LETTRE DE MISSION : Le Chef de l’Etat engage Mme le Premier Ministre à poursuivre la mise en oeuvre du PDES
Madame le Premier Ministre,
Par décret n°2011-173/P-RM du 03 avril 2011, je vous ai confié les hautes fonctions de Premier Ministre. En vous adressant mes chaleureuses félicitations pour la confiance méritée ainsi que mes vœux ardents de réussite, il m’a paru opportun, à travers la présente lettre, de vous préciser les grandes lignes de votre mission.
1. Je vous engage à poursuivre la mise en œuvre de la lettre de cadrage du 13 novembre 2007, dont copie ci-jointe, que j’ai adressée à votre prédécesseur, laquelle est largement inspirée du Projet pour le Développement Economique et Social (PDES) sur la base duquel notre peuple m’a renouvelé sa confiance en 2007.
A cet égard, l’exécution et le prolongement des chantiers déjà ouverts dans les domaines suivants constituent pour vous des défis importants à relever : l’Agriculture, la santé, l’eau, l’énergie, le désenclavement et la sécurité.
2. Je vous invite à accorder une attention particulière aux questions suivantes :
2.1. La réalisation des réformes politiques que j’envisage, après vingt (20) ans environ de pratique institutionnelle, pour corriger les insuffisances et combler les lacunes de notre système politique.
J’ai créé en février 2008, un Comité d’Experts chargé de conduire la réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali. Dans le rapport issu des travaux de ce Comité, deux cent trente trois (233) recommandations susceptibles d’améliorer la démocratie dans notre pays ont été formulées. Dans le cadre du traitement desdites recommandations, le Comité d’Appui aux Réformes Institutionnelles (CARI) a produit subséquemment les principaux avant-projets de textes.
Je vous demande de veiller avec la plus grande diligence à l’aboutissement des réformes politiques envisagées.
2.2. L’année 2012 sera une année électorale (élections législatives et présidentielle). L’importance de cet événement doit vous préoccuper grandement. Au regard des attentes de nos compatriotes, je veux des élections libres, transparentes et crédibles pour mettre notre pays à l’abri de soubresauts préjudiciables à sa stabilité tant louée au-delà de ses frontières.
Une élection comporte plusieurs étapes, toutes importantes. Il est vain d’espérer des résultats propres, si le fichier n’est pas fiable, si les opérations de distribution des cartes électorales, de dépouillement des bulletins de vote ne sont pas transparentes et si la gestion des bureaux de vote n’est pas saine. Aucune place ne doit être faite à l’improvisation et la bonne gestion du temps devra nous permettre de relever ce redoutable défi.
Aux deux questions susmentionnées, s’ajoutent celles non moins importantes liées aux missions traditionnelles de tout Gouvernement.
2.3. Je me réjouis des efforts déployés par le Gouvernement au cours des dernières années pour atténuer les conséquences néfastes de l’indisponibilité ou du renchérissement de certains produits de grande consommation et de première nécessité comme les céréales, l’huile, le lait et le sucre. Mas les résultats escomptés n’ont pas été totalement atteints.
C’est pourquoi, je vous engage à poursuivre et à intensifier les actions entreprises en vue d’assurer une plus grande disponibilité et une meilleure maîtrise des prix de ces denrées, toutes choses participant de l’amélioration constante des conditions de vie des populations.
2.4. L’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes est une quête permanente. Persuadé qu’elle est une responsabilité partagée, tributaire d’efforts mis en commun, je vous invite à poursuivre et à approfondir le dialogue avec l’ensemble des partenaires, principalement les partenaires sociaux.
Ce dialogue que j’appelle de tous mes vœux doit être bien conduit, en cette période propice aux revendications catégorielles. Vous devez cultiver le sens de l’écoute et éviter de prendre des engagements que les moyens de l’Etat ne lui permettent pas d’honorer.
Dans le même temps, je vous demande de respecter scrupuleusement tous les engagements déjà pris et ceux que vous aurez à prendre.
2.5. Le renforcement de la paix sociale et d’un climat de sécurité sur toute l’étendue du territoire national mérite de votre part une attention soutenue. Je vous demande de ne jamais perdre de vue qu’il n’y a pas de développement sans paix et sans sécurité.
C’est convaincu de la relation intime entre développement et sécurité, que j’ai initié, entre autres, le Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement dans le Nord du Mali (PSPSDN). Ce programme devrait permettre le déploiement d’activités tendant à assurer non seulement la sécurité des personnes et de leurs biens mais aussi le développement des régions du nord. Je vous invite à accorder le plus grand soin à sa mise en œuvre.
2.6. La situation de l’école constitue depuis longtemps une préoccupation majeure qui doit être traitée avec toute l’attention requise. Le Forum national sur l’éducation organisé en 2008 a permis d’identifier les causes du malaise profond que connaît l’école. Il a eu également le mérite d’une part, de formuler des recommandations pertinentes et, d’autre part de définir le rôle des différents responsables du fonctionnement de l’école. Je vous invite à vous investir pleinement afin que l’école retrouve ses lettres de noblesse et qu’elle assure, dans le monde concurrentiel d’aujourd’hui la formation d’hommes et de femmes capables d’ouvrir les portes de l’avenir à notre pays. A cet effet, il est indispensable de maintenir le dialogue, dans la confiance entre tous les acteurs de l’école.
2.7. Un traitement adéquat de la question de l’emploi, surtout celui des jeunes, est une nécessité à laquelle aucun Gouvernement ne peut se soustraire sans courir le risque de la déstabilisation. En effet, l’emploi offre à l’individu des ressources morales, matérielles et financières lui permettant de préserver ou de conquérir sa dignité et à la collectivité nationale, des opportunités pour asseoir une stabilité durable indispensable à son développement. Pour gagner le pari de l’emploi, je vous invite à explorer deux pistes qui paraissent fécondes :
en premier lieu, il vous revient de mettre l’accent sur la formation professionnelle en veillant à son adéquation avec nos réalités socio-économiques.
en second lieu, il s’agit de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de stimuler la croissance économique qui favorisera la création d’emplois.
2.8. Dès lors, l’assainissement des finances publiques et la rigueur dans la gestion des ressources nationales devront, plus que jamais, marquer vos actions de tous les jours. La bonne gouvernance ne peut s’accommoder de l’impunité, de la corruption et des autres formes de délinquance économique et financière.
Face à ces fléaux, m’ont paru s’imposer d’une part, la rationalisation des dépenses publiques par des choix judicieux et d’autre part, le renforcement des mécanismes de contrôle de la gestion des finances publiques. Participent de cette vision, l’institution du Vérificateur Général, le renforcement de la capacité des structures de contrôle de l’Administration (Contrôle Général des Services Publics, Inspections ministérielles, et Section des Comptes de la Cour Suprême) et de certaines juridictions (installation des pôles économiques et financiers).
En dépit de ces mesures, on observe encore des pratiques ayant pour effet de priver l’Etat d’une partie substantielle de ses ressources et par la même occasion de freiner ses efforts en matière de réduction de la pauvreté. Dans le respect de l’honneur et de la dignité de la personne humaine, je vous demande de vous investir pleinement pour combattre ces pratiques.
Avant de terminer, je crois devoir attirer votre attention sur la nécessité de former une équipe unie et solidaire animée par le souci de l’intérêt général et des intérêts supérieurs de notre pays. L’idée que vos performances et votre responsabilité seront à la fois individuelles et collectives ne doit jamais vous quitter.
La cohésion de l’équipe gouvernementale, votre attachement aux valeurs de la République et aux vertus cardinales de notre peuple conditionnent votre succès, que je souhaite éclatant à l’heure du bilan.
Je vous prie d’agréer, Madame le Premier Ministre, l’expression des mes respectueux hommages et de ma considération très distinguée./.
Amadou Toumani TOURE
CCOM/PR – 4 mai 2011