Le nouveau parti PDES est bien le parti d’ATT. On ne saurait le contester au vu de la qualité des hommes qui le dirigent: 7 ministres dont ceux de la justice et des transports, 6 anciens ministres et une foule compacte de proches collaborateurs du général ATT. Mieux, la première dame est marraine du parti et le chef de l’Etat lui-même a publiquement apporté sa bénédiction à la nouvelle formation politique qui, soit dit en passant, a été autorisée par le ministère de l’administration territoriale (cela n’avait rien d’évident) à prendre le nom d’un programme initié et piloté par le premier magistrat du pays.
En impulsant ce parti à la fin de son dernier mandat, ATT montre bien qu’il ne compte pas sur les autres partis (Adema, URD, CNID, MPR, RPM) pour assurer sa succession. Il n’a pas tort puisque ces derniers ont fait la preuve de leur suivisme, de leur opportunisme alimentaire et de leur absence de stratégie. C’est parce qu’ATT les connaît, pour les avoir menés par le bout du nez et de l’estomac depuis 8 ans, qu’il les sait incapables de la moindre riposte. Comment pourraient-ils riposter, en effet, quand la plupart de leurs responsables ont gaiement rincé la marmite de Koulouba et n’ont même pas fini de s’essuyer les lèvres dégoulinantes de graisse ? Comment risposter quand ces leaders ont accepté, au nom du consensus politique, de laisser le président ATT choisir qui il voulait au sein des partis pour en faire des ministres, des ambassadeurs, des PDG, installant ainsi des chevaux de Troie dans chaque parti ? Comment riposter quand chaque leader de parti nourrit des rêves présidentiels et ne peut se résoudre à plier ces ambitions démesurées à la nécessité d’une union sacrée?
Qu’on ne s’y trompe pas: le PDES est un parti de pouvoir, né au pouvoir, animé par des hommes de pouvoir et voué à la conservation du pouvoir après le départ de son mentor ATT. Il a un programme (celui de l’Etat), des moyens (ceux de l’Etat), des hommes (responsables d’Etat) et une stratégie implacable: couper les partis en deux et accaparer l’utile moitié. La grave saignée infligée récemment au CNID est un exemple de l’efficacité de cette stratégie qui s’étendra bientôt aux autres partis. Et il serait illusoire de croire que l’un quelconque d’entre eux en réchappera. La raison ? Chaque Malien a vu, au long des 8 dernières années, que quand il pleut des poulets, les leaders de partis gardent la chair pour eux et leurs proches, ne laissant que les pattes et le bec (eh oui !) aux militants. Ayant compris, à leurs dépens, que la politique malienne ne vaut que par l’estomac, pourquoi ces braves militants (élus locaux, députés et autres) ne rallieraient-ils pas d’eux-mêmes le PDES au lieu de continuer à servir de simple fonds de commerce à autrui ? Pourquoi ne pas mendier sa propre soupe au lieu de mendier pour le confort d’autrui?
On nous retorquera que des partis comme l’Adema, première force politique du pays, sont irrésistibles pour avoir implanté leurs bases partout. Mais d’où l’Adema a-t-elle sa force sinon d’une présence décennale aux affaires ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, pourquoi le PDES ne lui succéderait-il pas au podium, d’autant que l’Adema n’est guère réputé pour la discipline de ses responsables ?
Au demeurant, le PDES, après avoir fait main basse sur l’héritage politique, économique et social d’ATT, entend prendre ses concurrents de court en leur proposant, à bref délai, de le réjoindre dans une plateforme destinée… à soutenir le président ATT et, après lui, les idéaux du "soldat de la démocratie". Ceux qui accepteront l’invitation subiront une phagocytose assurée et se fondront tôt ou tard dans le PDES; ceux qui la refuseront passeront pour des ingrats car ils auront refusé de poursuivre leur soutien à un homme qui les a cajolés pendant 8 ans. Pour qui mesure l’importance des dividendes politiques que génère le discours sur la trahison (IBK en sait quelque chose!), le PDES est parti pour d’excellentes emplettes!
On nous rétorquera aussi que l’Adema et les formations sorties de ses flancs (l’URD et le RPM) sont passés maîtres dans l’art de frauder aux élections et qu’ils ne feront qu’une bouchée de ces jeunes novices que sont les militants du PDES. C’est oublier que si les opérations électorales se déroulent dans les urnes (où l’on peut frauder à souhait), le verdict électoral définitif se décide dans une juridiction,
En réalité, le plus dangereux adversaire du PDES est le PDES lui-même. De sourdes rivalités y ont déjà cours dans la perspective de la présidentielle de 2012. Il se murumure que Hamé Diane Semega, quoiqu’ayant réveillé le moribond Mouvement citoyen et créé au forceps le PDES, serait trop jeune et trop inexperimenté pour en devenir le candidat. Il se murumure qu’Ahmed Sow, théoricien du programme PDES et président d’honneur du parti, caresserait le projet de devenir Calife à la place du Calife ATT. Il se murumure enfin que le Premier ministre Modibo Sidibé, écarté de la marche du parti et que l’on dit en froid avec les promoteurs du parti, y aurait placé des taupes qui travailleraient déjà à une candidature de leur champion, en rapport avec des partis traditionnels…
Cela fait, au total, un peu trop de murmures dans une maison si neuve et qui devrait plutôt rétentir d’éclats de rires. Il faut espérer, pour le PDES, que les murmures restent des murmures et que le démon de l’ambition, qui a chassé l’Adema du pouvoir en 2002, n’ait raison des héritiers d’ATT.
Tiékorobani