En marge de sa visite au Mali, dans le cadre de la résolution de la crise malienne, la mission de médiation de la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Oust (Cédéao) conduite par le l’ancien président nigérian, Goodluck Ebélé Johnatan, a rencontré, le 11 janvier dernier, les responsables du Mouvement du 5 juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-Rfp), le principal mouvement de contestation contre le président déchu IBK.
Lors de cette rencontre, les partis politiques et les organisations membres du M5-Rfp ont décidé de parler d’une seule et même voix, notamment celle du président du Comité stratégique de l’organisation, Choguel Kokalla Maïga, pour faire part de leurs observations sur l’évolution de la situation au Mali depuis le début de la Transition.
Dans son intervention, il n’a pas manqué de remercier le Médiateur de son intérêt personnel et de son souci constant pour le Mali. “Nous souhaitons, à vous-même et à la délégation qui vous accompagne la plus chaleureuse bienvenue au Mali et un séjour fructueux. Enfin, nous vous saurons gré de bien vouloir transmettre notre reconnaissance et notre profond respect aux chefs d’Etat de notre Communauté, en même temps que nos vœux de bonne et heureuse année 22021, aux peuples de la Cédéao, aux chefs d’États des pays membres, à vous-même, ainsi qu’aux membres de votre délégation”, a-t-il ajouté.
Selon lui, depuis les évènements du 18 août 2020, le M5-Rfp n’a pas eu l’occasion d’exposer à la Cédéao ses appréciations sur la conduite de la Transition en cours qui, au stade actuel, peuvent être synthétisées en quatre points principaux.
D’abord, dit-il, l’engagement partagé d’instaurer au Mali une Transition civile est violé. Ainsi, il précisera, entre autres, que le président de la Transition est un colonel-major à la retraite qui ne détient pas la réalité du pouvoir ; les véritables leviers du pouvoir sont détenus par le vice-président de la Transition, un militaire chef de la Junte ; les postes clés du gouvernement sont détenus par les militaires membres de la Junte ; les 4/5 des ministres ont été désignés par la Junte sur la base des seules affinités ; le Premier ministre civil est manifestement dans l’impossibilité d’exercer pleinement son autorité de chef d’un gouvernement qui lui a été imposé ; le président du Conseil national de la Transition ( CNT ) est un militaire membre de la Junte ; tous les membres du CNT ont été nommés par le vice-président de la Transition en violation flagrante et dans le mépris total des décrets sur la mise en place de l’organe et de la Charte de la Transition.
Forte militarisation de la Transition
A l’en croire, une majorité de gouverneurs des régions sont des militaires ainsi que l’essentiel des nominations au sein de l’Administration sont faites par les militaires et choisies parmi les proches de la Junte. “La question de la justice pour les victimes de la répression par les Forces Spéciales Antiterroristes (Forsat) des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Bamako, ainsi qu’à Sikasso et Kayes, est toujours restée sans la diligence requise dans son traitement”.
Pour le président du Comité stratégique du M5-Rfp, le second point de synthèse de la Transition est consacré aux fortes menaces qui pèsent sur la tenue d’élections régulières, libres, transparentes et crédibles. En effet, affirme-t-il, les autorités de la Transition s’éloignent de plus en plus de la mise en place d’un organe unique et indépendant de gestion des élections qui demeure une exigence quasi-unanime de la classe politique et des acteurs sociaux et constitue un gage de la crédibilité des élections.
“En lieu et place, le Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en charge de l’organisation des élections, a mis en place une cellule d’appui qui, si elle n’est pas contestée dans le principe, s’est, de façon inacceptable accaparée de certaines prérogatives de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et de la Délégation générale aux élections (Dge)”, a-t-il déploré. Selon lui, tout laisse croire que, par ce biais, les autorités de la Transition veulent organiser une cession du pouvoir après une parodie d’élection, un tel dessein ne saurait être accepté.
Processus de révision constitutionnelle non inclusif
Par rapport à la question de la révision constitutionnelle, il a noté que le processus enclenché par les nouvelles autorités n’est pas inclusif. “L’opinion nationale en général et le M5-Rfp en particulier ont entendu avec effarement un membre du gouvernement annoncer que le processus de révision de la Constitution a démarré.
Pour le M5-Rfp, ce processus ne saurait en aucun cas être ni technocratique ni secret, mais au contraire ouvert, inclusif et consensuel. Tel n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. C’est le lieu et le moment de rappeler qu’au Mali, trois tentatives de révision de la Constitution ont échoué à cause, entre autres, du caractère non consensuel du processus”, fait-il remarquer à la délégation de la Cédéao.
Aux dires du porte-parole du M5-Rfp, le troisième point de synthèse de la Transition en cours au Mali est relatif à la mise en place rampante d’un régime autocratique comme en témoignent les arrestations extrajudiciaires qui se généralisent et qui sont inacceptables dans un Etat de droit, nonobstant la présentation ultérieure des personnes “enlevées” devant les autorités judiciaires. Mais, déplore-t-il, c’est la mise en place du CNT qui est l’illustration la plus achevée du mépris affiché pour l’Etat de droit et l’imposition, par la force et la manipulation, des désidératas de la Junte militaire qui d’ailleurs continue à exister en droit et en fait à Kati.
A cet égard, il dira qu’un acte formel de dissolution du Comité national pour le salut du (Cnsp) doit intervenir sans délai. “Bien évidemment, l’exercice de la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble de son territoire, l’insécurité grandissante, l’impérieuse nécessité de la Refondation pour ne pas réduire la Transition à la seule organisation des élections, demeurent pour le M5-Rfp des préoccupations constantes”, a-t-il conclu.
Boubacar PAÏTAO