Suspecte, la révision constitutionnelle proposée par Amadou Toumani Touré à moins de deux ans à la fin de son mandat ? Nombreux sont les intervenants de la conférence-débats organisée dans le cadre du 20ème anniversaire de l’Adema – Association qui n’en pensent pas moins.
Dans le cadre de son 20è anniversaire, l’association ”Alliance pour la démocratie au Mali” (Adema) a organisé au Centre international des conférences de Bamako une conférence -débats sur le thème : ”Révision constitutionnelle : opportunité”. Ils étaient quatre personnalités à animer cette conférence. Il s’agit de Dr Madou Diallo, professeur de droit, Me Mamadou Ismaël Konaté, avocat, Daniel A. Tessougué, magistrat et Me Hamidou Diabaté, ancien ministre de la Justice, député à l’Assemblée nationale.
En introduction, la présidente de l’Adema – association, Mme Sy Kadiatou Sow, a rendu un hommage à tous les martyrs de la démocratie et à tous les camarades qui ne sont plus. La flamme, a rassuré Mme Sy, ne s’éteindra pas parce qu’il y a des hommes et des femmes qui poursuivent le combat avec engagement et détermination. Le thème, dit-elle, est une question d’actualité hautement importante pour notre jeune démocratie.
A l’Adema, on se pose une série de questions. Une révision constitutionnelle est-elle opportune ou constitue-t-elle une priorité dans le contexte actuel ? Les insuffisances sont-elles visibles pour une révision rapide ou précipitée ? Est-il nécessaire de renforcer les pouvoirs du président de la République ? Le bicaméralisme est-il nécessaire ? Quel aurait été le scénario au Niger si Mamadou Tandja avait eu la constitution proposée à la révision à deux ans de la fin de son mandat ?
Voilà entre autres interrogations sur lesquelles les membres de l’association Adema souhaitent appeler les uns et les autres à mener une réflexion approfondie. Selon elle, les patriotes unis ont toujours apporté des victoires mais leur division constitue une menace pour la jeune démocratie. ”Camarades, restons mobilisés, notre combat n’est pas terminé. Il est loin d’être terminé”, a conclu Mme Sy Kadiatou Sow.
Pour le conférencier Dr Madou Diallo, la révision constitutionnelle intervient dans un contexte particulier, parce que le président de la République veut adopter une constitution dont il ne va pas bénéficier des avantages. Sur la procédure empruntée par le comité d’experts, Dr Diallo est d’avis qu’on devrait aller à l’organisation des états -généraux, ou un forum, pour mieux débattre des questions proposées à la réforme. A l’en croire, il y a un déficit de communication et non une précipitation dans la révision de la constitution du 25 février 1992.
Pour Me Mamadou Ismaël Konaté, toute initiative de révision de la constitution est suspecte. Celle en cours au Mali, dit-il, est encore plus suspecte que le président de la République a pris le risque d’aller vers ”la technique et le politique”. Me Konaté regrette le maintien de l’article 30. A ses yeux, dans le sens positif, cet article méritait d’être mieux clarifié. Il estime que la création d’une seconde chambre va compliquer le travail parlementaire. Des aspects comme la justice et le contentieux électoral devraient trouver une place importante dans la révision.
La fonction du juge, avoue-t-il, doit être une fonction de dignité et d’honorabilité
C’est une révision constitutionnaliste opportuniste qui va instituer un dictateur constitutionnel, a souligné Daniel A. Tessougué. Selon lui, la constitution du 25 février 1992 n’a jamais été correctement appliquée. Cette constitution, souligne-t-il, n’est pas parfaite mais aussi elle n’est pas catastrophique. ”Il faut éviter de changer la constitution comme une chemise… Si le peuple laisse la réforme passer, il va faire une œuvre inutile pour la génération future”, a-t-il expliqué tout en rejetant l’idée de création d’un Sénat. M. Tessougué a également évoqué les questions relatives à la justice. La fonction du juge, avoue-t-il, doit être une fonction de dignité et d’honorabilité.
On retient de l’intervention de Me Hamidou Diabaté, une nécessité de renforcer les capacités des partis politiques dans l’exercice démocratique. Il propose même la tenue d’un séminaire sur la problématique du renforcement des partis politiques.
Contrairement à son prédécesseur au micro, l’ancien ministre de la Justice se dit favorable à la création d’un Sénat qui va permettre de rééquilibrer le jeu entre l’exécutif et le législatif.
Selon lui, il y a une erreur de perception chez les experts en proposant le renforcement des prérogatives du président de la République.
De l’avis de Me Diabaté, il n’est très correct que le président qui définit la politique de la nation ne soit pas assujetti au contrôle du parlement.
L’ancien Garde des sceaux veut qu’on donne la possibilité au citoyen de saisir le Conseil supérieur de la magistrature.
Cet organe doit changer d’appellation pour devenir le Conseil supérieur de la justice.
Chiaka Doumbia