C’est vraiment incroyable la façon dont certains DAF ont joué avec l’argent du contribuable pour se constituer un bon matelas financier et en même temps satisfaire une cour de courtisans et d’amis. Mais dans tout cela, c’est la facilité des opérations qui est déconcertante et l’on se demande bien si les DAF pouvaient agir isolément, c’est-à-dire sans qu’il ne soit établi une longue chaîne de complicités, de leur département ministériel jusqu’au Trésor, en passant par la Direction générale des marchés publics. Malgré leur limogeage, il en existe des DAF qui ont voulu faire passer des factures après les avoir antidatées, provoquant de nouveau la colère du président de la République.
Tard vaut mieux que jamais a-t-on coutume de dire. Cette maxime peut être évoquée pour venir au secours d’ATT qui a bien réagi sur le tard car les pratiques peu orthodoxes des DAF sont un secret de polichinelle. A plusieurs reprises des services de contrôle et de vérification ont mentionné des manquements graves à la gestion financière des deniers publics commis par des DAF. Ces derniers n’ont jamais été inquiétés.
Rappelons qu’au titre de la gestion 2005 – 2006, un DAF avait effectué une double imputation de dépenses pour un séminaire pour un montant de plus de 41 millions FCFA. En plus, il ne parvenait pas à justifier des dépenses effectuées à hauteur de 100 millions FCFA. De janvier 2004 à décembre 2005, un autre DAF s’est permis de faire attribuer un marché au plus disant, provoquant ainsi un manque à gagner de plus de 13 millions FCFA, sans compter un non appel à la concurrence pour des dépenses de 99.423.703 FCFA. Mais ces sommes ne représentent rien, comparées aux 2.519.095.834 FCFA de frais frauduleux constatés par un service de contrôle dans les écritures comptables d’un DAF qui a été aussi épinglé pour plus de 4 milliards FCFA au titre de la mauvaise gestion. Que dire aussi des 335.797.655 FCFA prétendument dépensés par un DAF d’un autre département ministériel pour l’entretien et la réparation de véhicules ?
A côté de ces pratiques déjà constatées par des corps assermentés de contrôle et dont les dossiers y relatifs sont perdus dans les méandres de l’administration et la justice, on peut citer d’autres, plus récents, comme les travaux concernant un grand ouvrage de protection et d’amélioration de l’environnement, dans le District de Bamako, où des incohérences ont été relevées sur ce marché qui avoisine les 2 milliards FCFA. On peut en dire autant d’équipements payés au profit du secteur énergétique. Du matériel de seconde main, amorti, facturé à plusieurs milliards de FCFA.
Signalons qu’un DAF s’est particulièrement distingué par son audace, fruit de son inamovibilité. Il a osé, pour “dépanner” un de ses amis qui risquait de voir sa maison saisie par une banque de la place, faire débloquer une trentaine de millions FCFA au Trésor public, au détour du règlement d’une fausse facture. Une pratique régulière chez des DAF pour répondre aux sollicitations des amis et courtisans. Mais comment est-ce possible sans une complicité d’autres agents de l’administration comme les Secrétaires généraux et éventuellement des relais au niveau du Trésor public? Le DAF en question inscrivait dans ses prévisions, chaque année, plus de 100 millions FCFA pour la réalisation d’études concernant la construction d’un bâtiment de son ministère sur un terrain acquis à l’ACI 2000. Naturellement, c’était pour engloutir les crédits sans réaliser l’objet de leur allocation, alors que la même prévision revenait chaque année.
Ce même DAF avait fait l’objet d’un contrôle l’année dernière et les limiers avaient conclu à un manque à gagner de 1.661.876.319 FCFA à son niveau. Sans compter une augmentation régulière et injustifiée de produits livrés chaque année à son ministère, occasionnant une surfacturation à hauteur de 159.258.650 FCFA. S’y ajoute un marché réglé à plus de 106.974.500 FCFA de sa valeur réelle.
Mais malgré leur limogeage, des DAF ont refusé d’obtempérer, en essayant de faire passer, pour règlement, des factures antidatées par rapport au jour de leur limogeage. Cette information, ayant fini de faire le tour de l’administration, a mis certains Secrétaires généraux et cadres de Cabinets dans le collimateur du président de la République. D’autres limogeages sont, d’ores et déjà, en vue.
Amadou Bamba NIANG