Le PDES : Une imposture

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Le 17 juillet, les « amis » du président Amadou Toumani Touré ont créé le Parti pour le Développement Economique et la Solidarité (PDES) reprenant le projet de même sigle du chef de l’Etat. A l’évidence, les « héritiers » ont un autre agenda que celui du général. Et il incombe aux forces politiques et sociales du Mali de s’atteler à détruire cette imposture dangereuse pour l’avenir de la nation.

 

Il s’est passé, le 17 juillet dernier au Palais des congrès de Bamako, un événement périlleux pour l’avenir de la nation malienne. En effet, ce n’est pas la création du PDES qui doit sonner l’alerte, mais la manière dont les choses se sont passées et ce qui s’est passé. Nous avons assisté à une prise en otage pure simple de l’Etat et de ses moyens matériels et humains. Nous avons vu une mise sous tutelle de l’administration par un groupuscule. Et en observant le fil des événements, il devient évident que ces nouveaux politiciens ont une idée claire : soit forcer ATT à tripatouiller la Constitution pour se maintenir ou le contraindre à leur laisser la main, dans tous les cas pour sauver leurs intérêts et privilèges après le 08 juin 2012. Comment en est-on arrivé là ?

 

Dans un premier temps, pour accompagner le candidat indépendant Amadou Toumani Touré, le Mouvement citoyen est né. Et ATT a toujours dit, répété et maintenu que la politique politicienne n’était pas de ses amours et qu’il souhaitait gouverner par consensus, en restant à équidistance des formations politiques dont la véritable raison d’être est l’animation du débat national et la conquête du pouvoir. Depuis, tous ceux qui ont cherché l’imprimatur de Koulouba pour se lancer dans l’arène ont essuyé un refus catégorique. Ousmane Ben Fana Traoré et Djibril Tangara ont goûté à cette amère médecine.

 

A deux ans de la fin du deuxième et dernier mandat d’ATT, les animateurs du Mouvement citoyen ont cru bon de s’inventer une arche de Noé, afin d’échapper à la noyade post 08 juin 2012. C’est leur droit le plus légitime de se chercher des abris afin d’échapper aux dures réalités de la vie quotidienne en dehors des cimes de l’Etat pourvoyeur et généreux. Cependant, ce qui s’est passé le 17 juillet est ce qui se trouve le plus inégalant et le plus révoltant de tous les scénarios. Nous avons assisté à une mystification pure et simple. Une pseudo agape d’amis qui en réalité sont des rivaux, des ennemis intimes aux intérêts divergents et aux intentions cachées.

 

Pourquoi ? D’abord, il n’est pas normal, dans un Etat organisé, respectueux des lois et règlements, que l’on mette les moyens de la puissance publique à la disposition d’un groupuscule partisan. Il y a eu ces fameux cars estampillés propriétés du ministère de la Justice, en train de faire le tour de Bamako pour « ramasser » des congressistes et les convoyer sur place. Inadmissible ! Qui a payé le carburant, les per diem  des chauffeurs et les frais liés à l’usure des véhicules ? Des cars d’autres ministères ont été vus. Les ministres et hauts fonctionnaires (en majorité) présents à la manifestation partisane sont arrivés dans leur véhicule de fonction, avec chauffeur et garde du corps payés par les fonds publics. C’est carrément indécent et inacceptable.

 

Ensuite, il y la présence, au cœur même du Bureau de PDES, d’individus épinglés soit par le Vérificateur général, soit par la CASCA pour leur mauvaise gestion, des dépenses irrégulières ou suspectes ou des détournements. La justice ne n’est pas encore prononcée –si elle décide même de le faire un jour- mais ces gens ont des comptes à rendre avant de prétendre diriger le pays. Ahmed Diané Séméga, le président du parti et Jeamille Bittar son premier vice-président, le directeur de l’hôpital Gabriel Touré, trois autres ministres sont tous des clients assidus des structures de contrôle, dans l’impunité la plus totale. En outre, le Secrétaire national chargé de l’Education qui est aussi chargé de mission au ministère de la Défense (ça ne s’invente pas), un certain Nouhoum  Togo, est un incendiaire, chef de file de ceux qui ont mis le feu aux locaux de Jamana et à des domiciles privés en avril 93. Et pour couronner ces aberrations, le chef des poursuites et du parquet, celui qui doit coordonner la lutte contre la délinquance financière et la criminalité, le ministre de la Justice, Maharafa Traoré, est Secrétaire général du PDES. Quelle est la marge de manœuvre du Garde des sceaux  à partir du moment où il s’acoquine de manière si outrancière à des individus à la probité douteuse ? C’est un ministre ligoté, sourd et muet qui dirigera désormais la justice. Quand on pense que ce ministre, pour la seule action d’envergure qui lui a été confiée, est le bricoleur en chef de la nouvelle mouture du Code de la famille qui a failli mettre le feu au pays, on devine aisément sa marge de manœuvre et de crédibilité.

 

Il est tout simplement malsain et indécent de voir un parti politique profiter avec autant de désinvolture et d’insolence des moyens humains, matériels et financiers de la collectivité. Ce PDES est une sangsue collée aux cœurs et aux âmes des Maliens, il vit et vivra de leur sang. Il est infâme et indigne d’observer sans réagir, une formation politique improvisée vouloir profiter des leviers de l’Etat pour phagocyter la nation et en faire une propriété privée. Car, à l’évidence, le but ultime du PDES est de créer une dynastie du pouvoir et de l’argent facile pour ensuite la perpétuer.

 

Qui est blâmable ? Il est aujourd’hui bon de rire sous cape en discutant avec les leaders politiques de ce pays. Ils sont les seuls coupables, responsables et complices de cette chienlit. Ils sont en train de voir renaître, avec arrogance, une autre forme d’UDPM, un parti-Etat tentaculaire qui fait obligation à tous les cadres et responsables de l’administration de se soumettre au risque d’être démis en cas de refus. Le bureau politique de 127 membres rappelle tristement la fameuse méthode de cooptation du denier parti unique qui a ruiné le Mali, anéanti son honneur et sa dignité. Les chefs de partis ont démissionné de leur fonction depuis 2002. Ils ont accepté, aveuglement, de suivre le train du consensus et se sont abstenus de toute critique. Tranquillement, ils ont rompu les liens militants à la base, obligeant les membres et sympathisants au silence et à l’inactivité. Aujourd’hui, ils font face à une association de hauts fonctionnaires et commerçants milliardaires déterminés à conserver le pouvoir au-delà de 2012 et à tous les prix. On se souvient, avec douleur, l’aveu cinglant du président de l’ADEMA, Dioncounda Traoré qui expliquait son obéissance et sa soumission : Si nous ne prêtons pas allégeance à ATT, nous aurons la justice et la sécurité d’Etat dans le dos.

 

En 2007, Dioncounda Traoré et ses amis, de peur d’entendre le bruit de leurs casseroles et autres gamelles ont créé l’ADP, se muant en chantres du consensus et en obligés d’ATT. Ils ont parcouru le Mali, non pas pour porter le message de leur parti mais pour reprendre les slogans de campagne du candidat-président. Comment alors s’étonner de voir ceux qui, au cœur du système ATT et ayant la même peur de la justice et de la sécurité d’Etat, embarquent dans une arche pour mieux éviter le prochain déluge ?

 

Il est également utile de rappeler que la société civile est aussi responsable de la débâcle qui a conduit à la gestation et à la naissance de cette monstruosité anti-démocratique. Elle a accepté de se taire, de cautionner par son silence les abus et dérives, la mauvaise gestion, la corruption et le laxisme. Plusieurs des membres de cette société se sont retrouvés militants du Mouvement citoyen ou porte-paroles officieux mais zélés d’un système qui a pour fondements le copinage et la tolérance excessive. La société civile du Mali, abonnée absente de tous les débats nationaux est capable de forfaiture et de capitulation. Les rares voix qui ont osé sonner l’alerte ont été marginalisées ou étouffées et le Mali se dirige droit vers le mur.

 

Il faut tuer le PDES parce que le Mali n’a pas les moyens de se payer une administration partisane. Un fin analyste de la scène politique malienne a vu juste en campant le scénario catastrophe que ce monstre pourrait générer : « Imaginez seulement, le Mali de 2012, avec le PDES qui contrôle l’administration, fait la guerre aux partis légitimes qui se combattent entre eux, un Septentrion qui s’embrase et un déficit pluviométrique pour couronner le tout ! Ce sera une tragédie pour le Mali et ses populations et nous ne méritons pas ça. Dans aucun pays sérieux du monde, des ministres en exercice, des hauts responsables et des commerçants enrichis par le système des exonérations et des marchés truqués ne peuvent s’emparer des commandes de l’Etat sans qu’une explosion sociale suive. Epargnons cela au Mali. »

 

Il faut tuer le PDES parce que faire de la politique et aspirer à diriger une nation suppose une certaine éthique, un sens du devoir et du service à la patrie. Le Mali n’est pas un gruyère livré au picotage de tous. Si les hommes et femmes politiques laissent croître cette absurdité, ils seront responsables devant la nation et l’histoire de la déliquescence du pays. La révolution de mars 1991 a eu lieu pour que jamais plus, le Mali ne devienne la propriété privée d’un clan, d’un groupe ou d’une coterie.

 

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