La sortie musclée du président Amadou Toumani Touré contre ceux qui « salissent » le Mali doit être comprise pour ce qu’elle est : juste un hors-jeu. Le problème est très simple et n’a pas besoin d’une colère publique pour être réglée.
Le plus grand stratège militaire de l’Histoire, le Chinois Sen Tzu, dans l’Art de la guerre, expliquait ainsi la diversion : L’art, pour un général, de tromper la vigilance de l’ennemi en exposant une cible secondaire, en profiter pour le surprendre et le terrasser. ATT est un militaire, un général, et il est de la crème de l’armée : les parachutistes. Il faut le mentionner sans fioritures : même entre militaires, chacun sait ce que vaut un para. Et, à l’époque où Amadou Toumani Touré entrait dans ce corps, le Mali n’était pas encore devenu ce nid de corruption et de népotisme qui permet à n’importe qui, voire un délinquant multirécidiviste ou un handicapé physique, d’arborer l’uniforme national.
Cette diversion nous permet donc d’entrer dans le vif du sujet : ATT est militaire et connaît par cœur ce qu’est la manœuvre de diversion. Dans l’affaire du vol organisé de l’argent du Fonds mondial, la charge du chef de l’Etat contre l’inspecteur chef Guy Bourassa est le prototype même de la diversion dans sa plus simple expression. Car, en réalité, de quoi s’agit-il ? Les patrons du Fonds mondial de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le Sida ont mis des milliards à la disposition du Mali pour aider les personnes sans ressources. Ce fonds, logé au ministère de la Santé, a été carotté. Purement et simplement. Un rapport d’évaluation donne la note « zéro » quant aux impacts du volet Paludisme sur les populations cibles. Le ministère a « découvert » que 140 millions ont été volés. Le Trésor public a remboursé. Puis, suite à cette dénonciation, une enquête a été ouverte au pool financier du tribunal de la Comme III. Le Fonds a dépêché à Bamako, Guy Bourassa, inspecteur chevronné de la Gendarmerie royale du Canada (la police fédérale) et l’équipe envoyée a identifié des fraudes se chiffrant à des centaines de millions de francs CFA. Elle a surtout découvert un système mafieux bien rôdé que n’importe quel petit fonctionnaire malien connaît et pratique. Jusque là, le Gouvernement a fait le dos rond et laissé Guy Bourassa continuer son travail.
Puis, les enquêteurs ont pris la direction de Koulouba, pour fouiner dans les dossiers du Haut conseil national de lutte contre le Sida, dirigé par Malick Sène et placé sous la tutelle de la présidence. Au lieu de simplement répondre aux questions, de fournir les documents demandés et de produire des états financiers sincères sur demande et tel que le stipule un article de la Convention signée, les gestionnaires de cette boîte ont monté une combine pour rapporter à ATT des propos que Guy Bourassa aurait tenus, du genre « tous les Maliens sont des voleurs » ou « le vol est généralisé au Mali ». Alors, on prend prétexte de cette affirmation pour monter une riposte dans le style nationalisme ombrageux. Cela ne saurait prospérer. C’est une pure diversion.
Ne soyons pas hors-sujet. La question est toute simple : Ya-t-il eu vol systématique ? Qui sont les voleurs ? Quelles sont les sanctions qui leur seront infligées. C’est aussi simple que cela. Mais, quand on ne peut rien contre le message, on s’acharne sur le messager en détournant le débat. Si Guy Bourassa a réellement tenu ces propos, il doit s’expliquer et donner des preuves. Et, il faut savoir que Guy Bourassa est un Canadien. Il est issu d’une culture du mérite et de la transparence. Guy Bourassa vient d’un pays dans lequel on s’enrichit par le travail et le sérieux. Guy Bourassa est citoyen d’un pays où l’on arrête et punit les voleurs, les délinquants et les criminels. Guy Bourassa n’a jamais vu son chef de l’Etat assis en public en compagnie d’un ministre qui dirige un département dans lequel le vol, la magouille, la prévarication servent de modèles de gestion. Guy Bourassa vient d’une culture où le rapport du Vérificateur général fait tomber un Gouvernement, où un petit juge d’un tribunal de seconde zone ne peut se permettre d’embastiller un Végal. Guy Bourassa vient d’un pays crédible qui a bâti sa prospérité et sa réputation sur le sens de l’honneur, du bien commun et de la justice sociale. Il est étranger à une certaine culture qu’il a découverte ici, au Mali. Et Guy Bourassa ne peut se taire quand il voit que les milliards de Cfa que son pays déverse sur le Mali sont gérés par cette meute de prédateurs financiers impunis. Lui, il sait que les impôts et les taxes de ses concitoyens ne doivent pas servir à nourrir des sangsues et des vampires, des démons qui iront chercher de l’argent dans les poches de Satan s’il le faut.
Au lieu d’une sortie musclée contre l’inspecteur chef Guy Bourassa, c’est Oumar Ibrahim Touré qu’ATT devait sortir du Gouvernement, par la fenêtre s’il le faut. S’acharner sur Guy Bourassa ne sert à rien. Il ne salit pas le Mali. La corruption, la prévarication, le laxisme et l’impunité suffisent à salir ce Mali. Et c’est ce qui est triste. Il y a des rois qui ont empalé des messagers venus leur dire que leur armée était battue. Ces meurtres n’ont pas transformée des armées vaincues en vainqueurs. On pourrait interdire de séjour Guy Bourassa au Mali, le vilipender, le terroriser. Cela ne changera rien à la simple vérité : l’argent a été volé et les voleurs se la coulent douce. Et c’est cela qui détruira l’image du Mali. Point !
OPTION
P.S. Un communiqué a finalement annoncé le renvoi d’Oumar Ibrahim Touré du ministère de la Santé. C’est un bon début de solution.