Limogeages : La valse des Dg et des présidents d’Institutions

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Après le remaniement ministériel qui a vu le président ATT se séparer de son troisième Premier Ministre et d’une cohorte de Ministres, après le débarquement des DG de la Douane et des Impôts,  après le limogeage des DAF des Ministères, de la Primature et même de la Présidence, le Chef de l’Etat vient de démettre en grappe les responsables des services de sécurité et le Président de la Cour suprême.

Cette arme de «destruction massive» des carrières  des présidents et des DG des entités publiques  est la méthode de gouvernance privilégiée par ATT. En bon stratège, il ne dévoile pas sa cible. Il tire sans sommation sur des cibles dispersées, sachant qu’il fera mouche sur  l’objectif non apparent. Dans la confusion, le  généralissime boit du petit  lait et laisse le soin aux Grins et aux observateurs de constater les dégâts collatéraux et de  commenter l’événement. Souvenez-vous des DG de la Sécurité d’Etat (SE), de la Police et de la Gendarmerie limogés en grappe après le match Mali/Togo. Tout le monde savait que le tir ami devait atteindre le DG de la SE de l’époque, Hamidou Sissoko dit Man.

Cette fois-ci, c’est le trio des responsables de la police, de la gendarmerie et de la protection civile qui rejoignent le DG de la SE dans l’infortune des disgrâces. La cible était Niamey KEITA de la police qui avait cristallisé les rancœurs des syndicats et de son Ministre de tutelle.

En groupant les démis de leurs fonctions, ATT veut atténuer leurs ressentiments contre lui et leur faire accepter la perte de leurs postes en douceur. Ils se consoleront  qu’ils ne sont pas seuls. Démettre sans soulever d’amertume et d’adversité est une des méthodes de gouvernance prisée par le président de la République, alors qu’à contrario, il ligue contre lui  tous ceux qui vivent ces déchéances collectives comme une injustice. Sensible aux interventions (le cas du DG sortant Niamey qui aurait sollicité l’intervention du Général Moussa Traoré)  et au profil bas de ces cibles, ATT est capable de faire taire une rancœur et attendre un jour meilleur où la cible, ayant baissé la garde, est emportée dans un mouvement de limogeage tsunamique .

Les Gouverneurs de région, les Ambassadeurs sont coutumiers de ce genre de rappels collectifs. Dans le tumulte des nominations, et des disgrâces, le nouveau Directeur de la police,  M Diagouraga retrouve son fauteuil au retour du balancier ainsi que quatre des anciens DAF. On prend les mêmes et on recommence. Le cas des    anciens DAF limogés la semaine d’avant et rétablis dans leur fonction cette semaine est une preuve que le licenciement en grappe n’est pas une bonne méthode de renouvellement des cadres dirigeants, et laisse penser  que le pouvoir frappe à l’aveuglette les cibles sans distinction, entonnant la trompette de la lutte contre la corruption pour justifier la mesure et se ravisant pour repêcher quelques uns du naufrage sur des critères opaques et sibyllins. Ainsi donc, tous ceux qui ont été recalés seront de facto considérés  comme ceux à qui on jette la pierre de la corruption et de la délinquance financière, mêmes couverts de remerciements pour services rendus. C’est la façon de quitter leur fonction qui est tendancieuse et qui couvre d’opprobre  leur dignité. Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités pour sanctionner ceux qui ont commis des fautes délictuelles, les fautes de gestion n’ayant pas un caractère pénal, au lieu de mettre à l’index tout une corporation et la désigner à la vindicte populaire. Cela fait désordre. Au lieu d’une gouvernance tranquille, les fréquents chamboulements à la tête des entités administratives sont dommageables à une meilleure connaissance et un  suivi efficace  des dossiers, puisque ceux qui sont nommés sont dégommés avant même la passation des services.

L’administration publique, pour une meilleure efficience, doit être gérée  comme un service privé. Or, la stabilité d’une équipe dirigeante est un paramètre d’une bonne réussite, parce que les hommes chargés de l’animer auront pris du temps pour se connaître et mettre en œuvre leur énergie pour la bonne marche des affaires de l’Etat.

Les mouvements diplomatiques initiés tous les cinq ans sont une aberration, parce que 5 ans est la période de temps  tout juste nécessaire pour permettre aux diplomates de nouer des relations et suivre le dénouement de certains dossiers ou leur expérience est capitale. Avec cette mesure, aucun diplomate malien ne sera jamais Doyen du corps diplomatique dans aucun pays du monde. Certains postes stratégiques doivent survivre au changement de gouvernement.

Dans un an, le nouveau président de la République va revenir sur la presque totalité de ces nominations, si elles ne sont pas  révoquées entre temps par ATT  de nouveau.

S’agissant de la Cour suprême, la nomination de Tapili  est un message pour les initiés. On se rappelle que le sieur Tapili avait été limogé par ATT pour avoir rendu un jugement dans l’affaire des exonérations qui avait heurté l’opinion publique, en phase avec ATT,  en raison de la clémence du verdict. Depuis cette époque, M Tapili a retenu la leçon et lorsque l’affaire BHM/Waic a épuisé les voies d’appel légales pour détenir  l’ancien PDG de la BHM, il nous est revenu que c’est M Tapili qui aurait proposé au président ATT le rabat d’arrêt comme instrument juridique applicable au cas précité, même si du point du droit, cette solution est bancale et n’est pas suspensive de liberté. C’est donc une récompense pour oublier  la disgrâce honteuse fondée sur une présomption de corruption et un renvoi d’ascenseur pour service rendu, comme ce fut le cas de Mahamadou Bouaré et N’Péré  DIARRA , nommés Procureur général et Avocat général auprès de la Cour suprême pour avoir mis leur indépendance en veilleuse pour accéder aux désirs du président ATT du maintien  en prison de l’ex-PDG de la BHM. Et cela, en dépit de la liberté légale et irrévocable qui lui fut accordée par la Cour suprême. Dans ce dossier, la décision judiciaire a aussi entraîné une vague de licenciements dont deux hauts magistrats, un régisseur de prison et un avocat de la défense radié du barreau. Au Mali, les juges libèrent les prévenus après les avoir jugés et établis leur innocence. ATT maintient l’un d’entre eux aux cachots, le temps que s’accomplisse sa volonté de président, en violation de la Constitution du Mali, notamment la séparation des pouvoirs. Dixit Tâta Pound dans LEKECE.
Birama FALL

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