Généralement, sur des questions de grandes importances, les politiciens sont évasifs par leurs propos nuancés qui obligent des gens à faire des interprétations diverses sur leurs intentions. Tel n’était pas le cas ce samedi 07 janvier 2012 dans la grande salle Bazoumana Cissoko du Palais de la culture cambré au flanc droit du fleuve djoliba à Bamako. Ce lieu qui est essentiellement voué aux grosses activités culturelles et artistiques, abritait un grand évènement autour d’un mastodonte de la politique malienne plus connu par ses initiales : IBK. Tout comme ses portes d’entrée et couloirs d’accès, cette grande salle de 3000 places était bondée de monde.
Suite aux prestations artistiques de la griotte et artiste internationale, Bako Dagnon et du talentueux rappeur, Abdramane Traoré dit Tiéfarinshi, le maitre de cérémonie, Boubacar Touré, premier secrétaire à la communication du RPM, a invité des responsables de partis, d’associations et de mouvements à ouvrir le bal des discours. Le premier intervenant, Amadou Ouattara, secrétaire général de la section RPM de la commune 5 et 3eme adjoint au maire de la même commune, a remercié tout ce beau monde d’avoir participé à ce rassemblement politique dans son discours de bienvenue. Il a été succédé par le professeur Mamadou Kassa Traoré, président du parti Miria. Ce même doyen M. Kassa Traoré a été le porte-parole des présidents et représentants de partis politiques organisateurs d’une rencontre solennelle le 29 octobre 2011 au Centre International de Conférences de Bamako(CICB) ayant aboutit à la constitution d’un « Collectif des partis signataires de la lettre d’appel à candidature à IBK ».
Ce Collectif, sans ignorer les réalisations effectuées dans la dernière décennie, souligne la persistance des problèmes cruciaux les obligeant à mentionner ceci :« nous, partis politiques signataires du présent document, sommes convaincus que la résolution de ces problèmes ne peut être menée que par un Homme courageux et intègre, pétri de patriotisme, un Homme d’honneur qui a un profond respect des autres et de la chose publique, un homme ayant un sens élevé de l’Etat et qui en a l’expérience, un Homme respectueux de nos valeurs traditionnelles. Cet Homme à même de conduire cette mission, pour le bonheur des Maliennes et des Maliens, ne pourrait être autre qu’El Hadj Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), président du Rassemblement pour le Mali(RPM)».
Comptant 9 partis signataires en fin octobre, ce Collectif comprend maintenant plus d’une vingtaine de formations politiques ayant signé son « Appel de Bamako» adressé à IBK. C’est au nom de ce Collectif élargi que le Pr. Mamadou Kassa Traoré a réitéré son appel avant de céder le micro à Maitre Mamadou Aliou Bathily représentant des associations et mouvement de soutien à IBK. Dans son intervention Me Bathily a précisé que la multitude de regroupements qu’il représente est déterminée à appuyer le président du RPM s’il se portait candidat à la présidentielle malienne de cette année.
À cet effet, l’ancien ministre Nankouma Kéita, un haut dirigeant du RPM a fait une récapitulation et une mise en contexte des nombreux appels adressés à IBK dont celui de son parti le Rassemblement pour le Mali(RPM) lancé lors de son 3ème Congrès ordinaire tenu les 23 et 24 juillet 2011 au CICB».
Depuis le congrès de ce mois de juillet, le silence très compact entretenu par IBK, en privé et en public, sur la présentation ou pas de sa candidature avait suscité de nombreuses interprétations et interrogations au sein de son parti et de ses sympathisants. Pour la circonstance, des artistes de très grandes renommées, Toumani Diabaté, Bako Dagnon, Kassémadi Diabaté et Tiéfarinshi, se sont produits. C’est après une brillante intermède musicale de Tiéfarinshi, que le maitre de cérémonie a donné la parole à IBK qui ne pouvait pas prolonger le mutisme sur ce sujet de candidature devant des milliers de personnes pressées de connaitre sa décision. Le Kankélétigi, comme on le surnomme, se déplaçait lentement vers les micros placés sur le pupitre quand la cantatrice Bako Dagnon, d’une voix forte et perçante le louangeait.
Aller doit au but
Habillé en long boubou basin bleu-ciel sans manches au dessus d’un autre bleu-clair moins long avec manches, le « Mandé mansa » arborait le model de couture appelé « IBK ». Portant des lunettes aux yeux et un bonnet mauve sur la tête, IBK se tenait débout, visiblement ému, devant la foule qui l’applaudissait.
Au lieu de faire des tournures de phrases rallongées par des compléments d’objets directs et indirects, IBK est allé droit au but en précisant sa position dans la toute première phrase de son discours :« Mes chers compatriotes, Je vous ai rassemblé aujourd’hui pour vous annoncer avec une grande émotion, celle des veilles de grands combats, que oui, je suis candidat à la Présidence du Mali.»
Le martèlement des derniers mots de sa phrase a occasionné une forte ovation du public.
Un patriotisme solidement tissé
Dans son discours relativement court, une dizaine de minutes, IBK a prononcé 10 fois cette phrase « Oui, je suis candidat » et 25 fois le nom Mali. Il a d’abord fait une brève analyse contextuelle de sa candidature ainsi : « La situation actuelle du Mali appelle des politiques nouvelles. Elle appelle des solutions fortes. Elle appelle un homme d’expérience, qui a un sens élevé de l’Etat, un homme honnête et libre, pour lequel la chose publique est sacrée. Un homme d’Etat capable de moderniser le Mali, de s’adresser à vous tous, Maliennes et Maliens de toutes les générations, de toutes les régions».
Après avoir énuméré les différentes structures et couches socioprofessionnelles selon leurs positions géographiques, IBK a insisté sur le grand sentiment patriotique qui anime et guide ses pensées et actions : « Avec moi, en 2012, le Mali aura un président rassembleur et dévoué à chacun. Le pays pourra compter sur moi, car mon seul mot d’ordre est : le Mali, le Mali, le Mali»
Afin de marquer sa détermination à assurer l’autosuffisance alimentaire à tous les maliens, le Kankélétigi a fait cette promesse à ses compatriotes : « Oui, je suis candidat car je veux faire en sorte que chaque malienne et chaque malien puisse manger à sa fin tous les jours de l’année, où qu’ils soient dans notre pays, et quelles que soient les conditions climatiques.»
Le pilier, l’autorité de l’État
Par le ton et le geste qui accompagnaient ses propos, homme affichait une grande confiance dans sa capacité à solutionner des maux qui perdurent dont l’insécurité venant du nord, la criminalité urbaine, la constante régression de la situation scolaire et la rareté de l’emploi : « Oui, je suis candidat car je veux assurer la sécurité des biens et des personnes, des maliens, comme des étrangers, sur l’ensemble de notre espace national, et lutter contre le terrorisme et toutes formes de criminalité. Oui, je suis candidat car je veux redonner un sens à l’Ecole du Mali, et préparer les générations futures, notre jeunesse, à porter haut nos couleurs dans le concert des nations. Il n’y a pas plus beau combat que celui pour la jeunesse. Jeunes des campagnes, jeunes des villes, jeunes de la diaspora, connectés aux médias sociaux, ouverts au monde, vous êtes notre avenir. Oui, je suis candidat car je veux relever le défi d’un Mali créateur d’emplois, grâce à une politique économique efficace et réaliste. Oui, car nous allons créer en cinq ans quelques centaines de milliers d’emplois dans l’agriculture, les mines, l’industrie, le tourisme.»
Convaincu que l’État, principal garant de la stabilité politique et sociale, doit pouvoir faire respecter les lois par tous les citoyens sans exception, IBK, reconnu rigoureux, s’engage à lutter aussi contre la concussion : « Oui, je suis candidat pour restaurer l’autorité de l’Etat, la justice et la confiance en la politique. Des solutions existent : elles s’appellent lutte contre la corruption et bonne gouvernance…Des combats passés, j’ai beaucoup appris. J’ai changé aussi, comme le Mali. Notre société, notre économie, les contextes local, national,
sous-régional, continental et international ont profondément évolué eux aussi. Aux défis nouveaux, et aux attentes nouvelles, il faut une nouvelle force politique. C’est celle que j’incarne aujourd’hui avec vous. Oui, car c’est tous ensemble, solidaires et unis, que nous allons vers la victoire, celle du Mali, pour que les choses changent enfin.», a-t-il souligné sous les ovations de ses partisans et sympathisants auxquels, il a donné un autre rendez-vous : « Ensemble, avec mon projet pour le Mali, mon énergie, ma détermination, votre participation et votre enthousiasme, nous allons amplifier la formidable dynamique qui nous porte déjà, et faire en sorte que demain nous puissions enfin faire le Mali de nos rêves. C’est tous ensemble, rassemblés, solidaires, que se construira le Mali de demain.
Le Mali rayonnant, le Mali créateur de richesses et de valeurs au service de tous ses fils. C’est le combat auquel je vous convie dès maintenant.
Cher Peuple du Mali, je vous donne rendez-vous le 14 Janvier 2011
pour la convention d’investiture au Stade Modibo Keita.
Vive la République, Vive le Mali ! »
Cette candidature d’IBK, bien annoncée et intentionnée ne sera consolidée que quand le RPM au nom duquel il la présente procédera à son investiture. Seul un tremblement de terre politique empêchera cette investiture de IBK par le RPM.
Ainsi Ibrahim Boubacar Keita a décidé de se lancer dans la longue et difficile course sur la route tortueuse et caillouteuse qui mène au palais présidentiel de Koulouba. Sur cette route, les coureurs seront certes, nombreux mais pas tous prestigieux. IBK qui est un des grands favoris aura-t-il le courage et la stratégie nécessaires d’aller jusqu’au bout ? Le temps nous édifiera.
Lacine Diawara, journal Option