C’est le vendredi 1er février 2019 que la Cour Pénale Internationale a pris la décision de libérer sous conditions l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo Koudou et son ancien bras droit et ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé. Si cette libération a été accueillie par les nombreux partisans de l’ancien Président, elle a laissé plus d’un adepte de la réconciliation sceptique, car Gbagbo ne foulera pas le sol ivoirien de sitôt. Fait-il toujours peur au régime en place au point de ne pas vouloir le sentir parmi les siens ? Le Président Alassane Dramane Ouattara n’est-il pas en train de filer du mauvais coton en neutralisant les deux autres poids lourds de la politique ivoirienne que sont Bédié et Gbagbo ?
C’est à l’unanimité des cinq juges de la chambre, qui ont fixé comme première condition à cette libération qu’un Etat veuille bien accueillir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. La décision de la chambre est détaillée dans un document de trente pages, qui correspond point par point à ce qu’avait demandé le bureau du procureur. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont enfin libres mais sous conditions. Ces conditions incluent par exemple le fait de signer une déclaration comme quoi ils vont se conformer dans le futur aux décisions des juges de la CPI ; ils vont rendre leur passeport au greffe de la Cour et ne pourront pas quitter la municipalité dans laquelle ils résideront dans l’Etat ou les Etats qui vont les accueillir […] Pour la chambre, il est important que les personnes concernées ne fassent pas des déclarations à propos de l’affaire, à leur encontre et à propos potentiellement des victimes de la procédure judiciaire, etc. C’est pour protéger les informations liées à la procédure. La chambre d’appel estime d’ailleurs qu’il y a un risque de fuite des acquittés. A ce titre, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devront pointer une fois par semaine auprès des autorités de leur pays de résidence. Ils ne pourront se déplacer qu’au sein de la municipalité des pays hôtes. Si déplacement à l’étranger il devait y avoir, ils doivent donc demander une autorisation préalable à la CPI.
Autre point important, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont interdiction d’interagir avec des témoins du procès. Interdiction aussi de s’exprimer sur cette affaire auprès de la presse
Pourquoi de telles mesures de restriction à l’endroit de Gbagbo ? Pour la CPI, c’est pour qu’il ne fuit pas alors que la procédure n’est pas terminée. Mais à analyser de près, il y a la main invisible des autorités ivoiriennes qui craignent des troubles et même une déstabilisation du régime, surtout quand on sait que Ouattara, durant les huit ans à la tête du pays, n’a pas fait grand-chose dans le cadre de la réconciliation. Pire, les « Dioulas », communauté d’Alassane Ouattara, ont régné sans partage, méprisant à la limite, les autres communautés, surtout celles qui sont proches de Gbagbo et de Bédié.
Youssouf Sissoko