Le grand parti d'ATT attendu dans un mois

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Ce que soupçonnaient certains observateurs se concrétise enfin mais sous une forme inattendue: désireux d’assurer sa succession dans les meilleures conditions, le chef de l’Etat a approuvé la création d’un grand parti qu’il contrôlerait. Dans ce parti se fondraient non seulement le Mouvement citoyen et les partis connexes (PCR, UDC, FCD) mais aussi des groupes de dissidents issus des grands partis de l’échiquier national.

De sources bien informées, des contacts avancés sont déjà pris avec de hauts responsables de l’Adema, du RPM, de l’URD et du CNID en vue de leur adhésion au futur parti. En outre, tous les élus (députés, maires, conseillers) qui avaient concouru sur les listes des partis traditionnels mais qui sont partisans du président ATT feront allégeance au nouveau parti. Lequel  pourrait enfin recruter des militants au sein des nombreuses associations de la société civile.

Pourquoi ATT crée-t-il un parti politique maintenant ? Selon  nos sources,  ATT n’avait rien fait depuis 2002 pour préparer sa succession, pour la bonne raison qu’il n’excluait pas lui-même de se représenter à Koulouba. Mais  l’atmosphère sous-régionale créée par la chute de Mamadou Tandja a convaincu le Général de passer la main. Or, il a mesuré, à ses dépens, toutes les limites de la fidélité de ses alliés circonstanciels que sont les partis de l’actuelle ADP: Adema, URD, CNID, MPR, etc. En effet, ATT s’est senti cruellement abandonné par lesdits alliés chaque fois que le feu a menacé  ses chantiers: ce fut, par exemple, le cas lors des casses du 27 mars 2005 menées par des supporters sportifs mécontents; ce fut encore le cas lors du débat sur l’abolition de la peine de mort; ce fut enfin le cas lors de la révolte des associations islamiques suite au vote du code de la famille. Le chef de l’Etat a ressenti cet abandon comme un manque de fiabilité de ses alliés dont il a pensé qu’ils n’auraient pas une meilleure conduite au cas où il leur laisserait le pouvoir. Au reste, les amis du président ne décolèrent toujours pas que Dioncounda Traoré ait régulièrement clamé, ces derniers temps, que l’Adema ne soutiendrait qu’un de ses militants en 2012, comme pour dire à ATT que son pouvoir était déjà fini et que l’Adema reprenait son indépendance.

Le président ATT a donc désormais une certitude: ses alliés actuels n’adouberont pas le candidat présidentiel qu’il leur proposerait et suivent leur propre agenda politique. L’électrochoc est venu du projet de fusion entre le Parena et l’Adema: ATT y a vu, selon nos sources, une tentative de l’ancien président Alpha Oumar Konaré de reprendre en main le principal appareil politique du pays, ce qui, à partir de 2012, signifierait la fin de son propre mythe, de son bilan et de ses chers amis les "Citoyens". Une telle évolution a d’autant plus inquiété le chef de l’Etat qu’il n’a pas, semble-t-il, respecté tous les points du "deal" secret passé avec son prédécesseur lorsqu’il a rélegué au placard des hommes chaudement recommandés par Konaré et fondé son pouvoir sur un système autre que la majorité Adema. Enfin, ATT souhaite que son oeuvre soit poursuivie, sanctuarisée par un appareil et des hommes qui lui soient tout dévoués et qui, bien entendu, n’iraient pas lui chercher des poux dans la tête après son départ de Koulouba.

C’est pour toutes ces raisons que la création d’un parti présidentiel est apparu incontournable au président ATT et à ses conseillers. Et le moment s’y prête car s’il l’avait fait avant ce jour, sa politique du consensus en aurait souffert et il n’aurait pas connu des mandats si paisibles où son gouvernement, à l’abri des contestations politico-sociales, a pu initier des chantiers économiques et sociaux importants.

Pourquoi créer un parti sur les cendres des autres ? ATT sait mieux que quiconque le poids limité du Mouvement citoyen qui, malgré sa bonne volonté, n’aurait pu faire élire son mentor sans le soutien décisif des partis traditionnels. Aussi le parti à naître ne serait-il pas viable s’il se contentait des seuls militants du Mouvement Citoyen. D’où l’idée de puiser dans les rangs des partis qui, au demeurant, connaissent pour la plupart des tensions au sommet. L’exemple de l’Adema et, surtout, du CNID est édifiant à cet égard.

De quels moyens bénéficiera le nouveau parti ? Le nouveau parti ambitionne de gagner la majorité aux élections générales de 2012 et d’imposer son candidat à la présidentielle – rien de moins ! ATT, sans apparaître au premier plan,  mettra tous ses moyens au service du parti qui héritera, entre autres, des primes électorales attachées aux chantiers du fameux "PDES". Le soutien de la nouvelle classe d’opérateurs économiques née depuis 2002 restera acquis. Celui de l’appareil d’Etat aussi. Et si, dès le départ, certains transfuges de partis adhéreront au parti, d’autres, tapies dans les états-majors, ne se manifesteront qu’à l’orée des élections. La tratégie de l’embuscade en somme…

Les partis peuvent-ils riposter au projet d’ATT? Il faut reconnaître que leurs moyens de représailles sont limitées. En effet, rares sont les ministres que leurs partis ont encore le pouvoir de retirer du gouvernement sans qu’il s’ensuive un éclatement. De plus, la plupart des leaders politiques ont perdu leur crédibilité et leur liberté de parole et d’action face à un pouvoir qui, depuis 8 ans, les gave de prébendes. Certains traînent même des casseroles dont le bruit peut facilement donner les moyens judiciaires de les faire déposer dans une cellule. Surtout, il sera difficile aux partis de s’en prendre à ATT dont nous avons dit plus haut qu’il n’apparaîtrait pas au premier plan. Ces constats n’empêchent pas certains observateurs de  croire que la création du parti présidentiel est le ciment qui va sceller une union sacrée des partis contre le chef de l’Etat, auquel cas, le pays deviendrait ingouvernable.

Qui dirigera le nouveau parti ? Pour le moment, nul ne le sait. Pas plus qu’on ne sait si le chef du nouveau parti sera son candidat à la présidentielle. En tout état de cause, Hamé Diane Semega semble bien parti pour y jouer les premiers rôles: président du Mouvement citoyen, il est l’un des rares ministres en poste depuis 2002 et jouit de la confiance d’ATT. Le nom d’Ahmed Sow circule  aussi. Ex-ministre des mines et de l’énergie et véritable théoricien du PDES, il est resté proche du président ATT malgré son départ du gouvernement. Ces deux personnalités l’emporteront-elles sur le Premier ministre Modibo Sidibé ? Les rivalités personnelles feront-elles subir au nouveau parti une fin prématurée ?

Abdoulaye GUINDO

 

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