C’était dans les colonnes du quotidien « Le Combat ». A l’approche de la présidentielle de 2012, nous invitons les futurs candidats à apporter un éclairage à nos lecteurs et à nos concitoyens sur leurs projets. Des premières réactions timides, nous avons enregistré quelques pertinentes contributions sur l’action publique à venir et sur les hommes qui la conduiront à partir de nos votes. Le nouveau Président sera choisi pour gérer une phase particulière de notre histoire nationale. Du 8 Juin 2012 au 8 Juin 2017 commence donc un autre laboratoire…
A partir de la double occasion d’un couplage de scrutins, le peuple malien aura à se prononcer et pour dire dans quelle voie il va s’engager. Y aura-t- il un fil rouge guidant le choix des électeurs ? En fait, le choix qui leur sera donné est vaste si l’on peut dire, mais à une condition : que nos compatriotes s’inquiètent de ce que nous sommes et de ce que nous pensons. A partir de là, c’est tout un socle de règles et de valeurs qui vont orienter tout en nourrissant leurs réponses à donner. Les électeurs pourront alors rayer la mention inutile qu’ils trouveront chez tel ou tel autre candidat. Le Mali enterre bientôt les années ATT et d’ici le 8 Juin 2012, beaucoup d’eau du Djoliba aura coulé sous les ponts. D’autres personnages, d’autres valeurs viendront prendre la relève. Il n’y a qu’à écouter les candidats déclarés à ce jour, mais non encore retenus par la loi. Tous ont la même motivation pour séduire les électeurs. Tous ont à la bouche le concept vendeur de Maliba. Que nos compatriotes s’obligent dès à présent à retenir un ou deux propos forts dans les discours des uns et des autres. Le tout étant de capter les messages produits par leur prise de parole. Qu’ils n’oublient pas qu’on n’est jamais propriétaire (à l’exclusive) de ses idées. Enfin, quand pourrions-nous tous ensemble mettre dès à présent nos différents candidats dans une position défensive vis-à-vis des consommateurs que nous sommes devenus par ces temps de votation ? Nous n’en sommes pas encore aux séquences de la campagne. Alors aurions-nous la prétention de glisser ici et là quelques conseils sur le choix des hommes à faire.
Ni intention normative, ni souci de bienséance. C’est l’histoire d’une cité présidentielle appelée Koulouba et qui cherche un Hôte ou un Locataire de charme. Dans les jours à venir, les journaux vont vous conter l’histoire de ceux et celles qui se rêvent un destin à Koulouba. L’élection présidentielle reviendra de ce fait le moment où les citoyens seront appelés à tirer leur propre morale de l’histoire d’un régime. La Presse n’en deviendra pas plus une tribune ou une scène de théâtre où l’on fait l’élection présidentielle. A la limite, elle ne peut être que porteuse des délibérations faites par les politiciens. Peut-elle être amenée à porter atteinte à ses devoirs vis-à-vis de tiers devenus candidats à la course présidentielle ? En tout cas, elle pourra toujours se refugier derrière une obligation de prudence et ses devoirs d’impartialité et de délicatesse dans ses propos. Les débats suscités à la présidentielle sur tel ou tel nom de candidat, son comportement sociétal et ses chances de survie politique feront souvent l’objet de discussions quelque fois vigoureuses. Elles seront bonnes à prendre, car à cette étape, l’important sera de démontrer comment être en désaccord avec quelqu’un. Cette disposition de l’esprit reste fondamentale. Résultat des courses : la pensée captive peut céder à une pensée compétente. Ce qui est tout bénéfique au mûrissement. N’est-ce pas la promesse des fruits de la démocratie malienne ? 50 ans après nos indépendances, il faut donc promouvoir une autre culture de la responsabilité. Il n’y a pas d’autres challenges qui vaillent pour nos politiciens. Aucun fatalisme ne pourra plus éloigner la main de nos compatriotes de leur choix. L’héritage culturel ne suffit plus, l’histoire ne dispensant plus nos futurs dirigeants de la noblesse ni de la vaillance individuelle. Aucune Présidence, après celle des premières législatures de la 3è République, ne sera plus « terne » et ne remplira plus qu’une fonction conservatrice. On a pu dresser ça et là des portraits-robots sur le futur locataire de Koulouba. Avez- vous entendu à ce jour des candidats venir clarifier leurs intentions ? Or on nous dit qu’ils ont tous l’âge de leurs rôles ( ?). Voyez les rangs des candidats déclarés. Parmi eux, certains dont le secret serait dans la constance d’être toujours au plus haut niveau de la présidentielle 1992, 1997, 2002, 2007 et 2012. L’objectif pour eux est clair : aller à Koulouba. Combien sont-ils à partager ces moments entre eux ? Ils viennent nous proposer des solutions sur le terrain tout en nous assurant que cela nous posera moins de problèmes. Il ne convient pas de se refugier derrière de grands noms de la scène politique nationale pour justifier un choix personnel. Avons-nous des noms à proposer ? C’est faire peu de cas du respect que l’on doit aux lecteurs pour le moment, car toute manipulation ou provocation dans ce sens ne pourra être pratiquée que pour autant que cela soit bien compris par eux. Nous avons appelé à voter untel en 2007 ? Nous ne savons pas si les électeurs étaient du même avis ou non. En tout cas, ils se sont donné le meilleur candidat…
La verve d’un journaliste peut confirmer à l’envi dans un article. Mais pour tout dire, la Presse ne peut porter qu’un regard mécanique (sic) sur tel ou tel autre aspect d’un candidat. C’est aux lecteurs de trancher « dans la chair », si l’on peut dire, parce que lorsqu’une élection présidentielle approche, beaucoup de nos rédactions se transforment en « auberges espagnoles ». Les différents réseaux des candidats arrivant même à créer des systèmes de mise en relation, on retrouve donc des candidats en train de faire commerce de leur nom. Et si l’on regarde de plus près le financement des partis politiques actuellement pour 1 milliard et demi de nos francs entre 34 formations, on aura fait le demi-cercle des prétendants à Koulouba. « Nos yeux ne voient que ce qui pèse », dit la sagesse populaire.
La Présidence n’est pas une entreprise. C’est mon ami, le vieux cordonnier Soumounou, qui nous a dit qu’il ne fallait pas prendre Koulouba pour une entreprise privée. Avant de s’occuper de l’offre de nos compétiteurs, il faut d’abord voir où en est le pays. C’est là que nous entendrons venir les uns avec leurs propos granitiques, leur science des mots justes, bons à dire, allant parfois jusqu’à vouloir récolter la tempête en ruminant contre les tares du régime. La politique ne devient efficace que lorsque les gens la réclament et que le principe d’action reste d’oser les choses. La maison Koulouba ne peut être comparée à une société dont on prendrait les clefs de commande. Dût-il s’appeler le Mali, Koulouba n’a rien d’un fonds de capital-investissement. Le capitaine qui viendra à la barre après le 8 Juin n’aura pas toujours les mains libres (faut- il le rappeler), et il n’est pas dit qu’il sera toujours ce grand créateur d’emplois. Faut-il donc un homme d’affaires accompli à la tête du pays ? Ou bien une carrière politique chevronnée suffira-t- il à la gestion des affaires publiques ? Ces cartes de visite ne suffiront pas car il y a une différence entre gérer une économie et diriger une société. L’économie d’un Etat est déjà plus complexe qu’une entreprise. A cette heure, notre pays ne saurait être comparé comme telle. En 2012, l’élu devrait tout faire pour mener une politique économique judicieuse à l’opposé de maximiser les bénéfices de ses amis qui l’ont porté jusqu’aux portes de Koulouba. Le nouveau Président doit refondre et non refaire. Les enjeux de la prochaine présidentielle dépassent les petits calculs des pertes et profits. Le propre de la Pesse, c’est, dit-on, d’être capable de provoquer, à certains moments (mis pas tous) un concentré d’addiction. Le peu qu’on va demander à nos lecteurs, c’est d’avoir l’intelligence du temps de vote qui arrive, surtout de le garder.
S. Koné