Inch Allah, avec l’aide du Bon Dieu, mais aussi grâce aux pratiques mystiques du marabout du coin, le bonheur viendra frapper à la porte de tout un chacun. Cela est tellement sûr qu’il serait superflu de faire un quelconque effort. En attendant donc le bonheur promis, place au pessimisme et au laisser-aller, le tout agrémenté par un désordre indescriptible. Et lorsque ce bonheur tant désiré se fait trop attendre, c’est la faute à pas de chance. Sans chercher à se remettre en cause ou à comprendre les raisons qui ont fait qu’on n’a pas pu atteindre son objectif, l’on devient fataliste, remettant tout sur le dos du destin, tout en se disant qu’un jour viendra où le Bon Dieu comblera nos souhaits.
Ce faisant, on en arrive à oublier cet autre adage qui dit qu’aide-toi, le ciel t’aidera. Qu’en ce début de la période de forte chaleur, que les sempiternels délestages reprennent malgré les milliards injectés, tant mieux, car si le directeur arrivait à «sauter» ou le ministre à être «éjecté», l’occasion fera certainement le larron. Que la crise de passeports persiste contribuant à doubler voire à tripler son prix, le coup de balai qui sera donné au service d’immigration de la police fera le bonheur des nouveaux-venus qui ne feront rien pour que les choses puissent revenir à la normale. Qu’on mène des opérations «coup de poing» pour désengorger le centre-ville, au bout de quelques jours, on se fait un malin plaisir de ne plus maintenir le dispositif de dissuasion. La nature ayant horreur du vide, les occupants auront vite fait de revenir sur les lieux en attendant une nouvelle opération de déguerpissement qui semble, mine de rien, faire le bonheur de certains. Après tout, le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres ? Et quel bonheur ? Quand le haut cadre n’hésite pas, grâce à un savant montage de haut vol, de subtiliser les deniers publics compromettant la réalisation de certaines infrastructures socio-économiques, il concourt à son bonheur dans son entendement.
Lorsque le maçon, en faisant fi des mesures élémentaires de sécurité, dérobe une bonne quantité de ciment en construisant une maison qui va se fissurer au bout de quelques mois, il est content, puisqu’il a pu mettre de côté «quelque chose» pour le monnayer après. Quid du médecin qui prescrit des ordonnances kilométriques pour ne faire plaisir qu’à tel ou tel laboratoire dont le délégué médical aura pris en charge ses frais de séminaire ou sa dotation en «échantillon» ? Son bonheur est total, même s’il aura tordu le cou à son serment d’Hippocrate.
Ces petits exemples peuvent se répéter à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Et mis bout à bout, ils contribuent à créer une grosse fracture sociale, bien plus grave que la fracture numérique. Pendant que le microcosme des plus nantis thésaurise plus de richesses, le grand cercle des moins nantis a du mal à joindre les deux bouts, malgré quelques éclaircies qui ne durent que le temps d’une étoile filante. Et si le bonheur, le vrai, celui auquel chacun aspire se trouvait au bout de l’effort des uns et des autres. Car, c’est la somme des efforts individuels qui sera le socle du bonheur global. Mais les petits arrangements à la limite du licite et les entorses aux bonnes pratiques ne peuvent que déboucher sur une grande désillusion, même si certains experts contorsionnistes arrivent à passer à travers les mailles du filet et revêtir le manteau d’hommes propres aux mains souillées. En attendant le bonheur des uns et des autres, que de malheurs commis en son nom…
(HEREMAKONO*En attendant le bonheur)
MALIDEN