendus, et de loin.
Pour aider le gouvernement à appréhender ces écueils et à leur trouver des solutions tout autant claires et bien posées, le Parena invite le parti présidentiel à un débat contradictoire public. Une sorte d’exercice d’éclairage et d’exorcisation qui pourrait enfin amener les Maliens à voir dans les déclamations politiques autre chose qu’un discours de racolage de la belle sur son trottoir.
Le RPM répond, certes. C’est son droit le plus absolu. Et de toutes les manières, à défaut de savoir et de pouvoir agir, IBK et ses amis savent réagir, du tic au tac. Notamment, depuis quelques temps, aux piques et accusations que, sous d’autres cieux, des politiques responsables et occupés auraient laissé passer publiquement, tout en tirant parti, en douce, des critiques, mêmes les plus acerbes. Cela viendra certainement, il faut un dur apprentissage pour faire passer sa caravane pendant que le chien aboie.
En revanche, ce sur quoi le gouvernement ne doit pas se hâter de fermer l’œil ou l’oreille, ce sont ces bombes qui pleuvent sur le nord et qui donnent prétexte aux forces françaises de s’incruster dans la zone et d’y couvrir leur petits copains du Mnla plus fourbe que jamais.
Ces bombes, personne à part les Français, ne connait leur origine ni leur nature ni la manière de les désamorcer. De même, le gouvernement doit s’intéresser, et surtout s’en inquiéter, aux conditions exactes dans lesquelles des travailleurs humanitaires du Cicr ont été « libérés ». Ces guillemets s’imposent car il y a cette question : ces agents, tous des Touareg, avaient-ils réellement été enlevés ? Et puis, pourquoi les forces spéciales françaises mènent-elles des opérations spéciales au Mali sans en informer a fortiori y associer les forces armées et de sécurité maliennes pourtant présentes dans le nord du pays ?
Cheick TANDINA