Profonde aspiration silencieuse sur fond d’impérieuse nécessité de tout un peuple pour un pays pris à la gorge par une crise protéiforme, le Dialogue national l’est indubitablement. Il a été impulsé par le FSD, au grand soulagement d’un pouvoir en mal de stratégie qui en a fait une récupération éclopée. Hélas ! Dès le lancement du processus de Dialogue, l’incontournable compromis a été la pierre d’achoppement entre un État à la relation passablement détricotée avec une frange importante de population qui a du mal à se suivre. Il en a aussi été le talon d’Achille. De l’intitulé du dialogue, en passant par le format, à la validation des termes de référence, c’est avec mépris que les observations et appels à rectifier le tir de ceux qui sont étiquetés grincheux devant l’éternel ont été accueillis. La session de rattrapage en cours, à travers les concertations communales, une trouvaille de la Plateforme ‘’Anw Ko Mali Dron’’, d’abord snobée, puis accaparée, n’est qu’artifice. Donc, plus que jamais, le Dialogue national inclusif réclamé par de nombreux Maliens pour enfin sortir du cercle vicieux des crises est clivant.
Pourtant l’État (qui calque tout ce qui est mauvais chez les autres) aurait pu faire sienne cette théorie du Président MACRON, à propos de la réforme des retraites : ‘’passer de la puissance de la verticalité à la force de l’horizontalité’’. Il n’y a aucune honte à copier une idée lumineuse jaillie chez l’autre, de surcroît chez le parrain. À moins qu’un ego surdimensionné fasse ombrage à la vertueuse humilité !
À ce stade du processus de Dialogue national inclusif, le bilan est forcément désastreux, comme l’attestent les abjurations en cascade : le FSD originel présidé par le Chef de file de l’Opposition, Soumaïla CISSE, initiateur du projet de Dialogue national ; le RpDM du Dr Cheick Modibo DIARRA, arrivé 4e à la dernière élection présidentielle ; le Parti SADI du Dr Oumar MARIKO ; la CoFoP, à l’exception de la CODEM de Ousseini Amion GUINDO, ministre dans le Gouvernement Boubou CISSE ; les FARE An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo SIDIBE ; le CNID de Me Mountaga TALL ; le MPR du Dr Choguel Kokalla MAIGA ; la Plateforme ‘’Anw Ko Mali dron’’ réunissant autant des partis politiques que des organisations de la société civile…
Pourtant, l’article 2 de l’Accord politique de gouvernance stipule : « le nouveau Gouvernement élaborera un programme d’action et s’attellera à sa mise en œuvre. Ce programme d’action sera articulé autour des axes suivants : l’organisation, dans les meilleurs délais, d’un dialogue politique inclusif avec toutes les forces politiques du Mali… » Que reste-t-il des forces politiques de l’échiquier national avec toutes ces rétractations ? En tout cas, un « dialogue politique inclusif avec toutes les forces politiques du Mali » à ce stade, relève d’une vue de l’esprit.
En organisant alors un Dialogue, au forceps, comme c’est le cas (en faisant de toutes ces défections un non-événement), le Gouvernement devrait avoir l’obligeance de requalifier le DNI en l’amputant du vocable ‘’INCLUSIF’’. Ce Dialogue National ou prétendument tel est tout sauf inclusif. Et c’est peu de le dire.
Le passage en force, c’est l’option de l’État ; quitte à maquiller son forcing par la mise à contribution d’un ancien Président de la République, ex-mentor de l’actuel, qui, de mémoire de Malien, n’a jamais brillé par un quelconque talent de médiateur. Voici l’homme providentiel que le Président de la République a sorti de son chapeau pour ramener à la grand-messe du Dialogue National Inclusif les réfractaires. Bien sûr que c’est un doux euphémisme de dire qu’homme providentiel égal espoir déraisonnable. Mais si cet homme providentiel s’est bonifié avec l’âge et le recul, on peut au moins espérer qu’il ne donnera pas le coup de grâce à un processus moribond.
En attendant, tout se passe comme si la chienlit était délibérément provoquée ; les organisateurs du dialogue national apparaissent comme les premiers ensevelisseurs des espoirs suscités. Dans cette pagaille organisée dans laquelle certains trouvent parfaitement leur repère, le pouvoir éructe, le peuple trinque.
Conclusion : à qui perd, gagne. Échec retentissant du pouvoir dans l’organisation et la réussite du DNI, mais un échec apparent qui procure un double avantage. D’une part, accéder à la demande populaire d’un Dialogue, d’autre part, faire passer ceux ont fait le choix de ne pas prendre part à une parodie de dialogue, pour les ennemis de la paix et de la réconciliation. Le pouvoir prépare ainsi sa réhabilitation sur les ruines d’un DNI mort-né. C’est aussi cela les pièges de la politique politicienne.
PAR BERTIN DAKOUO