Cela fait plus de 30 ans que le Mali à l’instar d’autres pays africains a accédé à la démocratie et au multipartisme. A cette époque-là, les peuples africains ont senti un nouveau vent de liberté souffler après des années passées sous des régimes, jugés dictatoriaux. La démocratie, cette démocratie importée de l’Europe a été perçue comme un déclic par ces peuples du continent. Mais après quelques années, cette pratique de gouvernance ne tardera pas à montrer ses failles et ses limites à travers le continent noir. Des crises postélectorales avec leur corolaire de guerres géostratégiques des puissances occidentales feront rage. Et de nombreux pouvoirs issus de l’avènement de la démocratie finiront par s’écrouler, tels des châteaux de cartes. Pourtant, certains chefs d’Etat africains à la conférence de la Baule avaient bien prévenu sur l’incompatibilité de cette démocratie importée avec les réalités socio-politiques africaines. L’histoire leur donne-t-elle raison ?
Les actualités ouest-africaines sont dominées par la recrudescence des coups d’Etat. Or, ce qu’il faut noter de cette situation relève du fait que ces dernières années, tous les présidents déchus par coup d’Etat ont été élus démocratiquement par leurs peuples. Et curieusement, presque tous ces coups d’Etat ont parachevé des soulèvements populaires de ces mêmes peuples mécontents de la gestion de leur pays respectif. Alors que la démocratie met le peuple et son intérêt au-dessus de tout. Et ceux ou celles qui sont élus par ce peuple sont considérés comme ses serviteurs. Autrement dit, ils sont au service du peuple. Aussi cette démocratie exige l’égalité de chance entre tous les citoyens et de ce fait, nul ne doit se sentir supérieur à l’autre. Mahatma Gandhi n’a-t-il pas dit que « la démocratie devrait assurer aux plus faibles les mêmes opportunités qu’aux plus forts ».
Nonobstant, le constat laisse apparaître que l’avènement de la démocratie en Afrique n’a favorisé que l’instauration des régimes oligarchiques et corrompus. Elle a aussi favorisé la promotion des piètres personnalités politiques corrompues qui partagent le pouvoir entre elles. En un mot, la démocratie à l’africaine ne favorise que ceux qui gèrent le pouvoir, contrairement à l’européenne qui donne tout le pouvoir au peuple. Après plusieurs années de pratique démocratique dans nos pays, le peuple n’a vu que ses droits les plus élémentaires bafoués. Son droit à l’éducation, à la bonne alimentation, à la santé, à une bonne condition de vie etc.
Que des promesses tenues, mais rien n’a été fait en termes de développement et de progrès pour endiguer les souffrances des peuples, qu’on affirmait être causées par des régimes dictatoriaux. Il n’est pas exagéré de dire que les régimes démocratiques en Afrique n’ont fait qu’empirer les souffrances des peuples.
Et en retour, ces peuples meurtris se servent toujours de l’unique et seul bénéfice de cette démocratie à l’Africaine pour manifester leur mécontentement et leur ras-le-bol contre les régimes en place. Des réactions populaires qui se résultent dans la plupart des cas par l’intervention de l’armée pour faire un coup d’Etat. Cela a été toujours ainsi.
Les derniers coups d’Etat dans la zone CEDEAO servent d’illustration en la matière. Du Mali, en passant par la Guinée jusqu’au Burkina Faso, le constat est toujours le même, la démocratie a échoué en Afrique plus précisément en Afrique de l’Ouest. Que des régressions après plusieurs années d’espoir.
Les Etats africains doivent chercher à comprendre le principe, le concept de la démocratie en l’adoptant avec leurs réalités socio-politiques. Nos Etats ont besoin d’institutions fortes pour faire valoir les principes démocratiques et vertueux dans la gestion du pays. L’Afrique s’est trop inspirée de la démocratie à l’Européenne alors que notre histoire et nos réalités ne sont pas les mêmes. A titre d’exemple, toutes les Constitutions issues des révolutions démocratiques sont calquées à celle de la République française du 4 octobre 1958.
En clair, aucun pays de l’Afrique n’est à l’abri d’un coup d’Etat, si ses dirigeants ne mettent pas l’intérêt du peuple au-dessus de tout. L’échec de la démocratie en Afrique est lié aux comportements des dirigeants qui ne servent que leur propre personne, leur famille ou leur entourage. Le socle de la République sera toujours menacé si la volonté du peuple n’est pas exercée. Il est temps pour l’Afrique d’amorcer son départ. Sans quoi, l’histoire est en train de donner raison à ces anciens présidents de la République, combattus et déchus au nom de l’avènement de la démocratie.
Adama Tounkara
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