Sous le régime d’ATT, depuis que les clans sont devenus les maîtres de la République, le pays est déliquescent. « Quand l”intelligence déserte le forum, la médiocrité s”installe et tout finit en dictature », dit un philosophe contemporain. Telle est aujourd’hui la triste trajectoire du grand Mali.
Mon ami le philosophe, au cours d”un de nos entretiens, m”a averti en ces mots : « Nous commençons la période de toutes les incertitudes pour les intellectuels maliens, plusieurs ayant vendu leur âme au diable ». C”était, il y a bientôt un an et au fur et à mesure que nous approchons de la date de l’élection présidentielle, ces monstres hybrides sortent la tête.
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Il y a quelques mois, un prétendu dramaturge, qui aurait mieux fait de se caler dans un fauteuil au-devant d”une scène, s”est hasardé à tirer à boulets rouges sur ceux qui dénonçaient les accords d”Alger. Je me suis dit, mais diantre quelle guêpe a piqué ce vieux monsieur, pour s”aventurer en terrain inconnu ?
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Comment, dans sa dérive, a-t-il pu oublier, lui et plein d”intellos de sa trempe, ces mots de Socrate, que ses amis poussaient à s”enfuir, qui disait : « On n”emporte pas son pays à la semelle de ses sandales », préférant la mort à la lâche capitulation. Devant ses accusateurs, Socrate péremptoirement déclara : « Vous voulez un débat d”idées, et bien, vous aurez le débat d”idées ». Il boira la ciguë après. Quelle grandeur d”âme chez Socrate et quelle honte pour une classe de lettrés maliens !
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A ce dramaturge, je voudrais le renvoyer à des notions qu”il ignore. D”abord, la notion de souveraineté nationale. La Constitution du Mali pose le principe suivant : « La souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l”exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s”en attribuer l”exercice ».
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Or, de cette souveraineté, les rebelles du Nord, en on fait un torchon et au mépris du principe de l”égalité de tous devant la loi, revendiquent à leurs seuls profits des avantages. Plus grave, ceux qui ont tué des militaires, emporté armes payées par le contribuable malien, se couvrent d”impunité au mépris des lois du Mali. Le code de justice militaire consacre son paragraphe 3 à la désertion en bande armée et dit ceci à l”article 116 : « Est puni de 5 à 15 ans d”emprisonnement, tout militaire qui déserte en bande armée. Si le coupable est officier, il est puni de 10 à 15 ans d”emprisonnement. Si la désertion a été commise avec complot, les coupables sont punis de l”emprisonnement de 10 à 20 ans. Les coupables sont punis de l”emprisonnement à vie s”ils ont emporté une arme ou des munitions ».
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L”universitaire que je suis se donne les moyens de la réflexion, par une quête scientifique de l”information. Or, ce qui manque à ce dramaturge et à bien de prétendus intellectuels au Mali, c”est de se coucher sur des lauriers d”il y a deux décennies et de débiter des sentiments personnels plus ou moins influencés par les privilèges que donne le souverain du jour.
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Hyper escroquerie
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Ensuite, la notion de la liberté d”expression et de conscience, est une nécessité historique. Un pays comme le nôtre a besoin d”un vrai débat sur la vie politique, et les intellectuels ont l”obligation de le faire. Le Mali est au bord d”un gouffre. Depuis cinq ans, le débat est interdit. Tout est concentré sur un homme, consacré à un homme, ATT, un système, l”ATTcrature, un mouvement, la nébuleuse du Mouvement citoyen, qui en fait est une hyper escroquerie intellectuelle.
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En se proposant d”aider le président de la République à gérer le pays, ce mouvement n”a rien apporté. Aucune idée, aucune pensée, elle se cantonne uniquement dans l”agitation stérile et le folklore : Top étoile par-ci, matches de foot par-là, accueils du chef de l”Etat ou de son épouse, etc. Il est certain que nous assistons à la déliquescence de la nation malienne, depuis que ce sont les clans qui sont devenus les maîtres de la République.
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L”Etat s”est transformé en patrimoine de quelques-uns. On est autour du chef et tout est possible, autorisé, accepté. Le règne de l”impunité et des privilèges s”est invité au chevet de la nation. On est différent du clan, et l’on devient ipso facto un ennemi de la République, quelqu”un qui ne doit plus vivre. On a vite oublié autour d’ATT, que le verbe est vie et source de progrès. Toutes les grandes religions font du verbe le sens ultime de l”existence. Or, au Mali d’ATT, le plus grand crime, est l”expression.
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Parce que Me Abdoulaye Garba Tapo a osé critiquer le système judiciaire malien, ATT croit qu”il est visé et exit du pauvre ministre (malheureusement pour Me Tapo, il est signataire de l”ADP. Grandeur et misère d”un homme sans conviction réelle). Parce que le jeune ministre des Sports demande des comptes à la Femafoot, exit de lui. IBK donne une interview à Jeune Afrique et critique son bilan, il se dit insulté… Il y a fort à parier que cet homme est dangereux. Je voudrais humblement conseiller à ATT de lire un grand savant, Albert Einstein, dans son livre intitulé « Comment je vois le monde » : « Je détermine l”authentique valeur d”un homme d”après une seule règle : à quel degré et dans quel but l”homme s”est libéré de "son moi" ».
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L”homme est certes très sympathique, jovial, mais ce n”est pas cela qui est fait l”objet de critique. Votre gestion des affaires publiques, M. Touré, c”est de cela qu”il s”agit. Cette gestion du Mali est catastrophique, n”en déplaise à vos amis. Disons-nous cette vérité. Ceux qui avaient les moyens intellectuels et politiques d”empêcher ce qui se profile pour le Mali, et qui se sont auto-mutilés pour se rendre incapables, assumeront devant l”histoire le drame annoncé pour le pays.
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Au rythme où vont les choses, l”idéal du 26 mars a déjà été trahi. Or, l”esprit du 26 mars a été l”acte fondateur du nouvel Etat démocratique. Demain, la trahison sera érigée en vertu. Déjà les héros des oppressions au Mali rasent le mur. Certains ont même honte, d”avoir lutté. Tous ces messieurs aplatis devant ATT, qui ont à un moment donné de notre histoire, été porteurs d”un idéal et qui ont retourné leur veste.
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Un philosophe contemporain a dit ceci : « Quand l”intelligence déserte le forum, la médiocrité s”installe et tout finit en dictature. » A ce rythme donc, nul ne devra s”étonner des dérives totalitaires que posent ATT. Confiscation de la liberté d”expression pour tous les partis, privatisation des moyens de l”Etat en faisant des biens publics un usage personnel pour sa réélection, oppression des cadres aux convictions hors commerce…
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Combien Maurice Druon avait raison, quand il écrivait : « Trop longtemps porté, le casque déforme la terre ». Pour l”académicien, si les institutions sont faibles, un militaire, habitué aux ordres, est l”ennemi de la démocratie. N”est-ce pas le pendant d”un vers de Cicéron clamant : « Cedant arma togae », c”est-à-dire que les armes le cèdent à la toge.
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Les intellectuels maliens qui sont devenus de mercantiles cadres du Mouvement citoyen, à dessein, jouent avec le feu dans une poudrière. Nous parlions de débats, qui constituent la sève de toute vie démocratique. Au Mali, ils répondent aux abonnés absents. Je voudrais leur rappeler ces mots d”une grandeur inégalée, qu”Albert Tévoedjré, alors rapporteur général de la Conférence nationale souveraine du Bénin a dit : « L”intelligence et l”imagination au pouvoir, vous avez résolu d”en faire désormais l”axe de notre organisation sociale et politique. Vous voulez que les libertés fondamentales soient garanties pour tous et que nul ne s”arroge le droit de chosifier l”autre et de le mettre à genoux. Notre peuple a souffert dans son histoire la tragédie de l”esclavage et de la condition servile ».
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Ce que le Bénin a refusé, il y a 17 ans, ATT y ramène le peuple malien, avec l”aide de mercenaires de la plume, de gogo à la noix qui lui décernent des satisfecits. A la réalité, ATT n”a aucun respect pour son peuple. Il infantilise le Malien, le considérant comme un amnésique. Avec lui, l”histoire de ce pays a commencé en 2002. De ce fait, en imposture, viol de l”intelligence et vandalisme économique, le pays est devenu un cirque où joue un excellent clown.
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Les ministres sont dans des monologues insipides et sans contenus. Entre auto-satisfecit et références sans fin ou sans objet au chef de l”Etat, le citoyen Bakaribana est dans les incertitudes sur son lendemain. En 2002, sans débats, ATT est devenu président. Depuis, les choses n”ont guère évolué. Lui-même est incapable de tenir la dragée à qui que ce soit. Son entourage, une représentation de médiocrité ne peut l”y aider. La colonne de mercenaires de la plume à son service, fait de l”analyse de bas étage. Cela est si décevant que les discours présidentiels sont ennuyeux et manquent d”allant. On en vient, comble de misère, à regretter les adresses d”un autre général, Moussa Traoré. A se poser la question d’Alpha Oumar Konaré en juillet 1980 : « Où va le Mali ? » Malheureusement, à reculons. Mais où ? Le constat est amer :
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– Un Etat désarticulé ;
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– Une société sans repère ;
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– Des institutions banalisées.
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Les Maliens sont redevenus des citoyens d”un hors monde. Les intellectuels maliens se doivent de redresser la tête. Ils doivent se montrer dignes de confiance et reconquérir les espaces occupés par des politiciens sans foi et sans loi qui, au mépris des valeurs élémentaires de la société malienne, ont tout bradé pour des intérêts égoïstes.
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Il faut que l”on se dise une fois pour toutes les vérités suivantes :
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– Il n”y a aucun homme providentiel. Donc, seriner à tour de bras qu’ATT est le recours ultime pour le salut du Mali, pour la paix et la concorde relève de l”affabulation et du mensonge.
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– Aucun homme politique ne fait dans le gratuit. Il cherche son intérêt et tomber à ses pieds comme l”ont fait les signataires de l”ADP, c”est se faire hara-kiri. A ce genre de comportement, les Bambara disent « se faire dévorer par un caïman sortit de son urine ».
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– On ne donne pas de blanc-seing à un candidat ou à un président. Ceci explique cette attitude des patriotes sincères, qui critiquent et critiqueront toujours la gestion des affaires publiques. ATT qui ne veut pas de la critique devra aller gouverner dans un autre pays ou s”abstenir de briguer un autre mandat. Il nous trouvera devant lui s”il veut être candidat.
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Le nécessaire sursaut patriotique
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Devant le silence ou la complicité des intellectuels maliens, feu Mamadou Maribatrou Diaby, le trublion de la scène politique malienne, ne se privait jamais de fustiger leurs comportements, les accusant d”être à la base des malheurs de ce pays. Propos sûrement exagéré, mais que hélas, confirment certains des cadres de ce pays, dans leurs pratiques de tous les jours !
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Contrainte du ventre, perte de repères, inconscience ou parjure, voire de tous ensemble, ces intellectuels s”asseyent à toutes les soupes, troquent aussi facilement de convictions que leur chemise et comble de tout, deviennent d”acerbes mercenaires de la plume au service du plus offrant. En choisissant la solution de facilité, ces intellectuels s”aplatissent devant ATT. Ainsi, ils ont des droits, puisque vivant dans l”entourage du chef. Le mérite n”est plus. La médiocrité est devenue le système de gouvernance sous ATT.
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En passant du baume sur la fierté des Maliens, en évoquant à tout moment la grandeur passé de ce peuple, je veux que ces bons messieurs réfléchissent à ces mots de Jean-François Steiner : « Tous les empires sont périssables. Nous en avons vu s”écrouler des milliers depuis que Dieu a appelé Abraham. Nous les avons vus, naître dans le travail, se développer dans l”injustice et mourir dans l”orgueil tués par d”autres empires dont l”étoile naissait ».
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Il faut qu”ils méditent sur ces propos de Seydou Badian Kouyaté : « Des peuples enlisés dans leurs passés, ne voyant dans le présent que jouissances, ne sont pas des peuples forts, mais des nations proies ». En continuant à chanter les mérites vrais ou supposés des Soundiata, Babemba, Firhoun, etc. le Mali s”est retrouvé classé avant dernier, par le Pnud.
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Or, comme l”honneur est la poésie du devoir, pour citer Alfred de Vigny, et que c”est ATT qui a amené le Mali à ce rang infâme, quel intellectuel peut-il avec décence défendre sa cause ? Au football qui n”est qu”un jeu, un entraîneur aurait été remercié. La gestion d”un Etat est mille fois plus importante. Il faut en tirer les conséquences !!!
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Siradiou Diallo, dans une interview donnée à Jeune Afrique en 1989 déclarait avec justesse : « Tant qu”on n’aura pas trouvé cet équilibre politique fondé sur la tolérance, le respect des institutions démocratiques et de la légalité républicaine, nos sociétés seront en proie à la déstabilisation et à la violence ».
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Ces temps-ci, en mission en dehors du Mali, j”ai pu mesurer au contact des amis de notre pays, l”image affligeant et combien négative véhiculée par la télévision dans son rôle de propagandiste du général président. L”un d”eux a fini par avouer « Comment avez-vous pu élire un tel homme après l”élégant mandat d’Alpha Oumar Konaré ? Le Mali est devenu le Zaïre de Mobutu ».
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Je voudrais laisser à ATT, à ses affidés, à ses comparses de l”intelligentsia mercantile ces mots de Seydou Badian Kouyaté : « Le pouvoir est comme une source claire et limpide. On la regarde, on s”y regarde, on admire sa limpidité, mais au fond de cette source, le sable n”est pas toujours pur, il y est bien souvent mêlé à la boue…
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L”homme est un animal à deux têtes. L”une s”appelle la grandeur, l”autre la médiocrité.
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La grandeur naît dans le sacrifice, dans la douleur.
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La médiocrité, elle pousse sur la paresse, sur l”insouciance, sur le plaisir… » Ces mots sont tirés de la Mort de Chaka. Cette pensée du Vieux Kouyaté, maître de la parole, est un miroir. A son reflet, on se rend compte que le pouvoir d’ATT est une eau trouble, rien n”y est limpide. La médiocrité sévit au sommet de l”Etat et a métastasé dans les institutions. Paresse, insouciance et plaisir : tels sont les maîtres mots dans la République qu’ATT dirige.
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Savoir c”est pouvoir, a-t-on l”habitude de dire. Alors, comment peut-on inverser cette assertion sans conséquence ? La raison court de grand risque quand la main est trop forte, c”est une autre façon d”entendre Cicéron. Les intellectuels maliens ne doivent pas perdre de vue que les libertés fondamentales doivent être garanties pour tous et que nul ne doit s”arroger le droit de chosifier l”autre et de le mettre à genoux.
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ATT ne devait pas perdre de vue que son comportement est une insulte à la mémoire des martyrs de la démocratie malienne. En oubliant que le pouvoir, l”autorité et le gouvernement constituent un service, une servitude pour l”intérêt général et non une sinécure, il n”a rien appris de son serment.
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C”est un outrage à la fonction présidentielle et les idéologues qui gravitent autour de son système sont autant coupables que lui. Quand l”élection devient la finalité, quand pour y parvenir tous les moyens sont bons même les plus condamnables, alors la nation doit faire écran pour faire échec à la plus grande dérive totalitaire qui menace le Mali.
rnDocteur Panghalê“