Chacun des précédents accords de paix présentait des difficultés particulières et a nécessité un traitement spécifique. Celui de vendredi n’échappe pas à la règle
Inédit. Le qualificatif est parfaitement de circonstance.
En effet, par comparaison avec les approches adoptées face aux précédentes rébellions, presque tout est inédit dans et autour de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui sera signé vendredi prochain dans notre capitale. Mais devrait-on réellement s’étonner de l’évolution radicale qu’a enregistrée le cinquième traitement appliqué à un problème dont la première manifestation se situe en 1962 et qui a ressurgi sous trois formes totalement différentes entre 1991 et 2012 ?
Que reste-t-il de commun entre le contexte d’affirmation très ferme de la souveraineté nationale qui se trouve à la base des décisions prises il y a 53 ans et l’environnement géostratégique actuel qui impose de tenir également compte des enjeux de la lutte contre le terrorisme et contre le crime organisé, enjeux dont la résolution dépasse les seules capacités du Mali ? Peut-on seulement comparer l’opinion nationale passive de 1962 qui n’avait qu’une représentation très vague des affrontements dans l’Adrar et les citoyens d’aujourd’hui qui depuis des mois expriment avec passion leur ressenti par rapport aux résultats du processus de négociation ?
Il faut donc approcher l’événement de vendredi prochain en gardant certes en mémoire ce que le passé nous lègue comme enseignements. Cela est indispensable afin de ne pas repartir dans la répétition d’erreurs pour lesquelles nous n’avions sans doute pas mesuré tout le prix à payer. Mais il faut aussi savoir accepter que ce sont justement ces erreurs cumulées qui nous obligent aujourd’hui à des concessions plus importantes que nous ne l’aurions souhaité.
Il est donc d’une extrême importance de ne pas s’arrêter au diagnostic unanimement accepté que l’Accord est insatisfaisant sur plusieurs points que nous jugeons majeurs. Nous devons déjà nous approprier de la démarche que nous adopterons dans la mise en œuvre. Afin que les désagréments soient contenus ; que les indispensables évolutions se fassent de la manière la plus maitrisée ; et que les inévitables divergences d’interprétation se traitent avec intelligence.
Le challenge que nous avons à relever a atteint une complexité supérieure à celle des défis proposés par le passé. Cette complexité s’était déjà ressentie dans la recherche de solutions pour sortir de la présente crise. Il était inimaginable et impossible pour nous de recourir au rétablissement autoritaire de l’ordre qui avait prévalu en 1962.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la Ière République malgré les actes sévères qu’elle avait jugé indispensable de poser pour la préservation de l’unité nationale, n’a pas annihilé la résurgence d’une rébellion de plus grande ampleur. Il faut aussi se rappeler que la solution militaire concevable dans un contexte historique bien précis s’était déjà révélée absolument inopérante 28 ans plus tard sous la IIème République quand se rallumèrent les feux de l’instabilité avec les attaques de Tidermène et de Ménaka.
CONSACRÉ PAR LA CONSTITUTION
Les autorités de l’époque saisirent assez rapidement l’inanité d’une riposte armée, tout comme elles mesurèrent très vite l’impuissance des leaders traditionnels à faire entendre raison aux combattants des mouvements. Bravant l’incompréhension des populations choquées par le caractère meurtrier des premières attaques, ces autorités se résignèrent à abdiquer de leur phraséologie guerrière et à entamer des négociations avec « les Maliens égarés ».
Les accords de Tamanrasset, issus de ces discussions et dont le contenu intégral ne fut connu qu’après la Révolution de mars 1991, s’assimilait essentiellement à la conclusion d’une cessation d’hostilités conclue entre deux forces belligérantes. En effet, leurs dispositions essentielles avaient trait à des questions militaires (modalités de cessez-le-feu et de cantonnement, réduction des effectifs de l’Armée au Nord du pays, fermeture de bases). Seule mention faite aux questions économiques et sociales, l’octroi de 47,3% du budget d’investissement au développement du Septentrion.
Les discussions de Tamanrasset, chapeautées du côté malien par le ministère chargé de la Défense, n’instauraient en fait qu’une accalmie dans les affrontements. Il revenait à la Transition de 1991-1992 de remettre l’ouvrage sur le métier et de rechercher des solutions pérennes. Cette entreprise fut compliquée d’emblée par la réponse qu’il fallait donner à une revendication majeure présentée par les mouvements armés, l’octroi d’un « statut particulier » au Nord du Mali, statut qui aurait été consacré dans la Constitution. Rejeté par les participants à la Conférence nationale de juillet-aout 1991, ce point revint lors des négociations avec les Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA) sous la forme de l’exigence d’instauration d’un Etat fédéral. Cette position fut cependant abandonnée par les Mouvements lors d’une rencontre avec le gouvernement tenue en décembre 1991 à Mopti.
De laborieuses tractations seront par la suite menées d’abord par le tandem des médiateurs Edgar Pisani-Baba Miské, puis par l’Algérie (intronisée médiateur) qui joua un rôle décisif dans le ralliement des groupes armés au Pacte national. En revoyant à froid la démarche adoptée en 1991-1992, deux remarques s’imposent.
Premièrement, la diplomatie secrète gardait une réelle efficacité à l’époque et elle a joué un rôle déterminant dans le rapprochement des positions et dans l’élaboration des compromis finaux.
Deuxièmement, les dirigeants d’alors de la rébellion s’étaient montrés au départ aussi intransigeants que le sont aujourd’hui ceux de la CMA. Mais ils n’étaient ni dans l’éternelle volte-face, ni dans le vocabulaire équivoque qui caractérisent certains acteurs d’aujourd’hui. Les réticences pour aller à la paix étaient très fortes, le manque de confiance de la part de certains mouvements envers le gouvernement malien s’exprimait vigoureusement et le facilitateur algérien a dû par moments user de toute son influence pour faire avancer les discussions. Mais la participation des MFUA aux négociations se faisait avec la volonté d’arriver à un compromis acceptable par tous.
Les choses furent plus rapides à dénouer en 2006. Moins de deux mois séparèrent en effet le déclenchement de la rébellion (23 mai 2006) et la conclusion d’un Accord à Alger (3 juillet 2006). Deux facteurs expliquent ce délai très court de négociation. L’embrasement parti de l’attaque du camp de Kidal ne menaçait pas de s’étendre à tout le Septentrion malien et l’essentiel des revendications formulées par l’« Alliance démocratique du 23 mai 2006 pour le changement » concernait presqu’exclusivement la Région de Kidal.
Par contre, la volonté des autorités de trouver une solution négociée s’est heurtée aussi bien à la très forte hostilité de l’opinion nationale qu’aux réserves ouvertement exprimées par certains partis politiques dont la formation la mieux représentée à l’Assemblée nationale, le RPM. L’entente nationale tacite qui entre 1991 et 1995 avait entouré la recherche, puis la consolidation des solutions au soulèvement armé avait disparu.
TRÈS EXPLICITEMENT
Le rejet de la démarche gouvernementale par le citoyen lambda était alimenté aussi bien par la colère provoquée par le déclenchement de l’action armée que par la conviction que le Septentrion recevait déjà un traitement privilégié de la part de l’Etat malien. Conscientes de l’impopularité des négociations auprès des Maliens moyens, les autorités revinrent à la méthode de la diplomatie secrète des années 1990 et au recours à l’Algérie en tant que médiateur.
Le dénouement de la crise de 2006 comporte une spécificité qui n’est sans doute pas suffisamment soulignée. A la différence du Pacte national qui concernait (ainsi que l’indiquait sa dénomination) le pays dans son entier, le nouvel accord dédiait l’essentiel de ses dispositions à la seule zone de Kidal. Son intitulé – « Accord d’Alger pour la restructuration de la paix, de la sécurité et du développement dans la Région de Kidal » – le mentionnait d’ailleurs très explicitement.
Pour la première fois de son histoire, l’Etat malien avait été amené à définir l’avenir de l’une de ses entités territoriales non pas dans le cadre de concertations nationales et inclusives, mais dans celui d’une négociation internationale menée sous l’égide d’un partenaire africain. Il avait été amené à accepter de manière explicite l’argumentaire de son vis-à-vis, issu de la rébellion, qui mettait l’accent sur le développement inégal dont aurait été victime la Région concernée. « L’état de dénuement », « l’enclavement » et « le manque flagrant d’infrastructures nécessaires (au) développement » de Kidal sont soulignés dans le préambule de l’Accord.
Celui-ci prévoyait la création pour une durée d’un an d’un « Conseil régional provisoire de coordination et de suivi » qui ferait office d’exécutif régional et veillerait à la mise en oeuvre des mesures prévues dans le document. Il était aussi prévu la création d’unités spéciales de sécurité « composées essentiellement d’éléments issus des régions nomades » et qui opéreraient dans le Nord du Mali, la délocalisation des garnisons militaires hors des zones urbaines et l’organisation d’un Forum à Kidal sur le développement.
Par une cruelle ironie de l’Histoire, ces concessions exceptionnelles qui constituaient un prix chèrement payé au retour au calme et à la stabilité n’ont pas empêché que moins de six ans plus tard se déclenche la crise dont un début de résolution sera mis en place dans trois jours. Le processus qui nous amène à vendredi prochain est, comme nous l’avions indiqué en début de chronique, différent de ce qui a été expérimenté jusqu’ici.
Cela en raison tout d’abord de causes exogènes. Le nouvel environnement international et continental est caractérisé par une haute dangerosité emmenée par l’implantation et surtout l’activité continue des organisations terroristes. Cet environnement enregistre aussi une ramification exponentielle du crime organisé qui prospère sur la persistance de diverses instabilités. La communauté internationale voit donc sa capacité d’intervention, déjà accaparée par la non résolution d’anciens contentieux, notablement débordée par l’apparition de nouveaux foyers de tension.
Pour ne pas céder à la tentation de l’indifférence, elle doit continuellement créer de nouveaux instruments de traitement des crises et s’impliquer autant qu’elle le peut dans l’efficace utilisation de ceux-ci. C’est ainsi que notre pays a eu droit à une Médiation internationale qui a même bénéficié du renfort remarqué des Etats-Unis à Alger en avril dernier lorsqu’il s’était agi de convaincre la CMA d’aller au paraphe.
Mais l’implication de la communauté internationale comporte une exigence implicite, l’obtention assez rapide d’un résultat premier qui puisse servir de tremplin pour se projeter dans l’étape suivante. Dans notre cas, ce résultat premier est l’Accord dont la signature est recommandée par tous nos partenaires. La forte mobilisation internationale donnera-t-elle un gage suffisant pour l’atteinte d’une solution durable ? Elle en augmente en tous les cas les chances de mise en oeuvre, ne serait ce que par la garantie d’un accompagnement efficient dans le retour à la normale et à la reconstruction du pays.
TARDIVEMENT, MAIS VIGOUREUSEMENT
Déjà, le consensus international autour de l’Accord n’a pas été superflu pour gérer deux des dernières difficultés qui ont jalonné la marche vers la paix. En tête de ces difficultés, le contrecoup sur le paraphe de l’Accord des relations complexes au sein de la Coordination. La dernière ligne droite a dévoilé les clivages au sein de la CMA, clivages logiques, mais qui ne s’étaient jamais ouvertement manifestés au cours des négociations lorsque le schéma du fédéralisme était obstinément défendu par la délégation du regroupement.
Mais il était évident pour tout observateur moyennement averti que les intérêts défendus par certaines composantes de la CMA dictent à celles-ci un niveau d’exigences très élevé dans les discussions de paix. L’aile militaire du MNLA ne nourrit aucune hâte à intégrer les forces régulières et à se voir dispersée hors d’un territoire qu’elle estime contrôler. Et le HCUA ne peut se satisfaire d’un accord qui laisserait en pointillé l’avenir de Iyad Ag Ghali. Ces particularités qui se sont manifestées tardivement, mais vigoureusement font que jusqu’au moment où nous mettions sous presse, les membres de la CMA qui se rallieraient éventuellement à l’Accord n’étaient pas encore connus.
La deuxième difficulté à résoudre consistait à convaincre notre majorité silencieuse de la nécessité d’accepter l’Accord. L’entreprise s’annonçait ardue, car pour la première fois depuis le déclenchement des rébellions, l’opinion nationale avait monté une garde vigilante, et à l’occasion intransigeante, sur le déroulement des pourparlers.
La très grande activité des réseaux sociaux, l’abandon délibéré par certains protagonistes du principe de la confidentialité des échanges, l’érection par quelques responsables de mouvements de la communication en moyen de pression, voire en instrument de manipulation, ont mis à la disposition du Malien moyen une documentation touffue, parfois hermétique, souvent contradictoire et fréquemment interprétée de manière passionnelle.
L’option faite pour une démarche inclusive a permis aux autorités de procéder à un utile travail d’explication. Mais sans vraiment ébranler une crainte diffuse qui taraude nos compatriotes, celle d’une partition rampante de notre territoire. Jamais depuis 1990, une appréhension de ce type n’a été aussi forte. Le défi aujourd’hui est de transformer cette hantise en investissement positif dans la multitude de défis qui suivront la signature de l’Accord. Et qui devraient « re-conforter » la nation malienne.
G. DRABO
Pour pouvoir traiter un probleme, il faut s’attaquer a sa cause. Pour alors resoudre la crise malienne, il faut d’abord demander aux rebelles les raisons qui les ont poussees a prendre les armes contre le pays. Et ensuite,voir si dans le contexte actuel, ou la libre expression existe et que tous les vois de recours legales sont disponibles et garanties, SI la prise des armes comme moyens d;expression est justifier. De la reponse a ces questions depend la solution au probleme ou a la crise actuelle.
Je n’ai pas besoi de donner mon avis ici. Il est deja connu.
GAOUSSOU DRABO, IL FAUT QUE TU SACHES QUE LES ACCORDS DE 2006 DATENT DU 04 JUILLET ET NON DU 03 JUILLET
GAOUSSOU DRABO SOIT HONNÊTES C’EST MIEUX POUR TOI.
LES ACCORDS DE TAMANRASSET NE S’ASSIMILENT PAS A UN CESSEZ LE FEU, MAIS PLUTÔT A UNE DÉMILITARISATION DES RÉGIONS DU NORD.
C’EST MOUSSA QUI A ACCORDE EN PREMIER LE STATUT PARTICULIER AU NORD LE 06 JANVIER 1991.
LA VERTE A COMMENCE A TRIOMPHE.
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