Il y a bientôt un mois une nouvelle défraie la chronique au Mali : il s’agit de la parution très prochaine d’un livre en hommage du général Moussa Traoré. Ce livre serait dénommé «Libre blanc». Ce livre, selon toutes les indiscrétions, aura pour but d’engranger un vaste mouvement de réhabilitation de l’ancien président de la 2ème République en la personne de Moussa Traoré. Celui-ci, il faut le dire, est pratiquement ignoré de la grande frange de la jeunesse du Mali. Il importe donc de rappeler à son attention que Moussa Traoré était l’instructeur de la milice populaire du premier président du Mali, feu Modibo Keïta. Aussi, faut-il le rappeler, ce premier président fut déchu par le même instructeur de la milice le lieutenant Moussa Traoré. C’était le 19 novembre 1968.
La descente aux enfers pour le peuple malien
Après dix ans de vide politique, Moussa a mis au point le parti unique en l’occurrence l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). Le Mali a été engagé sur la voie du parti unique : c’était en 1979. Dès lors, un seul candidat avait droit à briguer la magistrature suprême du pays chaque fois qu’il y avait l’élection présidentielle.
De 1979 à 1990, c’était la descende aux enfers pour le peuple travailleur du Mali. Il n’est pas question ici de rappeler les affres de ce régime monopartiste. Disons simplement qu’en réponse à la furie du vent de la «
démocratie» qui soufflait d’est vers l’ouest, le président français a, lors du sommet franco- africain de la Baule en 1990 en France, déclaré que l’aide française aux pays africains était désormais subordonnée à l’instauration dans ces pays du multipartisme.
A l’occasion de ce sommet, les présidents malien et tchadien ont dit avec grande responsabilité que la «
démocratie» ne doit pas être imposée aux pays d’Afrique et qu’il appartenait à chacun de fonder le régime «
démocratique» à sa convenance. Juste après le sommet de la Baule, un vaste mouvement de contestation a émargé au Mali sous le flamboyant de l’UDPM.
Le résultat, on le sait : plus de
220 morts et des centaines de mutilés et de disparus. Un procès fallacieux ‘
’crimes de sang’’, organisé par les «
démocrates», a eu lieu à Bamako. C’était en 1992. Le verdict était connu d’avance par tous les esprits avertis : «
Moussa est condamné à mort pour mieux le sauver.» Ce procès fut fondé sur deux fallacieuses questions à savoir : «qui a tiré ?». «
Qui a donné l’ordre de tirer ?». Ces questions n’ont pas été posées pour être répondues sinon un Poste de commandement (PC) opérationnel a bien été mis en place pour contenir les manifestants.
Au procès, il n’y a pas eu de débat contradictoire entre les responsables de ce PC opérationnel et l’accusé Moussa Traoré. Un constat crevait les yeux de tous ceux qui voulaient voir : la Cour dirigée par Mallé Diakité se disait toujours «
suffisamment informée» chaque fois que Moussa demandait le registre des entrées et des sorties du palais de Koulouba. Mais, pendant ce temps, les «
démocrates» qui juraient sur la tête de leur grand-mère n’ont pas daigné dire que notre peuple qui a perdu de ses valeureux fils n’avait aucune information sur ceux qui effectuaient des valses politiciennes entre Bamako et Koulouba et par rapport à ce qu’ils disaient à Moussa Traoré. Tout s’est passé comme si le coupable des dérapages était connu d’avance. Mais comme le disait Moussa Traoré «
lorsque la tête pourrit, le corps s’étiole». La tête du mouvement de contestation dit «
démocratique» ne visait qu’une seule chose : retirer le pouvoir à Moussa Traoré pour procéder au partage du gâteau Mali.
En effet, nul doute aujourd’hui que le seul gage des «
démocrates maliens» dans leur écrasante majorité était une et une seule chose : dilapider les caisses de l’Etat, spolier notre peuple et se construire partout des forteresses au Mali et dans le reste du monde. Mais comme le disait l’autre, la vérité finit toujours par triompher. En tous cas, aujourd’hui au Mali, aucun Malien digne de foi ne peut dire qu’après Moussa le peuple a respiré tant soit peu.
Alpha Oumar Konaré et ATT, deux purs produits de Moussa Traoré
Partout, ont été érigés en mode de vie la gabegie, l’escroquerie, la concussion, la délinquance financière, l’achat des consciences, la surfacturation, le népotisme, etc. Tous ces maux ont pris une allure humiliante avec Alpha Oumar Konaré et s’est poursuivie avec zèle sous ATT et IBK. Mais, il ne pouvait en être autrement quand on sait que Alpha a été dans le régime de Moussa Traoré en 1980 le ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture, et ATT n’était qu’un pur produit de Moussa Traoré.
En tous cas, tout s’est passé comme si les «
démocrates» demandaient à Moussa Traoré de leur donner leur part du gâteau Mali. Visiblement, le Mali a été humilié sous les démocrates : rien ne va plus.
L’on comprend donc que le projet de ‘
’livre blanc’’ des nostalgiques du régime Moussa visent au moins quatre choses :
- Démontrer à la face du monde que Moussa aime mieux le Mali que ces «démocrates» pillards des biens du peuple malien. Comme pour dire que certes Moussa a mal fait mais qu’il est plus patriote que ces tombeurs retourneurs de vestes.
- Remettre Moussa Traoré en selle après qu’il soit blanchi avec tant de morts à son actif.
- Moussa Traoré, connaissant mieux le Mali profond, peut revenir aux affaires ou par personne interposée et demander des comptes aux «démocrates» tapis dans les instances du pouvoir.
- Moussa n’a jamais posé un seul acte compromettant l’intégrité du territoire national, chose qui se produit aujourd’hui à la face de notre peuple.
Il faut dire que les «
démocrates» ont hautement trahi la nation malienne en tout point de vue.
Le coup d’Etat de Amadou Haya Sanogo avait suscité d’immenses espoirs en notre peuple travailleur. Mais les militaires n’ont pas la bonne lecture des attitudes des politiciens maliens pour que rien ne soit plus comme avant dans notre pays.
Espérant trouver en IBK l’homme qui fera siennes les préoccupations des masses laborieuses, le peuple l’a élu à 77,66% des suffrages exprimés. Hélas, notre peuple est laissé pour compte. Avec IBK, la question posée par Alpha Oumar Konaré, ministre de Moussa, reste d’actualité. Alpha se demandait en 1980 lors de la Biennale artistique et culturelle : «
Où va le Mali ?».
Une fois encore, IBK doit se rassurer pendant qu’il est temps qu’à force de retirer la parole au peuple il finira toujours par la prendre. Il doit vite revoir toute sa question pour enfin remettre ce peuple dans ces droits légitimes : manger décemment, se vêtir, se soigner, se loger, se cultiver décemment. Il n’y a que ce seul prix pour servir honorablement notre peuple.
Pour redonner donc confiance à ce peuple, il faut un véritable nettoyage à tous les niveaux de la vie nationale et arrêter l’hémorragie fulgurante des caisses de l’Etat malien. Ceux qui ont bouffé doivent payer entièrement ce qu’ils ont volé à notre peuple travailleur.
Le livre blanc pour la manifestation de la vérité au Mali oui ! Mais pas pour blanchir Moussa Traoré. D’ailleurs, à ce niveau, il faut annoncer que ce qui reste du Mouvement démocratique s’organise pour apporter la contradiction à ce livre qui fait déjà couler beaucoup d’encre et de salive. Cette riposte est tout à fait attendue car elle aura le mérité de rafraîchir les mémoires sur les crimes commis par le régime sanguinaire de Moussa Traoré. Cette riposte aura la tâche de montrer aux générations montantes que lors des mouvements populaires de 1991 et pour s’accrocher au pouvoir les forces armées de Moussa ont froidement abattu plus de
220 enfants et femmes du Mali. Ce crime odieux porté contre notre peuple a été l’aboutissement des années de dures épreuves comme le non payement des salaires, des bourses des élèves et étudiants, la fermeture des internats qui étaient des lieux sûrs de communion de cœur des Maliens du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest autour d’une richesse commune : le Mali.
Point n’est besoin de rappeler que pendant les années de sécheresse salariales bien de foyers ont été disloqués, la désertification intellectuelle et la lutte contre l’intelligentsia, le développement de l’affairisme furent des répondants aux affres de Moussa.
Le «
livre blanc» en gestation constituera certainement une insulte grossière à l’adresse de notre pays qui n’a pas encore fini de soigner les plaies béantes des atrocités de février et mars 1991.
Fodé KEITA