L''avenir politique au Mali: Les bonnes Réponses

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C”est ce qui est le plus important à chercher dans la période actuelle. Sans à priori et sans passion.

L”état de grâce reste une situation à inventer pour les présidents de notre IIIè République. Aucun d”entre eux n”a encore fait l”expérience de cette "parenthèse enchantée" qui voit toutes les entreprises recevoir le concours des hommes et des événements ; chaque succès produire un écho disproportionné par rapport à ses véritables effets ; les erreurs elles-mêmes être effacées par l”indulgence de l”opinion.

Depuis juin 1992, tous les mandats présidentiels se sont entamés sous le signe de l”inquiétude, de l”incertitude ou de l”instabilité. A commencer par celui initial de Alpha Oumar Konaré sur le seuil duquel se sont retrouvés empilés les impatiences corporatistes héritées de la Transition, le réveil de la rébellion au Nord-Mali et l”humeur frondeuse d”une opposition qui mettait ouvertement en doute la capacité à gouverner du nouveau chef de l”Etat.

Cinq ans plus tard, le président Konaré trouvera sur sa route une contestation politique d”un type différent, plus virulente cette fois-ci puisqu”elle lui déniait toute légitimité héritée des urnes. L”action du Collectif des partis politiques de l”opposition s”est prolongée pratiquement sur trois ans avec des pics constitués par des manifestations de rue et l”arrestation de dirigeants de formations. Pour Amadou Toumani Touré, l”adversité est venue non pas du monde politique, mais des effets de la géopolitique sous-régionale.

Dès septembre 2002, les événements de la Côte d”Ivoire en perturbant gravement les circuits d”approvisionnement du pays contraignaient les autorités à une succession d”ajustements afin d”éviter une déstabilisation économique durable. Ce bref rappel des faits était nécessaire pour uniquement indiquer que 2007 ne constitue pas une singularité en soi, mais s”inscrit dans une tradition bien établie de perturbation des projets présidentiels.

Cependant les turbulences relevées ces dernières semaines ont leur spécificité et celle-ci oblige à une analyse affinée de deux questions que l”actuel quinquennat ne pourra esquiver. La première concerne la fonction régulatrice de l”Etat. Certains apologistes enfiévrés des thèses libérales (ramenées d”ailleurs par eux à une poignée de principes sommaires) brandissent à tout bout de champ leur foi dans la vertu absolue des lois du marché.

Un principe de vigilance – Ces lois ayant, selon eux, la capacité de rectifier assez rapidement les inévitables excès de la libre concurrence, le plus sage serait de les laisser agir. Ce serait oublier un peu vite que le marché n”est pas un espace désincarné ; qu”il est animé par des intervenants qui lorsque l”occasion s”en présente et sert leurs intérêts, ne dédaignent pas la désinformation, la spéculation, ou la manipulation. C”est d”ailleurs pourquoi toutes les grandes puissances industrielles ont leurs gendarmes économiques et financiers qui préviennent les dérives décrites plus haut, et au besoin rétablissent la normalité des choses par la voie réglementaire.

Le Mali, plus fragile face aux retombées de certaines pratiques commerciales, ne peut se relâcher dans la veille économique, sous peine de s”exposer à la montée d”une vraie grogne sociale. En effet, s”il y a une chose que le citoyen accepte mal, c”est de se sentir abandonné au bon vouloir des "marchands".

Les récentes décisions prises par le gouvernement en faveur de certaines denrées de première nécessité souscrivent donc au principe de vigilance et vont plus loin que les mesures instaurées en 2005 face à une situation presque similaire. En effet, en assortissant cette fois-ci l”attribution d”exonérations à la fixation de prix consensuels sur les denrées indexées, les autorités évitent l”inattention commise il y a deux ans et qui avait largement profité aux importateurs de riz. Ces derniers avaient laissé filer les prix malgré la faveur qui leur avait été consentie, abandonnant le gouvernement à un déluge de critiques et de soupçons. Le réajustement introduit cette fois ne fera peut-être pas plaisir à tous les opérateurs, mais ceux-ci n”ont objectivement aucune raison de le réfuter puisqu”il blinde simplement une logique de gagnant-gagnant.

Le dispositif d”intervention gouvernementale s”impose d”autant plus qu”en ce qui concerne certaines denrées, la situation est partie pour demeurer difficile. Par exemple pour le lait en poudre, la tendance haussière et la disponibilité limitée sur le marché international s”annoncent comme des tendances durables. Cette situation – tout comme d”autres qui peuvent encore apparaître – impose aussi bien une information continue des consommateurs qu”une collaboration loyale avec les opérateurs économiques. Certains pourraient trouver illusoire la concrétisation du second facteur.

Nous nous limiterons pour notre part à la considérer délicate, mais faisable. Rappelons que cette collaboration avait été instaurée en 1994 juste après la dévaluation du franc CFA et qu”elle avait permis d”éviter que la spéculation n”organise sur le marché malien la pénurie et son corollaire, la flambée des prix. Il existe donc déjà une démarche qu”il est possible de dépoussiérer pour l”adapter aux exigences de l”heure, exigences certes moins dramatiques qu”il y a 13 ans, mais tout aussi indispensables à gérer dans un esprit de raison et fermeté.

La perplexité et le désarroi – La seconde question amenée par les événements sur le devant de la scène est celle de l”image de notre démocratie et des pratiques qui l”entretiennent. A cet égard, les conséquences de l”affaire dite de "la maîtresse du président" s”assimilent à un immense gâchis. Il ne nous vient pas à l”esprit de contester la sagacité de notre justice, mais en cette circonstance nous l”aurions préférée plus attentive aux avis extérieurs, mieux disposée à comprendre les retombées extra-judiciaires de l”action qu”elle avait engagée, plus vite ouverte à la composition.

Il faut savoir que dans la grille de lecture généralement utilisée par les spécialistes et les organisations des droits de l”homme pour fixer la qualité d”une gouvernance, une inculpation pour offense au chef de l”Etat est automatiquement considérée comme une mesure de musellement d”un gêneur. Parce que dans cette situation précise, l”accusé doit établir la preuve de son innocence et voit son sort suspendu à l”éventuelle mansuétude dont ferait montre l”accusation.

En outre – et toujours selon la grille de lecture évoquée plus haut -, l”emprisonnement (et encore plus la détention préventive) de journalistes est inévitablement interprété comme un indice de durcissement de régime, une entreprise d”intimidation des médias. Ainsi s”explique le raz de marée d”interpellation et de jugements sévères qui a déferlé sur cette affaire. Ainsi s”explique aussi la perplexité, voire le désarroi des amis sincères de notre pays, éberlués de nous voir rejetés sans ménagements dans la cohorte des pouvoirs autoritaires.

 Pour notre part, nous ne voyons pas dans ce regrettable épisode un infléchissement des valeurs que notre démocratie s”est donné en quinze ans de pratique. Par contre, ce qui est arrivé constitue un utile signal d”alarme pour que soit observée une préservation partagée de tout ce qui fait notre spécificité et aussi notre fierté, en sachant surmonter les raidissements corporatistes et les querelles d”ego.

Que des événements préoccupants surviennent à l”orée même du mandat présidentiel ne constitue pas en soi un motif d”alarme. Il faut surtout s”intéresser à en faire une analyse aussi dépassionnée que possible afin de ne pas se tromper dans la réponse à leur donner. Sinon, ce qui est malentendu se cristalliserait en conflit. Et pousserait les autorités vers la plus incommode posture qui soit, la défensive.

KÀLIFA
3 juillet 2007

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