Dans le contexte actuel de confusion politique, beaucoup pensent que Dr. Oumar Mariko incarnerait mieux le rôle de chef de l’opposition sur l’échiquier politique national. Mais, au-delà, les prochaines reformes institutionnelles doivent conférer au chef de l’opposition un statut particulier, mais aussi protéger solidement la carrière des cadres, quelle que soit leur appartenance politique.
En Grande Bretagne, on n’imagine difficilement un Parlement sans le back bench avec déjà en place son gouvernement fantôme, de même qu’on ne comprendrait pas un Congrès américain sans l’opposition démocrate ou républicaine. Sous ces latitudes, ce sont là les fondamentaux de la démocratie, c’est-à-dire une majorité qui met en ouvre son programme de gouvernement face à une opposition critique à l’égard de ce programme et qui, à travers un gouvernement fantôme, défend publiquement une proposition alternative.
Il en va autrement au Mali où, face à un président de
la République, Amadou Toumani Touré en l’occurrence qui se flatte de n’appartenir à aucun parti politique, qui réussit malgré tout le tour de force de se faire courtiser par la centaine de partis de l’échiquier politique national. A ce schéma ou plutôt ce drame s’oppose un homme, l’iconoclaste Omar Mariko du SADI (Solidarité Africaine pour le Développement et l’Intégration). A quelques encablures des élections présidentielles et législatives, ce jeune loup qui refuse la soupe et qui est longtemps connu pour être un homme de refus, a plutôt l’allure d’un héros. L’homme, qui a constaté il y a deux semaines la dissolution du Groupe Parlementaire PARENA-SADI après que le parti du bélier ait rejoint l’équipe de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, s’est depuis installé de bon droit dans son fauteuil de leader de l’opposition malienne.
Situation politique on ne peut plus bizarre, en effet, que celle de notre pays où, sur plus d’une centaine de partis politiques, tous ou presque ont décidé de soutenir l’action du Président Amadou Toumani Touré et, ce, à seulement douze mois des élections générales de 2012. Il y a forcément maldonne quelque part et notre démocratie, quoiqu’on dise, fait pâle figure de ce point de vue à coté de celles de certains pays où l’opposition est magnifiée et intégrée (c’est le cas en Occident et dans certains pays africains comme le Burkina Faso) dans l’architecture des institutions de la République. Si ce n’est pas là une crise des institutions, c’est tout au moins une faille majeure qui, si elle n’est pas corrigée, fait de notre système démocratique une pâle copie des institutions démocratiques européennes.
Au-delà des turpitudes et comportements parfois étonnants des hommes politiques, il y a, en Afrique en général et au Mali en particulier, un malaise, voire un choix parfois suicidaire à faire chaque fois qu’un parti politique se trouve en termes de représentativité au premier rang de l’opposition politique. Incarner l’opposition en terme d’alternative politique crédible face à l’électorat, c’est courir le risque d’un bannissement politique personnel pour le leader concerné mais c’est aussi courir le risque d’exclusion, d’ostracisme, voire d’exclusion pure et simple des cadres de son Parti de l’administration publique avec, au bout du compte, une mort politique certaine. En tout les cas, que l’on soit du public ou du privé, les majorités africaines aux traditions bonapartistes ont cette fâcheuse recette séculaire qui consiste à couper les vivres à tout adversaire pour mieux le soumettre. Malgré le discours ronflant et démagogique, c’est ce qu’a utilisé Alpha Oumar Konaré, l’ancien président de
la République, contre tous ceux qui ont incarné l’opposition à son régime : Mountanga Tall, feu Mamadou Lamine Traoré, Ibrahim Boubacar Keita… affamant tout le monde jusqu’à ce que personne ne puisse politiquement exister par lui-même. Curieusement, malgré sa voix doucereuse, câline à la limite, ATT n’a pas trouvé mieux que de recourir à la même méthode contre les mêmes victimes : Tall, IBK… Tous ces chefs de partis ont trop longtemps broyé du noir et ont des cadres qui n’ont pas eu d’affectations administratives depuis plus de dix ans pour certains. En Afrique, le pouvoir met dans une position de rente financière et l’opposition l’exact contraire, la traversée du désert comme on dit, mais un désert infini qui, très souvent, consiste pour le pouvoir en place à briser des carrières politiques. C’est là une lacune majeure que devra prendre en compte les prochaines reformes institutionnelles qui devraient consister, entre autres, à conférer au chef de l’opposition un statut particulier mais aussi protéger solidement les cadres dont le déploiement obligatoire doit correspondre à leurs qualifications.
La démocratie n’est pas sous-tendue par autre chose que le sens de la justice de l’équilibre et de l’éthique et ceci devrait être respecté dans tous les domaines de la vie publique. C’est la seule façon de montrer que l’opposition politique n’est pas un travers politique, mais une dimension incontournable de la démocratie. L’exemple du Burkina Faso voisin est encourageant, car le statut de l’opposition transcende la représentation parlementaire, pour être érigé en institution de
la République. Un rôle que le bouillant Oumar Mariko réclame et que beaucoup pensent qu’il incarnerait mieux dans le contexte de confusion actuelle sur l’échiquier politique malien.
Assif Tabalaba