L’indépendance, un don gâché ?

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22 septembre 1960, le Mali, l’indépendance…A l’époque, c’était la folie, l’euphorie, le miracle. Le temps des espérances, des discours qui retentissaient de patriotisme jusque dans les mentalités. Le rêve de liberté devenait réalité pour tout un peuple, fier de ceux qui allaient prendre son avenir en mains. Le rêve de former une fédération avec le Sénégal avait volé en éclats, apportant de la plus belle manière la preuve que ces « poussières d’Etat » du continent africain étaient condamnées à vivre dans un repli sur soi.

Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un énième plaidoyer pour une Afrique unie, mais un simple constat !

Le Soudan devint le Mali, avec Modibo Keïta comme président. D’abord, il y a eu ce rêve de construction d’une société socialiste qui laissa des traces bien douloureuses dans les cœurs et les esprits. Puis, très vite, ce fut la déception, la confiscation des rêves, le coup d’Etat. Le régime Kaki, le pilotage à vue du pays, les emprisonnements, les tortures, les intimidations.

Aujourd’hui, 22 septembre 2014, le Mali célèbre le cinquante quatrième anniversaire de son indépendance. Un rendez-vous qu’on honore chaque année dans le pays par des évènements officiels, des conférences, des articles, des émissions télévisées. Mais un constat  s’impose. Aujourd’hui, 54 ans après le départ de la puissance coloniale, le bilan est des plus lamentables. Le pays est en lambeaux, compartimenté en deux du fait de la faillite dans sa gestion.

Le pays est malade de ses dirigeants actuels et passés qui, curieusement, ont jeté aux mites, enterré les belles promesses de l’indépendance. Le Mali est en retard sur de nombreux plans. La rébellion a placé le tissu social sous le coup d’une menace permanente. Autant dire que c’est un constat humiliant.

Partout ou presque, la colère et la haine grondent contre les tenants des leviers du pouvoir. Aucun n’est parvenu à atténuer la souffrance des peuples qui, aujourd’hui, pleurent et déplorent que les choses ne soient pas comme elles devraient être avec l’indépendance. Les peuples en viennent à penser et à se dire que ce fut une putain d’indépendance !

Oui, bien sûr, ce n’est pas parce que nous venons de traverser une tragédie nationale qu’il ne faut pas arrêter de se lamenter. L’image d’un pays qui s’est englué dans le désastre ne doit pas faire oublier que cette date du 22 septembre 1960 est importante pour tous les Maliens et Maliennes. Balayer l’indépendance d’un revers de manche reviendrait à « pisser » sur la joie, l’euphorie qu’a ressenti tout un peuple il y a 54 ans, parce qu’il venait de triompher de la colonisation,  parce qu’il venait de renverser le mythe de « la suprématie civilisationnelle».

Ces femmes et ces hommes étaient devenus des femmes et des hommes pareils aux autres : libres. C’est ce qui est venu après l’indépendance, c’est-à-dire cette série d’échecs, qui a transformé l’Histoire. Il ne faut pas l’oublier, malgré le pessimisme, le drame, les déceptions que nous sommes en train de vivre.

Ceux qui sont nés depuis l’avènement de la démocratie malienne n’ont connu que corruption, favoritisme, népotisme et péculat. Ils peuvent, dans leur colère, se demander à quoi a servi l’indépendance. Ils peuvent dire que c’est une liberté qui a été gâchée, une liberté dont ils ont été abusés, car ils se sentent vivre dans un Etat « qui n’apporte rien au peuple », qui « opprime et humilie…», où « le pouvoir se partage entre les parents ».  Ce qui fait dire qu’au Mali « il faut rééduquer le peuple, lui donner une patrie différente de la famille. (*)»

Putain d’indépendance ? Non, sacrée indépendance !

(*) Toiles d’araignées, Ibrahima Ly, Editions L’Harmattan

Boubacar Sangaré

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