Le fantôme de Modibo Kéita, premier Président de la jeune République du Mali, plane sur le tribunal de 1ère instance de la commune III. Et hante ceux qui voudront le voir mourir, pour une seconde fois.
Rien ne dit que le procès en diffamation, intenté contre Amadou Djicoroni, par les héritiers du Dr Faran Samaké, aura lieu. Rien ne dit, non plus, qu’il ne pourra pas se tenir.
Mais une chose est sûre : ce procès permettra de rétablir la vérité, sur les circonstances de la mort de Modibo Kéita. Toute la vérité. S’il a lieu, en tout cas. Seulement, voilà : des facteurs exogènes amènent à croire que ce procès, ouvert le 2 novembre dernier, n’ira pas jusqu’au bout.
Parmi ces facteurs, la comparution de certains témoins, réclamée par les avocats de l’accusé. Au rang de ceux-ci, figure Moussa Traoré, l’ancien patron du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), auteur du putsch de novembre 1968, qui a renversé le régime socialiste de Modibo Kéita. Sa comparution dans ce procès, en tant que témoin, présente un double avantage. D’abord, pour la défense. Ensuite pour le peuple malien. Pour la défense, il (Moussa Traoré) est celui qui sait ce qui s’est passé le jour où Modibo Kéita est passé de vie à trépas. Parce qu’il était, non seulement, le Chef de l’Etat, à l’époque des faits, mais aussi, le numéro 1 du Comité Militaire qui gardait Modibo Kéita comme prisonnier. A ce titre, il peut dire si ordre avait été donné, d’éliminer Modibo Kéita. Et par qui ?
Pour le peuple malien, le témoignage de Moussa Traoré, représente un intérêt capital. C’est, en quelque sorte, la confession que font les « condamnés à mort », avant l’exécution de la sentence.
Dans le cas de Moussa Traoré, il s’agit presque d’un devoir envers le peuple malien, celui de dire sa part de vérité. Mais laisser « parler » Moussa Traoré, aujourd’hui, c’est comme demander à une Sécurité d’Etat, de révéler au grand public, ses dossiers confidentiels. Moussa Traoré n’ayant rien à y perdre, son témoignage risque d’indisposer nombre de personnes, dont certaines sont encore aux affaires. Voilà pourquoi, l’interview qu’il a accordée à l’ORTM, à la veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays, a été mise au frigo. Délibérément.
Mais la défense acceptera-t-elle que, celui qu’elle considère comme témoin-clé, dans ce procès, ne comparaisse pas ? Pas si sûr.
Le Parquet au coeur de la polémique
Ouvert le 02 novembre dernier, le procès sur le fond était prévu pour le 30 novembre dernier. Il n’a pas pu se tenir, parce que le Parquet a « oublié » de faire citer les témoins de la défense. Prétextant que ce devoir incombait aux avocats. Alors que la loi est claire, rétorquent les avocats de l’accusé. C’est au ministère public, de faire citer les témoins.
L’audience sera renvoyée au 11 janvier prochain, pour faire citer Moussa Traoré et les autres témoins. Mais, déjà, nombre de Maliens, se demandent pourquoi, la comparution de témoins dans un procès censé rétablir la vérité sur les circonstances de la mort d’un ancien président de la République, pose tant de mal.
Assassiner Modibo Kéita pour la seconde fois
Pour avoir soutenu que l’ex- président Modibo Kéita est mort empoissonné par le fait du Dr Faran Samakè, Amadou Djicoroni est traduit devant les tribunaux par les héritiers du Dr Faran Samakè. Il est accusé de diffamation. Pour l’avocat des plaignants, seule la preuve de l’empoisonnement peut attester de la véracité des propos de Amadou Djicoroni. Autrement dit, les avocats de l’accusé, devront exhiber la preuve (matérielle) comme quoi, Modibo Kéita a été empoisonné par Dr Faran Samaké. C’est-à-dire, le produit qui lui a été injecté. Il se trouve qu’aucune autopsie n’a été faite sur le corps de Modibo Kéita après son décès. Ce qui est sûr, c’est que Modibo Kéita a été retrouvé, par terre, en train de baver, après avoir reçu un traitement prescrit par Dr Faran Samakè. Il en est décédé quelques heures, plus tard. Est-il mort empoisonné ? Et par qui ? Mystère et boule de gomme. Plusieurs témoins de cette époque, soutiennent que Modibo Kéita pourrait avoir été victime d’un empoisonnement. Mais à défaut d’autopsie, les plaignants considèrent que ce sont de simples allégations. Peut-être, faut-il déterrer Modibo Kéita et pratiquer sur ses restes, une autopsie. Un véritable défi pour la médecine moderne, puisque Modibo est mort et enterré, il y a plus de 30 ans.
Alors, pour nombre d’observateurs, ce procès ne peut aboutir pour la simple raison qu’il ne peut aboutir.
Aimé