Un flou opaque entoure la composition des membres du Comité national d’organisation qui vient de bénéficier de l’attention particulière du Conseil des ministres du 2 octobre 2019, sous la présidence de Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République. Des projets de décret ont fixé les avantages accordés aux personnalités chargées de conduire le processus du Dialogue national inclusif et aux membres du Comité national d’Organisation dudit dialogue. Les 3 membres du Triumvirat sont connus, de même que le Président du Comité d’organisation, depuis le 29 juin 2019. Et les autres membres du Comité d’organisation : qui sont-ils ? Comment ont-ils été choisis ? Le copinage a-t-il passé par là ?
Avec le règlement intérieur du Dialogue, en date de septembre 2019, certains articles méritent réflexion : Article 5 : Le Comité National d’organisation est l’organe d’exécution du Dialogue National Inclusif. Article 6 : Les délégués des partis politiques et regroupements de partis politiques, de la société civile, de l’administration, des mouvements signataires et non signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger siègent au sein du Comité National d’organisation. Article 7 : Le Comité National d’organisation assure la préparation matérielle et scientifique du Dialogue National Inclusif, conformément aux dispositions des Décrets N°2019-420/PRM et N°2019-421/PRM du 17 juin 2019 et de la Lettre de cadrage du Président de la République en date du 24 juillet 2019.
A ce niveau, on questionne la « violation » du règlement intérieur. Le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD), principal parti d’opposition a dit son refus de participer au processus, de même que la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) ainsi que d’autres partis de l’opposition et le Forum des Organisations de la Société Civile (FOSC) la plus grande faitière de la société civile malienne, etc. Cheick Mohamed Abdoulaye Souad dit Modibo Diarra du Rpdm avait dit, pour sa part, que la priorité des priorités, est la sécurisation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national. Pour qu’il n’y ait plus jamais, en République du Mali, des massacres comme Dioura, Obassagou, Boulkessy, Mondoro, etc.
Ou alors, ils ont tous décidé, par un coup de baguette magique, de rejoindre le dialogue national inclusif ? Le règlement intérieur est-il violé ?
Le Règlement intérieur poursuit : Article 19 : Les concertations ont lieu dans les Communes et les Cercles où cela est possible, dans les Régions et le District de Bamako. Article 25 : Les travaux des concertations communales se tiennent à la même date sur toute l’étendue du territoire national. Les travaux de concertation au niveau des cercles se tiennent simultanément sur toute l’étendue du territoire national.
Cela rappelle la tenue des élections communales du 20 novembre 2016, sur toute l’étendue du territoire. À présent une cinquantaine de communes du Nord attendent ces élections communales de 2016. Qui veut alors tromper qui ?
Le Règlement intérieur continue : Article 48 : La Réunion au niveau national formule des propositions sur la composition et les missions d’un mécanisme de suivi-évaluation indépendant de mise en œuvre des résolutions du Dialogue National Inclusif. Article 49 : Le Triumvirat conduit le processus de la mise en place de ce mécanisme de suivi-évaluation indépendant de mise en œuvre des résolutions du Dialogue National Inclusif. Article 57 : Le Triumvirat produit au terme des travaux de la Réunion au niveau national un rapport global de la conduite du Dialogue National Inclusif. Article 58 : Les résultats de la Réunion au niveau national feront l’objet de publication.
Et puis, c’est tout ! Ni le Gouvernement, ni le Président de la. République ne sont tenus d’appliquer ne serait-ce qu’une recommandation du Dialogue national inclusif. Aucune contrainte. L’argent du contribuable malien sera dépensé sur toute l’étendue du territoire national, des milliers de maliens seront mobilisés. Et puis, rien ?
Pour rappel, les forums politiques régionaux de 1998 et le forum politique national de janvier 1999 organisés au lendemain de la crise politique de 1997, suite aux élections législatives annulées du 13 avril et de l’élection présidentielle du 11 mai boycottée par le Collectif des Partis Politiques de l’Opposition (COPPO), avaient obligé le Président de la République d’alors à suivre les recommandations du Forum national. Comme exemples le financement public des partis politiques, la désignation du Ministère de l’administration territoriale pour organiser les élections et la recomposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). En ce temps-là, l’argent du contribuable n’a pas été jeté à la fenêtre.
Pour rappel, la conférence d’entente nationale, tenue du 27 mars au 2 avril 2017 à Bamako, avait fortement recommandé de négocier avec Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa. Oui, on attend toujours, en ce mois d’octobre 2019, la mise en œuvre de cette recommandation qui n’engane personne au niveau de l’Etat.
Pour rappel, les concertations régionales sur la réorganisation administrative se sont tenues du 13 au 17 novembre 2018. Dans toutes les régions du Mali, sauf à Gao. On attend toujours la tenue de la Concertation nationale pour la mise en commun des recommandations régionales. Pour le respect de tous ceux qui ont participé à ces espaces de dialogue « inclusif ». Oui, on attend toujours, en ce mois d’octobre 2019. Oui, on attend, parce que les termes de référence du Dialogue national de septembre 2019 a oublié de les mentionner comme Notes à fournir aux débats.
Alors, est-il normal de poursuivre un dialogue national non inclusif, non réalisable sur toute l’étendue du territoire national et non contraignant pour les Gouvernants ? Juste bousiller les maigres ressources de l’Etat malien, au moment où la menace de dislocation du pays est réelle ? Est-ce cela la vertu du Dialogue au Mali ?
Dr Ibrahima Sangho