Le pouvoir a ceci de mystérieux que plus on est entouré plus on est esseulé. Le Général ATT, l’ami du peuple, l’ami de l’essentiel des partis maliens, l’ami de la communauté internationale et finalement de tout le monde, n’échappe pas à cette règle comme il nous a été donné de le constater lors de la cérémonie de remise des prix aux « 134 meilleurs élèves du Mali » à Koulouba où son plus que homme de confiance, le professeur Mohamed Lamine Traoré, l’a qualifié d’homme capital du Mali c’est-à-dire d’homme fondamental, d’un intérêt primordial, d’homme majeur et d’homme essentiel de la République. De prime abord l’attitude du professeur arrange plutôt le Président Touré qui semble en avoir tiré une certaine fierté. Normal ! N’est pas traité d’homme capital de la République par le professeur qui veut. Et, honnêtement, le Président Touré a toutes les raisons d’être fier. Le professeur Mohamed Lamine Traoré, une sommité, n’a pas le compliment facile.
Mais à regarder les choses de très près, le professeur ne rend pas service à son plus que ami. Car en traitant le Président de capital, d’essentiel, de primordial au détriment du peuple qu’il qualifie par ricochet de secondaire, d’accessoire, il contribue à cultiver le culte de la personnalité, l’idolâtrie du chef suprême, caractéristique notamment du régime stalinien. Or une telle culture ne peut que conduire à la perte du régime du « parti de la demande sociale » et son chef, le sollicité social. Que Dieu nous en garde ! Mais aide-toi le ciel t’aidera.
Comment un combattant de la liberté comme le professeur Mohamed Lamine Traoré peut soutenir de tels propos en régime démocratique ? De deux choses l’une.
Soit il a rallié la cause de son Excellence ATT, rencontré au feu de l’action, par purs calculs politiciens. Aussi, convaincu de l’ascendant qu’il exerce sur le Président, veut-il pousser celui-ci à se croire supérieur à son peuple et donc à commettre des exactions. Car le plus sûr moyen pour un chef de commettre des exactions est de se croire supérieur au peuple à qui il doit sa place. Aujourd’hui, il parle d’homme capital de la République, demain, il parlera de démiurge avec tout ce que cela peut avoir comme conséquence.
Soit il a rallié le camp du général par conviction, ce qui est peu probable eu égard à son parcours de combattant de la liberté dans la clandestinité et au sein du mouvement démocratique de la fin des années 80 au début des années 90. Aussi, veut-il servir d’idéologue au Président qui, bénéficiant ainsi de caution intellectuelle, et non des moindres pour qui connaît le parcours intellectuel de l’homme, instituera sans trop de peine un régime à la Staline où l’idolâtrie du chef suprême est de rigueur. Dans un tel régime, l’idéologue fera certainement partir de la nomenklatura avec tout ce que cela peut lui apporter comme avantages spéciaux pour lesquels le professeur éprouve de plus en plus un faible. Et si les deux amis de la République érigeaient ensemble un tel régime, les contradictions finiront par avoir raison de leur amitié voire de la vie de l’un deux, le sauve-qui-peut étant de rigueur dans ce genre de régime à la première suspicion.
Dans tous les cas, le Professeur Mohamed Lamine Traoré- comme du reste bien d’autres collaborateurs du Président Touré- est au service de ses ambitions inavouées et non au service du peuple, son mandant qu’il a le courage de qualifier de secondaire, d’accessoire ou d’annexe. Il ne peut être qu’encombrant pour le Président Touré et a donc sa place ailleurs qu’au Gouvernement ou ailleurs que dans le staff présidentiel.
Le Président Touré aura-t-il le courage politique et historique de débarquer le professeur Mohamed Lamine Traoré qui de toutes façons a déjà montré ses limites quant à la gestion de l’éducation nationale, même s’il a eu le mérite de nommer quelques cadres dignes de ce nom à certains postes de l’éducation ?
Hawa DIALLO