«Le Mali face aux défis sécuritaires» : un thème décortiqué par Souleymane Koné

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Souleymane Koné
Souleymane Koné

Le Thème de la conférence-débats était : «Le Mali face aux défis de la sécurité et de la gouvernance économique». Scindé en deux sous-thèmes : «Le Mali face aux défis de la sécurité» et «La gouvernance économique», le premier a été animé par Souleymane Koné, 1er vice-président du parti et ancien Ambassadeur du Mali.

Plantant le décor, le conférencier a d’abord rappelé que le contexte sous-régional fait que le Sahel et le Maghreb ont un même destin face aux défis sécuritaires. «Il semble que les grandes menaces mondiales se soient installées durablement en Afrique de l’Ouest depuis maintenant une dizaine d’années. Elles y ont trouvé un terreau idéal, fruit de coexistence d’Etat sans moyens, d’une population très majoritairement jeune affectée par la pauvreté, de mégalopoles ingérables et d’immenses espaces libres de tout contrôle. C’est ainsi que les récents développements politiques au Maghreb ont eu des conséquences sur la situation dans le Sahel, compte tenu des relations étroites qui existent entre les pays de ces deux régions, la présence significative de citoyens des pays sahéliens au Maghreb et les risques découlant d’une prolifération d’armes dans la région. Non seulement les problèmes auxquels est confronté le Sahel touchent les populations locales, mais aussi inversement», explique M. Koné.

Ce, avant de préciser : «La sécurité est un double enjeu de gouvernance et de développement. Dans ce contexte, elle se pose avec acuité du fait que la plupart des pays sont affectés par des vulnérabilités structurelles et une fragilité de l’Etat, tout en étant de plus en plus exposés à des menaces qui prennent des formes et une tournure nouvelles. La conflictualité actuelle dans le Sahel est principalement intra-Etatique, tout en ayant souvent une envergure ou une diffusion sous-régionale. La faiblesse des Etats a conduit à une dynamique d’hybridation des menaces sécuritaires».

À en croire le conférencier, des voisinages hostiles compliquent davantage les solutions régionales. Par exemple, ce qui n’a pas été suffisamment pris en compte dans la crise sécuritaire au Mali, c’est l’environnement hostile, créé entre le Maroc et l’Algérie au travers du conflit du Sahara. Dans un tel contexte, poursuit-il, il existe une collusion entre terrorisme et criminalité internationale et peut-être bien plus, c’est le cas d’Aqmi et ses affiliés ainsi que l’atteste cette intervention du maire d’une localité du Cercle de Tombouctou : «Ici, Aqmi n’est pas un chacal qui va manger les animaux des nomades. Aqmi ne représente aucune menace pour les populations. Aqmi est une force importante dans la région. Ce sont des gens qui ont les moyens. Ils s’investissent auprès de la population dans les projets comme la construction de puits, les soins aux nomades des zones. Beaucoup de nomades pensent qu’Aqmi et la fraude sont des activités légales». Ces propos du maire de Tombouctou sont cités par Naffet Keïta dans «Du pouvoir ethnique touareg à la sanctuarisation de l’Aqmi et les ‘’dires’’ de l’Etat dans l’espace saharo-sahélien du Mali», souligne le conférencier.

«Le niveau national, le déficit sécuritaire concerne l’ensemble du pays. Il faut noter que la situation créée dans le Nord du Mali, a fortement impacté le reste du pays. On peut soutenir que les trois régions ont vu trois générations de mouvements d’insurrection. Les deux dernières ayant connu une gestion consensuelle (Pacte national du 11 avril 1992 et l’Accord d’Alger du 4 juillet 2006) ont néanmoins conduit objectivement à un affaiblissement de l’Etat central, sans véritablement apporter une paix définitive. Le présent Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation qui nous est proposé semble être le plus désintégrateur de tous», a conclu le conférencier.

Gabriel TIENOU/Stagiaire 

 

Abou-Bakar Traoré lors de la conférence-débats des Fare :

 «La crise de 2012 a augmenté la pauvreté de 12%»

 

Les défis de la gouvernance économique, c’est le 2ème volet de la conférence-débats animée par Abou-Bakar Traoré, ancien ministre dans le cadre du 2ème anniversaire des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare-An Ka Wuli). C’était le samedi 4 avril 2015 à la Maison des Aînés.

 

Dans son exposé, le conférencier a parlé de l’évolution de la croissance et de la pauvreté ; de l’impact de la crise de 2012 ; de la dégradation de l’environnement économique et social ; de la gouvernance financière ; des enjeux de la gouvernance et des perspectives. Selon Abou-Bakar  Traoré, de 2015 à 2010, le Mali a connu une croissance moyenne de l’ordre de 5%. Il a rappelé qu’entre 2000 et 2012, la croissance du Pib a été plus importante dans le secteur primaire (4,9% en moyenne par an) avec une baisse graduelle de la pauvreté entre 2001 et 2010. À en croire le conférencier, de 2001 à 2006 les revenus des ménages (riches et pauvres) ont augmenté, alors qu’entre 2006 et 2010, seuls les revenus des ménages pauvres ont augmenté, pendant que ceux des autres ménages ont stagné voire diminué.

 

Parlant de l’impact de la crise en 2012, Abou-Bakar Traoré a indiqué que l’activité économique s’en est ressentie et a enregistré une faible récession. Il a souligné que l’année 2012 a été marquée par une forte contraction des dépenses publiques (baisse des investissements), mais avec une bonne tenue des termes de l’échange due principalement à l’or et l’agriculture. En 2013, en raison du retour de la paix, de l’amélioration de l’environnement politique avec la tenue des élections présidentielle et législatives et de la reprise de l’aide publique au développement, il y a eu relance économique.

 

Au sujet de la dégradation de l’environnement économique et social, le conférencier a informé que la crise de 2012 a augmenté la pauvreté de 12% dont 92%, soit 5,8 millions de la population de pauvres vivent au Sud, et 90% soit 5,7 millions de la population de pauvres vivent en milieu rural. Selon Abou-Bakar Traoré, les constats aujourd’hui au Mali sont que 2/3 des adultes sont analphabètes ; 65% des jeunes de 12 à 17 ans sont déscolarisés (dégradation post-crise) et 55% des enfants de ménages pauvres, particulièrement les jeunes filles en milieu rural, ne sont jamais allés à l’école.

Concernant la dégradation de la gouvernance financière, le conférencier a expliqué qu’au niveau des caractéristiques actuelles des recettes publiques, il y a  un plafonnement de la pression fiscale autour de 15% en raison de l’érosion de l’assiette fiscale qui s’explique par trois facteurs potentiels de 20% du PIB. Il s’agit de l’expansion des activités informelles (seulement  1.600 entreprises ont un CA contre 100 millions Fcfa ; le poids des exonérations fiscales (4,2% du PIB en 2013) et les impacts de la fraude et la corruption (2,8% du PIB).

 

Cependant, à en croire Abou-Bakar Traoré, 80% des Maliens estiment qu’ils doivent payer des impôts et 60% se disent prêts à payer plus en échange de plus de services. Au niveau des caractéristiques actuelles des dépenses publiques, le conférencier a noté une hausse des transferts et subventions de 13% en 2006 ; de 18% en 2013, alors qu’elles ne sont pas nécessairement orientées vers la croissance et la réduction de la pauvreté.  En 2013, selon lui, les subventions d’électricité ont représenté 1,3% du PIB et 93% du Budget de la santé.

 

Par ailleurs, le conférencier a fait un rappel des politiques mises en œuvre pendant la période 2001-2010. Il s’agit des allocations budgétaires conséquentes aux secteurs sociaux (Santé, Education, Eau) et productifs (aménagements en maîtrise de l’eau, aménagements routiers) ; des subventions à la consommation (EDM, Electrification rurale, carburants) et à la production (semences, intrants et équipements agricoles) ; des aides alimentaires particulièrement dans les zones en déficit chronique (166 communes) ; de l’amélioration de la gestion des Finances publiques.

 

En perspectives, le conférencier a mentionné des réformes à l’endroit des décideurs. Il s’agit, entre autres, de venir à bout de la pauvreté ; de la construction de pôles de développement économique ; du renforcement des capacités humaines et de l’amélioration de la gouvernance.

 

Diango COULIBALY

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