À la suite de la répression meurtrière de la marche des jeunes de Gao contre l’installation des autorités intérimaires le 12 juillet, l’opposition a animé une conférence de presse ce samedi 16 juillet 2016 à la Maison de la presse. À cette occasion, les présidents de l’URD, des Fare, du Parena et du Pdes ont dénoncé «l’amateurisme» du gouvernement dans la gestion de cette affaire et le tiennent pour seul responsable des morts.
L’amateurisme, l’entêtement du gouvernement dans la conduite des affaires publiques et le manque d’inclusivité dans le processus de l’accord pour la paix sont les facteurs qui ont abouti aux évènements malheureux de Gao le 12 juillet, estiment les partis politiques de l’opposition malienne.
Dans son intervention, le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, affirme que le passage en force de la loi sur les autorités intérimaires en violation de la constitution et la gestion chaotique de la crise du Nord ont provoqué l’indignation et la colère légitimes du peuple malien en général, celle de Gao en particulier. Pour lui, cet accord n’est pas bon. Le contenu contient des germes de partition du pays. La preuve, explique-t-il, le gouvernement a émis 12 pages de réserve qui n’ont pas été prises en compte. L’opposition a aussi pris acte de la signature de l’accord avec beaucoup de réserves. La suite est connue. Son application piétine dangereusement. Ce qui l’amène à s’interroger pourquoi un accord qui a été chèrement vendu au peuple malien comme étant le remède efficace et rapide à la crise qui le secoue depuis bientôt 4 ans tarde à produire les effets attendus. Est-il vraiment efficace, se demande-t-il, avant de répondre par la négative. Car, argumente-t-il, s’il constituait un bon remède en l’état, les autorités maliennes allaient au moins fouler le sol de Kidal ne serait-ce que pour consacrer la symbolique de la présence de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire national.
Dans ses commentaires, Soumaïla Cissé dénonce la non-pertinence de certains principes et engagements contenus dans l’Accord et ses annexes, notamment ceux relatifs à l’instauration des autorités intérimaires dans les régions du Nord. En plus, dénonce le chef de file de l’opposition, cet accord controversé n’a pas été inclusif. Comme si cela ne suffisait pas, s’indigne-t-il, le gouvernement a signé le 19 juin 2016 en toute clandestinité avec les groupes armés un document intitulé «Entente» qui précise les modalités pratiques pour la mise en place des autorités intérimaires.
Il ressort de ce document, outre les attributions des autorités intérimaires, que le calendrier de leur installation s’étend du 15 juillet au 15 août 2016, précise le principal conférencier. Et cela, contrairement à la loi portant institution des autorités intérimaires et son décret d’application, l’Entente nous parle de la mise en place des autorités intérimaires uniquement dans les collectivités territoriales des 5 régions du nord (Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni). Quid des autres régions du Mali, se demande Cissé. Pour lui, cette exclusion de la classe politique et de la société civile de l’élaboration du document de ladite «Entente» a frustré la jeunesse de Gao. «Se sentant marginalisés, ils ont organisé une marche pacifique le mardi 12 juillet 2016 pour manifester leur mécontentement et demander leur implication dans la gestion de leur cité. Quoi de plus normal !!! », déclarera Cissé. Malheureusement, déplore-t-il, le gouvernement a une fois de plus étalé son amateurisme. Car cette protestation a vite tourné au drame. Impuissant face aux évènements, estime Soumaïla Cissé, Le Président IBK s’est adressé à la nation dans un discours squelettique de deux minutes à l’allure d’un simple communiqué. Il a qualifié les événements de regrettables qu’on aurait pu éviter. «Oui Monsieur le Président de la République, si vous aviez écouté l’opposition, on aurait pu éviter ce drame. L’opposition estime que notre pays doit à présent entamer une dynamique nouvelle, par un dialogue inter-malien fécond visant à forger un consensus national autour de la restauration de la paix et de la stabilité sur l’ensemble du territoire. Il sera le lieu d’une appropriation nationale, d’une «Malianisation» du processus de paix et de réconciliation. Ce dialogue national inter-malien doit s’étendre à tous les acteurs maliens de l’intérieur et de l’extérieur. C’est pourquoi l’opposition réitère sa demande relative à la tenue de concertations nationales », déclarera-t-il.
Pour sa part, le Président du Parena, Tiébilé Dramé abondera dans le même sens que son prédécesseur. A l’en croire, depuis 3 ans, le Président IBK est dans une fuite en avant au sujet de la restauration de la paix. Ce qui s’est passé à Gao prouve qu’il n’y a pas eu d’inclusivité dans le processus de l’accord pour la paix. Or, dit-il, on ne peut pas prétendre mettre en application cet accord sans un consensus national.
S’agissant du Président des Fare An Kawuli, Modibo Sidibé, il indiquera que si on veut aller vers la paix, il faut sensibiliser la base. Car, la démocratie n’est pas que le vote. Il y a aussi le débat public autour d’un projet de société. En ce qui concerne l’Accord, ce débat démocratique a failli, la communication aussi. «On était dans les propagandes de l’accord et non l’explication de l’accord», a-t-il dit.
Le Président du Pdes, Sadou Diallo, non moins maire de Gao se dit fier des jeunes de Gao. «Cette jeunesse est ma jeunesse. Je la soutiens et la soutiendrai. Si j’étais à Gao, j’allais marcher avec elle. En ma qualité de Président-maire de Gao pendant 11 mois, je ne suis pas d’accord qu’on donne des fleurs aux jeunes aux chaudes de la crise et qu’on les oublis au moment du partage de gâteau», a-t-il déclaré. Et de poursuivre : «Quand je suis retourné à Gao, j’ai trouvé qu’il n’y avait aucune peau blanche. Avec l’aide des autorités coutumières, j’ai réussi à convaincre les jeunes à déposer les armes. Au cours de cette opération, j’ai récupéré 3000 kalachnikovs et 40 armes collectives que j’ai remises à Barkhane. Ce qui a permis le retour des peaux blanches dans la ville. Je suis d’accord avec l’Accord, mais je ne suis pas d’accord avec les faits. Les jeunes-là ont gardé la région quant l’armée était en fuite. Et pour la mise en place des autorités intérimaires, personne n’a été informé des contours. En ma qualité de premier magistrat de la ville, je ne sais rien de la composition et du rôle des autorités intérimaires. L’Etat doit se ressaisir. On ne tire pas sur son peuple, car c’est le peuple qui donne le pouvoir».
Au sujet de la marche, il précisera qu’aucun tir n’est parti de la foule. Ce sont des balles des forces de sécurité qui ont causé la mort de 3 personnes et blessé 30 personnes. Plusieurs autres manifestants ont été bastonnés dont certains encore dans le coma. Ecœuré, Sadou Diallo dit ignorer l’utilité de la Minusma. Car, elle aurait dû, dit-il, s’interposer entre les forces de sécurité et les manifestants.
Oumar KONATE