Les mandats électifs à la bourse des présidentiables: Une pratique indigne de la démocratie malienne

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A mesure qu’approche l’heure de vérité de la compétition présidentielle, le caractère démesuré de certaines ambitions est mis à nu par des comportements qui défient toute bienséance politique et trainent aux égouts le système démocratique malien acquis au prix de lourds sacrifices. Une démocratie qui repose essentiellement sur l’achat des consciences.

 

Les cerbères et sentinelles du temple démocratique malien ont de quoi reprendre du service, tirer la sonnette d’alarme et prouver leur attachement à certaines fondamentaux et principes inviolables. Et pour cause : la pratique qui a cours depuis quelques jours – précisément depuis que la Cour Constitutionnelle a largué les amarres de la concurrence électorale – n’a manifestement rien à envier aux peccadilles que certains méticuleux gardiens du temple reprochent au chef de l’Etat sortant sur la réforme institutionnelle et le référendum. Avec l’ouverture de la compétition par la haute juridiction électorale, une heure de vérité a sonné pour la plupart des candidatures fantaisistes (ou au forceps), à cause notamment des exigences et contraintes du parrainage. En effet, selon les dispositions légales en la matière, le dossier de candidature de chaque prétendant à la magistrature suprême doit comporter, outre les pièces traditionnellement exigibles des candidats aux potes électifs, la signature légalisée d’au moins une dizaine de députés ou cinq (5) conseillers communaux par région et dans le district. Théoriquement, sur la vingtaine et plus de candidats déclarés, on peut compter sur les doigts d’une main ceux qui disposent des moyens de se procurer lesdites cautions sur la base de leurs potentiels politiques intrinsèques. Les candidats de l’Adéma-PASJ, de l’URD et du RPM peuvent par exemple, sans recours au capital tiers d’élus, se conformer à l’exigence en comptant sur leurs propres représentants parlementaires. Les autres sont tous théoriquement inaptes et inéligibles au dépôt des candidatures. Et pour cause : ils ne disposent pas du nombre de parlementaires requis et lorsqu’ils peuvent en compter parmi les élus communaux – parfois beaucoup plus du nécessaire pour certains – les conseillers municipaux de leur obédience ne sont pas répandus sur l’ensemble du territoire dans les conditions qui leur permettent de respecter les dispositions légales sans puiser dans les rangs de leurs concurrents. Qu’à cela ne tienne ! Pour autant que la loi l’autorise et l’encourage, en vertu notamment de la reconnaissance d’une certaine liberté pour les élus de disposer de leur mandat comme ils l’entendent dans le cadre du parrainage. Mais le hic, c’est que cette consécration du libre arbitre donne, pour le moins, libre cours aux pratiques les plus vicieuses  et révèle la démocratie malienne sous ses facettes abjectes et indignes des sacrifices consentis pour la conquérir. Ainsi, il aura suffi d’une vingtaine d’années seulement pour que le multipartisme verse dans les dérives et soit tourné en dérision, au point de s’accommoder du regrettable fait qu’une certaine règle boursière soit ainsi applicable aux mandats. Tenez, pour combler le manque ou l’absence du degré de légitimité élective exigible de l’acte de candidature à la présidentielle, la plupart des candidats à la magistrature suprême – indépendants comme de formations politiques moins nanties – jugent inopportun de s’encombrer de pénibles et incertaines tractations politiques avec les partis qui regorgent d’élus. D’aucuns se retiennent, sans doute par l’orgueil, de devoir avouer que n’était que fausse leur emprise tant annoncée sur les élus de certaines grandes formations politiques de la place. C’est le cas de l’ancien Premier Ministre Modibo Sidibé qui, de sources crédibles, n’aurait plus d’autre alternative que la proposition d’espèces sonnantes et trébuchantes pour boucler la dizaine de députés indispensables et sur le soutien desquels il compte mordicus pour  son acte de candidature, peut-être parce que l’accompagnement d’élus municipaux ne courent pas la rue dans certaines régions inaccessibles du Mali. Les mêmes sources précisent, par ailleurs, que le mentor de Faso-Denyuman était disposé, la semaine dernière encore, à défalquer entre deux (2) et cinq (5) millions F CFA  par parlementaire pour les besoins de sa cause.

Certains prétendants allient à la fois gêne et scrupule. C’est le cas de Soumana Sacko, candidat du CNAS, qui semble s’être donné pour principe de ne pas entacher sa candidature de pratiques corruptives. C’est probablement la raison pour laquelle l’ancien Premier Ministre de la Transition démocratique malienne, à en croire d’autres sources, éprouve encore beaucoup de difficultés pour réunir les signatures nécessaires à sa qualification. Et pour cause, il a la particularité d’entretenir des rapports peu conviviaux avec le reste de la classe politique et ne serait pas non plus disposé à surmonter la difficulté en versant  dans la pratique qui consiste à se procurer des signatures par achat.

Son credo ne semble pas partagé par le Dr. Cheick Modibo Diarra. Avec une formation politique à peine portée sur les fonts baptismaux, le président du RpDM a réussi, quant à lui, à enregistrer sa candidature. Selon plusieurs sources concordantes, l’ancienne célébrité de la NASA n’a pas lésiné sur les fonds pour y parvenir, et a dû arroser les signataires de son parrainage de liasses jusqu’à concurrence de la dizaine de millions pour certains. Quid d’Oumar Mariko de SADI, de Me Mountaga Tall du CNID et de tant d’autres candidats tout aussi défavorisés par les dispositions légales en la matière, par ces temps où l’accès aux candidats est singulièrement rendu difficile par la situation au Nord?

Avec une montée aussi vertigineuse des enchères, il ne paraît point évident que d’autres candidats beaucoup moins nantis s’en sortent.

Quoi qu’il en soit, cette pratique bannissable jure manifestement avec le respect dû aux suffrages et à la confiance populaire qui sous-tend les responsabilités électives. L’application d’une règle boursière au vote des masses ne grandit ni les vendeurs ni les demandeurs et pourrait être sanctionnée à la dimension de la perversion qu’elle incarne, y compris par une désaffection des urnes.

En définitive, quelle vertu et valeurs pourront prôner devant les électeurs des candidats dont l’acte de candidature est soutenu par de telles pratiques, là où une alternative moins ignoble pourrait consister à négocier le parrainage dans le cadre des tractations politiques ?

A.Keïta

 

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