Intervenant à huis clos devant ses pairs, les représentants de l’UA, de l’UE, de l’ONU, des pays du champ (Mauritanie et Algérie) et du Premier marocain, le président intérimaire Dioncounda Traoré s’est voulu rassurant sur le respect du calendrier électoral au terme duquel les élections générales au Mali se tiendront avant le 31 juillet prochain. Il a évoqué d’autres sujets importants comme la situation militaire sur le terrain, la mise en place d’une Commission Nationale pour le Dialogue et la Réconciliation, l’amorce de la reprise de la coopération internationale avec le Mali, les accusations d’exactions portées contre l’armée malienne, la transformation de la MISMA en mission de paix onusienne.
Le président Dioncounda Traoré n’est pas intervenu en plénière lors de la 42ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, qui s’est tenue les 27 et 28 février derniers à Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Toutefois, au cours d’un huis clos nocturne qui s’est prolongé jusqu’à deux heures du matin, il a eu la latitude de présenter un état des lieux du Mali et de donner son point de vue sur certains sujets d’actualité se rapportant à la situation qui y prévaut. Son exposé s’est articulé autour de sept points.
Le président Traoré a commencé, comme cela se doit, ” par saluer l’accompagnement décisif et bienveillant “ de la CEDEAO, de l’UA, de l’ONU et de l’UE “avant et pendant la crise” qui a affecté son pays. Il a tenu à remercier nommément les présidents Yayi Boni du Bénin (qui présidait également l’UA) Blaise Compaoré du Burkina Faso (également Médiateur pour la CEDEAO) Macky Sall (Sénégal) Faure Gnassingbé (Togo) Jonathan Goodluck (Nigéria et co-médiateur pour la CEDEAO) Alpha Condé (Guinée) John MahamaT (Ghana) Mahamadou Issoufou (Niger). Tous ces chefs d’Etat ayant en commun d’avoir envoyé des troupes “se battre et mourir sur le sol malien”.
Le président Idriss Déby Itno du Tchad a eu droit à un hommage appuyé pour “l’engagement massif et qualitatif de la vaillante armée tchadienne au nord du Mali”. Dioncounda a déploré “les 26 valeureux fils du Tchad qui ont fait don de leur vie pour la paix, la liberté et la dignité de l’homme” et s’est incliné “pieusement” sur leur mémoire.
Le salut par François Hollande
La France a reçu un égal hommage. Sa présence “structurante” à Bamako, Mopti, Gao, Tombouctou, Kidal et plus au nord dans l’Adrar des Ifoghas, a été décrite comme ” l’illustration la plus éloquente de la fraternité, de la solidarité entre les hommes et de la fidélité du pays de la révolution de 1789 aux valeurs de liberté, de fraternité et de dignité de l’homme “.
Le président français a été personnellement cité : “Sans François Hollande et sans l’armée française, la face du Mali et peut être celle de bien des Etats de notre sous-région eussent été bien différentes à l’heure où je vous parle “.
En second lieu, le président Traoré a évoqué la situation telle qu’elle se présente sur le plan militaire. Toutes les grandes villes du nord sont sous contrôle des forces alliées et de l’Etat malien : Konnan, Douentza, Diabali, Gao, Bourem, Tombouctou et d’autres. La traque des terroristes se poursuit dans l’Adrar des Ifoghas. Ceux-ci en sont réduits à “une guerre asymétrique” caractérisée par le harcèlement des troupes, les attentats suicides et aux véhicules piégés. “Les terroristes d’AQMI, du MUJAO, d’Ançar dine, du MNLA et leurs alliés cherchent à créer la psychose chez les populations… C’est pourquoi nous devons rester particulièrement vigilants car l’ennemi conserve encore une forte capacité de nuisance”.
Le retour progressif de l’administration, le rapatriement de 300 000 de nos compatriotes refugiés dans les pays voisins et le processus du dialogue inter-malien qui va s’enclencher “dans moins d’une semaine” avec la mise en place d’une Commission Nationale pour le Dialogue et la Réconciliation ont été aussi évoqués par Dioncounda Traoré.
Les élections générales ont constitué le troisième point de son intervention. Le président intérimaire a réaffirmé que leur tenue avant le 31 juillet 2013 “est un véritable challenge que nous nous efforcerons de gagner”.
Les actes initiés à ce jour portent sur la production d’un fichier crédible avec à la clé l’élaboration d’une carte assortie d’un identifiant unique. Tirée des données du RAVEC, elle devrait permettre de “réduire les risques de fraude”.
La MISMA transformée en force de l’ONU
Le budget prévisionnel de ces élections est de 60 milliards de FCFA et Dioncounda Traoré a saisi l’opportunité du sommet pour lancer un appel à la communauté internationale pour la mobilisation de cette somme. Rappelant que la tenue de ces scrutins (présidentiel et législatif) est une recommandation de la résolution 2085 du 20 décembre 2012 de l’ONU et qu’elle sera “le meilleur test de notre capacité et de notre volonté de tourner la page de la plus grave crise institutionnelle et sécuritaire que notre pays ait jamais connue “.
En quatrième position, le président a évoqué “l’assistance des pays amis et des partenaires techniques et financiers” indispensable pour la mise en œuvre des différents défis qui se posent au Mali en matière de sécurité, de restauration de la démocratie et de relance des activités socio-économiques. Il s’est réjoui à, cet égard, des résultats de la Conférence des donateurs sur le Mali du 29 janvier 2013 à Addis Abéba, de la décision de l’UE, du FMI, de la Banque mondiale et de nombreux autres partenaires de reprendre leur coopération avec le Mali “dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, la reconstruction post-conflit, la relance de la croissance et le développement “.
La transformation de la MISMA en une force de paix onusienne a constitué le cinquième point du discours du président intérimaire. Il a relevé que ” cette mission ne demeurera pertinente que porteuse du mandat le plus approprié pour protéger l’intégrité de notre pays, ramener la paix et la sécurité dans les régions en cours de libération, dans l’espace CEDEAO, en Afrique et dans le monde “. Aussi a – t-il affirmé : ” Nous sommes fortement favorables à la transformation du mandat de la MISMA, dès que les territoires seront libérés, afin de faire de la MISMA une force de maintien de la paix des Nations Unies “.
Politique commune de défense
Sixième point traité par le Pr Dioncounda Traoré : les accusations d’exactions dont l’armée malienne est accablée, ces dernières semaines, par des organisations de défense de droits de l’homme. Voici ce qu’il en a dit : “ Notre gouvernement n’acceptera pas, pour l’honneur de la République et de l’armée, que quiconque soit victime d’exaction ou de justice expéditive. Nous veillerons à ce que toute personne, militaire ou civile, qui se rendra coupable d’exactions, réponde de ses actes devant les juridictions compétentes maliennes ou internationales”.
Il s’est, toutefois, élevé contre “certaines informations diffusées avec insistance et énoncées toujours au conditionnel, la volonté de désinformer et de jeter l’huile sur le feu” revendiquant son devoir de ” réclamer le sens de la mesure, le sens de la justice “.
Et, pour finir sur ce point: “Le Mali n’a accusé personne. Que personne ne nous accuse à tort ! Qu’on ne lui jette pas la pierre quand ce sont des excuses qu’il mérite”.
Enfin, le septième et dernier sujet abordé par Dioncounda Traoré est une invite à la CEDEAO pour tirer les leçons de la crise au Mali. Celle-ci ” nous rappelle brutalement l’impérieuse nécessité de disposer de forces sous-régionales en attente et immédiatement opérationnelles et l’urgence de mettre en place ce dispositif crucial pour notre architecture sous-régionale voire continentale de paix et de sécurité “.
Une préoccupation partagée par le président en exercice de la CEDEAO, Alassane Ouattara qui, dans son intervention à l’ouverture de la session, a souligné que ” le conflit au Mali nous enseigne l’urgence de bâtir une politique commune de défense fondée sur la mutualisation de nos ressources et sur l’exacte appréciation de l’évolution et de la mutation des menaces auxquelles nos Etats sont confrontés “.
C’est à ce prix, avait-il précisé, que ” se poursuivra la construction de notre Union et que nos peuples vivront dans la paix “.
Saouti Labass HAIDARA
Communiqué final du sommet sur la situation politique et sécuritaire au Mali
24. La Conférence condamne fermement les attaques suicides et de guérilla en cours menées par les groupes terroristes et extrémistes dans le Nord du Mali et exhorte les forces alliées à prendre les mesures nécessaires, dans le cadre de la contre-offensive, afin de les neutraliser et d’engager des poursuites contre leurs complices.
25. La Conférence exprime sa profonde gratitude au Gouvernement Français pour son action décisive. La Conférence exprime également sa profonde gratitude au Gouvernement et au peuple tchadien pour le témoignage exemplaire de solidarité dont ils font preuve à l’égard du Mali et pour leur attachement aux idéaux de l’Union Africaine. La Conférence rend un hommage spécial aux vaillants héros de cette grande Nation, qui ont payé de leur vie en aidant le Mali dans la reconquête de son intégrité territoriale.
26. La Conférence endosse le Concept révisé des Opérations (CONOPS) de la MISMA et engage les dirigeants politiques et les Commandants des Forces alliées à veiller à l’amélioration de la coordination de leurs activités afin de favoriser l’exécution harmonieuse et efficace des opérations.
27. La Conférence entérine les recommandations du Comité des Chefs d’Etat-Major de la CEDEAO portant sur les besoins urgents de la MISMA. A cet égard, la Conférence instruit la Commission de la CEDEAO, en étroite collaboration avec la Commission de l’Union Africaine, de veiller à ce que ces besoins immédiats soient satisfaits sans délai, notamment en ce qui concerne le déploiement des troupes et la fourniture de logistiques additionnelles.
28. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement saluent la disponibilité de la République du Burundi de déployer des troupes dans le cadre de la MISMA et invitent le Commandant de la Force à en assurer le suivi en vue de les intégrer dans les opérations en cours.
29. La Conférence se félicite de la coopération constante de l’Algérie, de la Mauritanie et du Maroc pour la résolution de la crise au Mali.
30. La Conférence exhorte les forces alliées à veiller au respect scrupuleux des droits humains et du droit international humanitaire dans le cadre de leurs opérations. Elle se félicite des initiatives actuellement engagées par la CEDEAO, l’Union Africaine et les autres partenaires, pour le déploiement rapide d’observateurs des droits de l’homme sur la zone de conflit et l’inculcation, à travers des sessions d’orientation, des valeurs relatives aux droits de l’homme au personnel de la Mission.
31. Le Sommet réitère son appel aux agences humanitaires internationales afin qu’elles continuent à apporter assistance aux populations affectées. Il instruit la Commission de la CEDEAO, en collaboration avec les partenaires humanitaires, à assurer le suivi et la coordination des efforts de secours afin d’en garantir l’efficacité.
32. La Conférence instruit la Commission de la CEDEAO, en étroite collaboration avec la Commission de l’UA, d’adresser une requête aux Nations Unies à l’effet de soutenir la requête formelle du Mali portant sur la transformation de la MISMA en une opération de maintien de la paix des Nations Unies avec un mandat approprié, dès que les conditions le permettront.
33. La Conférence réitère son soutien ferme à la transition en cours et aux autorités de la transition dirigée par le Président Dioncounda Traoré et exprime sa détermination à défendre la transition contre tout fauteur de troubles, civils ou militaires.
34. Le Sommet salue l’adoption de la feuille de route de transition par l’Assemblée Nationale et exhorte les autorités maliennes et toutes les parties prenantes à diligenter sa mise en œuvre.
35. Prenant note de la décision des autorités maliennes de tenir les élections présidentielles et législatives au plus tard le 31 juillet 2013, les Chefs d’Etat et de Gouvernement décident de proroger le mandat des organes de transition jusqu’à la fin de la transition et ce, conformément à l’avis de la Cour constitutionnelle. A cette fin, ils exhortent les autorités maliennes compétentes à engager le processus constitutionnel nécessaire.
36. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement exhortent les autorités de la transition à créer les conditions nécessaires pour la tenue d’un forum de dialogue sur les questions de gouvernance entre les populations des régions du Nord en impliquant notamment, les représentants des différentes communautés, les élus et les organisations de la société civile. Dans ce contexte, ils exhortent également les autorités de la transition à accélérer le processus de la mise en place de la Commission Nationale de Réconciliation et de Dialogue en vue de promouvoir et ce, à travers la plus grande représentativité possible, la réconciliation nationale et la restauration d’une paix durable.
37. La Conférence rappelle son attachement à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali qui exige en particulier le déploiement de l’armée nationale sur l’ensemble du pays. A cet égard, la Conférence demande le désarmement de tous les groupes armés, notamment le MNLA. Elle précise davantage que la renonciation du MNLA à la violence et de son projet sécessionniste est une condition minimale à remplir avant son acceptation dans tout processus de dialogue.
38. La Conférence exprime ses sincères remerciements à S.E.M Blaise Compaoré,Président du Burkina Faso et Médiateur de la CEDEAO pour le Mali ainsi qu’à S.E.M. Goodluck Ebele Jonathan, Président de la République Fédérale du Nigeria et Médiateur associé, pour les efforts inlassables qu’ils déploient au Mali. Elle les encourage à persévérer dans leur rôle en facilitant l’accomplissement des tâches inscrites dans la feuille de route de la transition.
Des élections d’ici fin juillet?
J’y crois guère,autant nommer un président que d’organiser un simulacre d’élection à coup de 60 milliards où l’heureux élu est connu à l’avance.
Ne retombons pas dans nos travers d’antan qui nous coûtent et nous coûteront pour des décennies et des décennies.
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