La question qui oppose aujourd’hui le CNID / MPR au RPM n’est qu’apparemment liée à la CENI. Ce qui les divise dans les faits, est beaucoup plus profond et remonte plus loin. Ces trois partis et leurs responsables respectifs ont tout simplement tenté de forcer la main au destin. Le sacrilège se retourne aujourd’hui contre eux.
Apparemment, c’est la désignation des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui serait à l’origine du désaccord entre les trois formations toutes membres du Regroupement « Espoir 2002 ». Le conflit ainsi né conduira à la présentation de deux listes distinctes des représentants du Groupe au sein de la CENI. Le département de tutelle proposa alors aux protagonistes de se mettre en conformité avec les textes en adoptant une seule liste.
La réponse de l’administration ne fut du coup du RPM qui perçut là un sombre complot contre lui et son président Ibrahim Boubacar Keïta. Les deux partis « amis », CNID et MPR, en eurent également pour leurs comptes. Personne n’échappa aux courroux de IBK et de ses hommes. Las, CNID et MPR décidèrent finalement de réagir et on assiste désormais à des attaques en règle entre les entités en conflit.
Ce qui arrive en ce moment, n’est que la partie visible de l’iceberg. Dans les faits, ces partis n’ont véritablement rien en commun si ce n’est leur antagonisme. Et nul n’aurait présagé que leur relation contre nature aurait une si longue durée de vie.
Me Tall : « Nous n’avions jamais accordé notre confiance à IBK »
Nous sommes le 14 Février 2000. Ibrahim Boubacar Keïta vient de démissionner (d’autres diraient qu’il a été évincé) de la Primature. Nous avions tendu notre micro au Dr Choguel K Maïga et Me Mountaga Tall du CNID, partis membres fondateurs du COPPO qui, jusqu’alors, se refusait de reconnaître le Gouvernement de Alpha Oumar Konaré issu des élections organisées par Ibrahim Boubacar Keïta.
Me Mountaga Tall : « Nous n’avions jamais accordé notre confiance à M Ibrahim Boubacar Keïta. Souvenez-vous: nous avions déposé une motion de censure contre lui suite à la mauvaise organisation des élections. Ce départ constitue en fait l’épilogue d’un blocage au sommet de l’Etat. Qui parle d’épilogue, parle de fait attendu. IBK a pris ses galons parce que les élèves étaient dans la rue. Il est parti aujourd’hui en laissant les élèves dans la rue. C’est le constat palpable d’un échec. C’est toujours la détérioration du cadre macroéconomique et des difficultés sociales de tous les ordres ».
Choguel K Maïga: « C’est un non événement [la démission de IBK]… Nous avions demandé le départ de Ibrahim Boubacar Keïta depuis trois ans maintenant. Ce départ est une manière de nous donner raison. Il aurait dut le faire de lui même après la bavure électorale. Pourquoi avoir attendu trois ans ? »
Il est clair qu’à ce stade, rien ne présageait d’un rapprochement entre les deux partis CNID – MPR avec le RPM. Mais les choses iront très vite.
Huit (08) mois plus tard, IBK démissionna cette fois-ci de la présidence de l’Adéma PASJ suite à une forte pression de ses adversaires au sein de la Ruche. C’était le 08 Octobre 2000. Ce jour, M Choguel Maïga surprit plus d’un en se rendant immédiatement aux chevets du démissionnaire afin de le consoler. Il se confia plus tard à nous dans une interview :
– Aurore: Envisagez-vous une collaboration avec IBK ?
– Choguel Maïga : Je crois que c’est à IBK qu’il faudra poser la question. C’est vrai que notre démarche est politique, mais nous ne faisons pas un travail de récupération. Je suis parti chez IBK avec le plus grand respect dû à sa personne. IBK est un homme d’Etat qui prendra lui même ses responsabilités. Je l’ai vu, il est confiant en l’avenir. C’est un homme politique loin d’être fini contrairement à ce que l’on pense ».
IBK n’était pas fini, peut-être bien. Mais que voulait donc Choguel ? Nous écrivîmes ceci dans nos colonnes au moment des faits (Aurore 682 du 26/10/ 2000) : « Choguel Maïga joue avec le feu »
«Il semble évident quel le Dr Choguel Maïga va vite en besogne. Qu’adviendra-t-il de sa nouvelle amitié si IBK crée effectivement sa propre formation politique? Pense-t-il qu’il (IBK) le préférera lui Choguel au détriment de la tendance à laquelle il appartiendrait. Le parti du Tigre risque bien d’être le dindon de la farce».
Les faits nous donnerons malheureusement raison. A la faveur du renouvellement du bureau de l’Assemblée Nationale en 2004, IBK, malgré sa promesse ferme de laisser le poste de questeur au RPM, revint plus tard sur sa décision sous prétexte qu’il a été mis en minorité par ses camarades au sein du parti.
Il est clair qu’Ibrim ne se rappelait plus ses propres déclarations sur l’éthique et la morale en politique, lesquelles déclarations ont été tenues à la faveur de sa rencontre avec le président du MPR: « Tout parti soucieux comme nous de créer les conditions nouvelles de confiance aux fins de servir ce pays et ce peuple au mieux de ses capacités, peut-être assuré de notre disponibilité totale, dans la plus grande sincérité et honnêteté intellectuelle et morale à faire chemin ensemble ».
Dans les faits, les relations du RPM avec le MPR étaient empreintes de tout sauf de «sincérité et honnêteté intellectuelle et morale ». A preuve: La visite de IBK au siège du MPR après son éviction de la primature avait d’autres motivations inavouées. C’était dans le but de se venger de Alpha Oumar Konaré accusé par lui d’être le véritable instigateur de sa chute. Et puisque le COPPO dont le MPR était membre influent refusait encore de reconnaître le régime Alpha, IBK pouvait se féliciter avec cette visite d’avoir rendu un bon coup à Alpha Oumar Konaré.
En clair, jamais, les relations entre Choguel Maïga et IBK d’une part. RPM et MPR d’autres parts, n’ont véritablement étaient empreintes de «sincérité et d’honnêteté intellectuelle et morale». Il s’agissait de simples relations basées sur des intérêts politiques réciproques. Autant Choguel tentait de profiter de la notoriété et du charisme de IBK, autant ce dernier, à travers le Coppo, avait de vieux contentieux à régler avec ses anciens amis de l’Adéma et à se faire accepter dan son nouvel environnement politique, c’est à dire, l’opposition. C’est tout.
Autre temps, autres moeurs. Aujourd’hui, le charme étant rompu, les deux entités sont revenues sur terre. Elles ne se font pas de cadeaux et se combattent désormais à ciel ouvert comme l’attestent la déclaration commune MPR-CNID-PLM suite à l’affaire de la CENI. : «Le RPM s’est engagé dans la voie de la surenchère verbale en se posant encore une fois de plus en victime. A cette fin, il a fait publier des déclarations (…) afin de préparer d’ores et déjà un argumentaire pour justifier une éventuelle contestation des résultats des futures élections….. Nous pensons qu’il ne faut insulter ni le passé ni l’avenir (…) Que le RPM arrête de chercher à apitoyer les Maliens en se faisant passer pour l’innocente victime de l’acharnement et de l’injustice d’un pouvoir dont il est, jusqu’à preuve du contraire, partie prenante et comptable».
C’est dire que les attitudes semblent désormais inconciliables puisque les protagonistes se dirigent lentement mais sûrement vers une radicalisation pure et simple de leurs positions respectives. C’est bien cela l’ordre naturel des choses. Il ne saurait en être autrement, en tout cas, pour qui connaît l’histoire politique de notre pays et des hommes qui l’animent.
B.S. Diarra
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