Le chef de l’État à l’ouverture du Dialogue national inclusif : « Parler, réfléchir, respirer mali ensemble »

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En ouvrant samedi le débat national qu’il voit comme un événement majeur et refondateur, le président de la République a invité les participants à relever le défi de la profondeur et de l’exhaustivité. Ibrahim Boubacar Keïta les a encouragés aussi à trouver des réponses à la demande de mieux d’État. Il a exhorté les Maliens au devoir sacré d’union, louant le Mali divers, mais uni. Le chef de l’État a également fustigé l’hostilité contre nos alliés, invitant à réserver nos énergies au combat contre les vrais ennemis. À ceux qui pensent qu’il s’agit de palabres sans lendemain, il a assuré qu’il ne se dérobera point à son engagement ferme d’appliquer les recommandations du Dialogue national inclusif.
Le texte intégral

Professeur Dioncounda Traoré, ancien chef d’État, et Haut Représentant du Chef de l’État pour les Régions du Centre,
Monsieur le Chef du Gouvernement, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et messieurs les autres chefs d’institutions,
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, Autorités morales, autorités religieuses, autorités civiles,
Députés, maires, conseillers nationaux,
Chefs de missions diplomatiques, Organisations citoyennes, Mesdames et messieurs,
En vos rangs, grades et qualités, Tous protocoles observés,
Acceptez tout d’abord que je rende grâce au Tout-Puissant d’avoir rendu possible qu’en cette heure et en ces lieux, nous nous retrouvions pour parler Mali, réfléchir Mali, respirer Mali ! Nous avons tenu à être là pour que le Mali soit notre parole commune, notre réflexion commune, notre respiration commune. Parler, réfléchir, respirer Mali ensemble. Chacun pour ce qu’il est. Chacun pour ce qu’il a. Chacun, ce qu’il peut. Chacun, ce qu’il doit. Chacun avec sa part de dettes à éteindre vis-à-vis de cette terre dont nous sommes tous redevables, et à la même enseigne. Tous redevables, et à la même enseigne.
Nul plus qu’un autre. Nul moins qu’un autre. C’est à ce devoir sacré d’union, de consensus et de gratitude, que nous sommes invités ici. Car, vérité des temps anciens, un doigt seul, quelle que grande que soit sa force, ne peut soulever la plus petite pierre. Mais, vérité de tous les jours : aucune montagne n’est plus forte que la foi de tout un peuple. Pardonnez ma faiblesse ! Pardonnez qu’aujourd’hui aussi, j’invoque le Roi Ghezzo, que je nous exhorte tous à rassembler nos mains pour qu’elles viennent boucher les trous de la jarre.

Mesdames et
messieurs,
Acceptez ensuite qu’à chacune de vous, à chacun de vous, j’adresse mes salutations déférentes ! Acceptez enfin que je salue sincèrement et chaleureusement l’équipe, j’allais dire les équipes qui, nuit et jour, dans le District, dans les Régions et dans les Communes, se sont surpassées pour que nous soyons là en cette heure, fiers du chemin parcouru et confiants pour la suite des travaux.
Merci donc cher aîné, Pr Baba Akhib Haïdara : nul ne te fera procès demain d’avoir été en marge de cette nation à laquelle tu continues de donner le meilleur de toi-même. Digne devancier, puissent ta science et ta patience continuer de guider les travaux ! Merci aussi, à toi Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga !
En acceptant la mission qui t’a été confiée, tu as apporté la démonstration éclatante que la nation transcende les partis. Ton geste ne saurait être oublié. Merci du fond du cœur, Aminata Dramane Traoré : Tu es une figure emblématique du combat pour la justice et le partage. Demandée sur tous les fronts, hors du Mali, tu as mis en veilleuse ton agenda international. Tu t’es mise à la disposition du Mali. Cette passion et cet engagement de ta part ne me surprennent pas.
Ambassadeur Cheick Sidi Diarra, cher cadet, fin organisateur et bourreau du travail s’il en est : tu as tes opinions et tes convictions politiques. Mais tu es venu au chevet du pays, en t’assumant et en te surpassant. Quelle noblesse ! Chères sœurs, chers frères, je souhaite que nous nous levions ! Que nous nous levions pour applaudir cette dame exceptionnelle et ces trois messieurs distingués. Ils auront été à la tâche. Ils auront assuré et rassuré.
Leur nom est désormais inextricablement lié au Dialogue National Inclusif du Mali. Et ce ne sera que justice ! Pr Dioncounda Traoré, ancien Président par intérim, cher aîné, merci d’avoir répondu présent à mon invitation. Tu l’as toujours fait et je t’en sais gré.

Mesdames, Messieurs,
En cette heure solennelle, je voudrais redire ici, mon profond respect pour mes illustres prédécesseurs : Président Modibo Keïta, Général Moussa Traoré, Président Alpha Oumar Konaré, Président Amadou Toumani Touré, Président Dioncounda Traoré. Tous ne sont pas dans cette salle. Mais tous ont apporté leur contribution intellectuelle et leur bénédiction au processus qui nous vaut d’être en ce moment ensemble. En ce lieu prédestiné.
Baptisé du nom d’Amadou Hampaté Bâ. Amadou Hampaté Bâ, un des esprits de son siècle, mémoire de civilisations entières, et maître de la maïeutique. Peut-être Socrate réincarné sur les rives du Bani, nous enseignant, toutes leçons tirées, qu’après tout, la seule vraie cigüe, le seul vrai poison, c’est l’indifférence quand elle débouche sur ce qui peut relever du suicide collectif. Un esprit nous veille donc en ce Palais. C’est l’esprit d’Amkoullel. C’est la preuve flagrante que nous sommes le peuple chanceux d’une terre qui a eu la sagesse de s’ouvrir à tous les souffles.
Nous sommes ce Mali divers où la même grotte peut donner à la fois Amadou Hampaté Bâ et Yambo Ouologuem, le devoir d’ingérence et le devoir de violence. Devoir d’ingérence quand une querelle que l’on croirait circonscrite menace de mettre le feu à la maison. Et devoir de violence, lorsque porter les armes contre les ennemis de la paix devient une nécessité impérieuse.

Le Mali divers, mais uni, est dans la salle. Il est venu de toutes les Régions, de toutes les ethnies, de toutes les confessions, de tous les âges, de toutes les opinions. Je me réjouis de la mosaïque ici recréée pour que les uns et les autres échangent, pour que les uns puissent changer les autres, et que tous conviennent que la diversité est notre plus grande richesse et l’unité notre plus grand souci. Qu’il vous plaise que je salue en particulier nos frères de la CMA ici présents. Nous avons eu nos désaccords.
Nous les avons encore. Mais parce que nous avons tous souci de la paix, de la convivialité, nous avons fait en sorte qu’ils soient là ! Bienvenue parmi nous, à tous les représentants des ex-mouvements armés ici présents pour prendre part à la construction et à la consolidation de la paix et du bien- être.
Au profit de chacune de nos communautés, mais aussi au profit de l’ensemble national. Tel est le Mali : de Kayes à Ménaka, de Sikasso à Kidal, de Ségou à Mopti. Tel est le Mali de toutes les ethnies, avec ses communautés métissées, ses codes d’honneur, son acceptation de l’Autre, sa soif de l’Autre. Tel est le Mali, terre majeure d’un peuple majeur, parmi les premiers à être venus à la lumière, celle de Tombouctou partagée avec le monde, celle du Wagadu, du Songhoy, de Kong, tous ces hauts-lieux d’incubation et de brassage, où il est acquis que l’homme ne saurait être un loup pour l’homme, mais son remède, sa solution, son atout.

Mesdames et
messieurs,
De l’événement majeur qui nous réunit ici, événement refondateur, au sens propre du terme, la signification profonde ne saurait échapper à aucune fille, aucun fils de la nation, cette nation agressée, mais debout, cette nation indulgente, mais, pas amnésique. Congressistes, votre mission est précise, car balisée par des termes de référence aussi clairs qu’exhaustifs, où les objectifs globaux et spécifiques ont été traités de docte manière par vos techniciens sous le leadership reconnu du Triumvirat et du Président du Comité d’Organisation de ce Dialogue National Inclusif.
Les axes à débattre sont également tous, d’une pertinence avérée, d’une actualité brûlante. Il s’agira pour vous, d’ausculter le pays pour voir quel est son mal, d’où nous vient-il et comment le soigner. Vous êtes une force de propositions. Et le peuple attendra de vous que votre congrès ne soit pas un congrès de plus, mais le congrès qu’il fallait pour mieux asseoir notre processus démocratique, adapter nos institutions, corriger notre gouvernance, stabiliser notre pays, renforcer notre commune volonté de vivre en commun.
Et cette attente populaire survient à un moment où, la crise sécuritaire qui nous frappe a révélé toutes les fragilités et les tares de notre administration. Oui, je le dis avec peine, mais il est désormais incontestable que de nouvelles légitimités se font jour qui gagnent le cœur des populations, avec un nouveau système de justice même si cela s’appelle charia, d’administration et d’enseignement. L’État tel qu’il est questionné, ébranlé dans ses fondements. Vos assises doivent mieux analyser et traiter la demande de mieux d’État que le processus de décentralisation, réforme majeure du Mali démocratique, a permis de déceler. Car, dans nos villages, nos communes, aux yeux de nos populations, plus rien ne peut être comme avant. Qu’on se le tienne pour dit !

Mesdames et
messieurs,
Je n’ai nul doute que vos débats relèveront le défi de la profondeur et de l’exhaustivité, qu’ils seront sans concession, mais, qu’ils resteront civilisés et courtois, en droite ligne avec les valeurs qui sont celles de ce terroir : vérité, sincérité, convivialité. Vous le savez, je me suis engagé à accompagner le mécanisme de suivi que les congressistes, en toute souveraineté, mettront en place. Je tiendrai parole. Vous le savez aussi, je me suis engagé à mettre et faire mettre en œuvre des recommandations issues de vos travaux. Je ne m’y déroberai point. Je ne suis que le serviteur du Mali.
Mon ambition et celle de mon gouvernement sont de faire en sorte que le peuple malien soit respecté partout et qu’il vive décemment. Rien ne sera mis au-dessus du confort de nos compatriotes. L’État est à l’écoute de la demande sociale, se surpassant à chaque fois pour que les revendications soient gérées à la mesure de ses moyens.
Ces efforts continueront. Mais, il est vital que ce Congrès examine la question devenue incontournable d’une trêve sociale, durable et véritable, qui permette une respiration minimale à un pouvoir public pris à la gorge par les dépenses militaires. Il est également souhaitable que ces assises débattent de l’attitude d’une nation en guerre. Une attitude qui doit aller au-delà des indignations de pure forme.
Nous devons être de solidarité authentique, palpable, mesurable avec nos soldats. Si le plus lourd fardeau revient à l’État, chacun d’entre nous peut un peu, chacun d’entre nous doit faire plus d’effort pour notre guerre, qui est une guerre de libération nationale. Ni plus ni moins. Les théories conspirationnistes, inspirées moins par un sursaut d’orgueil national que par une logique de déstabilisation et de plaidoyer pour les forces pseudo jihadistes ne sont pas à l’honneur de notre pays.
Nous sommes tous impatients de retrouver la paix. Nous voulons tous que nos enfants puissent retrouver au clair de lune et les chants et danses dont les terroristes les privent, au nom de Dieu, leur Dieu.
Il est vrai qu’aider le Mali à sortir de sa crise, c’est contenir celle-là pour qu’elle ne déferle pas sur la sous-région, le Maghreb et l’Europe. Mais, il importe que nos compatriotes mesurent que s’en prendre à la Minusma, c’est s’en prendre surtout aux forces sénégalaises, burkinabé, togolaises, ghanéennes, tchadiennes. Cela est si inconfortable pour notre honneur de Malien, d’Africain !
Pareillement, nous devons dépasser le complexe colonial, vis-à-vis de la France. Nos parents étaient engagés par elle sur les fronts des deux grandes guerres mondiales. Aujourd’hui, elle est notre alliée et ses soldats tombent sur notre sol comme les nôtres. Sachons raison garder !
Congressistes, hier seulement, notre voisin le Niger, enterrait soixante-dix de ses soldats tombés sous les balles de ceux qui veulent installer le chaos et le sang à la place de nos États. Ce voisin, ne l’oublions pas, a ouvert ses portes aux dizaines de milliers de nos compatriotes chassés par la crise qui a secoué notre pays en 2012.
Les héros tombés sur le sol malien et sahélien de Inatès sont nos fils et nos frères. Inclinons-nous devant leur mémoire ! Demain Inch Allah, j’irai présenter les condoléances de la nation malienne au peuple frère du Niger. Inclinons-nous en même temps devant la mémoire des soldats français tombés à Indelimane et ailleurs dans notre pays et dans le Sahel.
Inclinons-nous devant la mémoire de tous les soldats tombés, maliens, burkinabé ou d’autres nationalités ! Inclinons-nous devant la mémoire de tous les civils injustement tombés dans la salle guerre qui nous est imposée, qui nous distrait de nos priorités de développement, de nos ambitions de routes, d’écoles, de forages, de logements !
Il ne nous est pas laissé d’autre choix que la guerre. Alors nous nous battrons, Quelle que soient les pertes. Quel que soit le coût ! Quelle que soit l’heure ! Quel que soit le lieu ! Et la victoire qu’il plaise à Dieu sera nôtre. Parce que c’est de notre côté que se trouve le vrai islam, le vrai amour, la vraie tolérance, la vraie volonté de paix, la vraie civilisation. De toutes ces questions, je sais que le Dialogue National sera saisi.
À toutes ces questions, je sais que sous huitaine vous proposerez des réponses qui conforteront la marche de la République. Alors, il ne me reste plus qu’à lui souhaiter bon vent. Qu’Allah bénisse le Mali ! Je déclare solennellement ouverts les travaux du Dialogue National Inclusif.

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