Le Pdes sur l’échiquier politique : Plus une coquille vide qu'une vraie force de conquête

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Annoncé depuis des années, le parti présidentiel a enfin vu le jour le 17 juillet 2010 avec la bénédiction du président Amadou Toumani Touré. Créée à deux ans de la fin du mandat d’ATT, que vaut cette formation sur l’échiquier politique national ? Notre analyste tente de répondre.

Il a enfin réalisé son rêve. Pas par son courage, mais parce qu’il a eu maintenant la bénédiction "paternelle" pour descendre officiellement dans l’arène politique. Il s’agit bien sûr du plus fidèle des courtisans du président Amadou Toumani Touré : Ahmed Diane Séméga ! Le trop ambitieux ministre de l’Equipement et des Transports dirige désormais le Parti pour le développement économique et la solidarité (Pdes) porté sur les fonts baptismaux le samedi 17 juillet 2010.

Comme on le constate, les fidèles d’ATT n’ont pas eu besoin d’un long exercice des méninges pour trouver le nom de leur parti. En effet, il ne pouvait trouver meilleure référence que le Programme de développement économique et social de leur mentor. Fédération des associations de soutien à ATT, le Mouvement citoyen vient sans doute d’achever sa mue politique avant sa disparition définitive en juin 2012. Pourtant, il n’y pas longtemps, ceux qui osaient évoquer une mutation politique étaient systématiquement exclus et acculés sur tous les plans. N’est-ce pas Djibril Tangara ? Visiblement, le vent a enfin tourné dans le sens tant attendu par Séméga.  Le Pdes est-il une menace pour les autres partis, surtout ceux de la mouvance présidentielle ? Dans un paysage qui compte près de 120 chapelles, la création d’un parti ne doit pas fondamentalement changer la donne. Toutefois, les fondateurs du Pdes n’ont pas l’ambition d’en faire un parti de plus. Leur formation politique a été créée afin de perpétuer l’œuvre du président Amadou Toumani Touré. Ce qui suppose une volonté de conquête politique. Et pour certains analystes, les grands partis (Adema, Rpm, Urd, Cnid…) ont tout à craindre de cet adversaire qui vient les défier sur le terrain politique en s’adossant sur l’héritage d’un homme charismatique qui, ces dernières années, porte avec habilité les habits de "grand bâtisseur".

Survivre aux rivalités claniques

Et comme autre atout, le Pdes revendique 16 députés, 26 maires et 700 conseillers débauchés ici et là parmi des élus sans grande conviction politique. Mais, à notre avis, ce parti ne pèsera pas lourd face à des mastodontes comme l’Adema, le Rpm et l’Urd. La formation d’un bureau de 128 membres (23 vice-présidents) est sans doute la preuve d’une profonde division au sein de la nouvelle chapelle. La formation de ce bureau n’a pas dû être chose aisée pour qui connaît l’appétit vorace des différents clans qui composaient le Mouvement citoyen. Et il est clair que peu de chose unira les leaders du parti après le départ d’ATT.

Le nouveau parti aura d’ailleurs du mal à survivre à cette rivalité interne car chacun des clans se croit plus proche d’ATT que les autres. Et rien ne garantit que les "oiseaux-migrateurs", venus de tous les horizons pour profiter de l’aura d’ATT, vont rester dans le nid une fois que l’homme providentiel (ATT) aura passé la main le 8 juin 2012. Parce que même s’il ne lui est pas interdit de rêver, il n’est pas évident que le successeur du président Amadou Toumani Touré vienne du Pdes. A moins qu’il ne fasse confiance à un candidat providentiel un peu au-dessus de la mêlée politique comme ATT en 2002. L‘actuel Premier ministre Modibo Sidibé ? Ce n’est pas exclu.

Des fondations moins solides

L’autre handicap du nouveau parti est qu’il est fondé sur les cendres d’un mouvement hétéroclite (Mouvement citoyen) formé par opportunisme et reposant sur peu d’expérience politique. En effet, à quelques exceptions près, les leaders supposés du parti n’ont presque jamais brigué de suffrage électoral, c’est-à-dire qu’ils n’ont jamais été conseillers municipaux à plus forte raison maires ou députés.

Le cas du président en est la parfaite illustration. Voici un homme qui occupe le devant de la scène grâce à une rencontre opportuniste avec le président ATT au siège de campagne de ce dernier en 2002. Mais, par son habilité et son zèle, il a finit par éloigner le président de tous ceux qui lui étaient sincèrement dévoués pour s’accaparer seul de tous les rouages du Mouvement citoyen. Opportuniste ? Usurpateur ?

En tout cas, le très puissant ministre de la République (il est au gouvernement depuis 2002) n’a pas d’expérience politique avérée. Il doit sa formidable ascension sociale et politique à l’aura de son mentor. Il n’a jamais hésité à sacrifier ses amis et la solidarité gouvernementale pour rester dans l’estime de ce dernier. Et ce,  malgré les nombreux scandales dans lesquels il est cité comme celui des 11 millions dépensés en une matinée pour payer du café et du thé au ministère de l’Energie, de l’Eau et des Mines.

N’ayant jamais fait l’unanimité au sein du Mouvement citoyen, il est craint et accepté parce qu’il a bénéficié de la protection du président. Mais, tôt ou tard, il aura des comptes à rendre sur sa longue gestion des affaires. Une opportunité qui peut profiter à ses adversaires pour le neutraliser définitivement. 

 Un bilan social moins satisfaisant

Il faut aussi souligner que même si le bilan de l’actuel locataire de Koulouba est fabuleux, il comporte néanmoins des failles préjudiciables comme l’accentuation de la corruption, l’effritement de l’autorité de l’Etat… Et les fruits des nombreuses actions menées (désenclavement, aménagements, hydro-agricoles, modernisation de l’administration…) ne sont attendus que sur le moyen et le court terme. Ce qui ne saurait suffire dans un pays où la grande majorité cherche le pain quotidien tout en assistant tous les jours aux détournements des moyens de l’Etat au profit d’une mafia bien organisée. Ce qui fait que, le bilan social des dix ans d’ATT n’est pas aussi brillant que le revendiquent ses fidèles.

Sans compter que le Pdes n’est pas la seule formation politique à pouvoir revendiquer et s’approprier le bilan élogieux d’ATT. Celui-ci doit ses succès beaucoup plus à la classe politique qu’au Mouvement citoyen. A la différence du président Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré a bénéficié du soutien voire de la connivence de la classe politique pour se faire élire en 2002 et réélire en 2007. Il a eu donc les coudées franches pour diriger le pays et exécuter ses projets de société. Les rares contestations ne venant que du Rpm, du parti Sadi ou des syndicats et récemment du Haut conseil islamique qui avait vigoureusement menacé la stabilité de son régime après l’adoption du code de la famille et des personnes.

A l’analyse, le Pdes ressemble beaucoup plus à une coquille vide qu’à une force politique pouvant réellement peser sur l’avenir politique du Mali. A commencer par les échéances électorales de 2012.

                                                                                              Kader Toé

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