La vague des commentaires et des récriminations retombe. Et laisse s’ouvrir une séquence nouvelle.
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rnC”est une onde de choc qui s”épuise progressivement faute d”éléments nouveaux pour la prolonger. Mais c”est aussi une braise qui couve sous la cendre, prête à se raviver au moindre souffle de contestation. Les effets collatéraux de la formation du gouvernement s”atténuent peu à peu. Vient désormais le temps de digérer les frustrations, de dépasser les déceptions, et – pourquoi pas – de construire déjà d”autres espoirs de carrière.
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rnLa vague de critique et de contestation qui s’achève est en fait un phénomène classique, régulièrement renouvelé tout au long des trois derniers quinquennats après chaque temps fort de la vie politique. Ceux qui ont été effarés par le bruit et parfois la fureur venus de divers protagonistes au cours des semaines écoulées, devraient prendre la peine de revisiter le passé proche. Ils se remémoreront certainement que le premier gouvernement de la IIIè République avait été affublé de l”étiquette méprisante d”"équipe de stagiaires et de vacanciers", équipe à laquelle les pythies de l’opposition n”avaient accordé que quelques semaines de survie avant – disait-on – qu”un coup d”État militaire ne vienne mettre de l”ordre dans la maison. L”époque actuelle ne se prête plus à des hypothèses aussi saugrenues, mais elle voit se répéter l”inévitable bouillonnement de rumeurs et d”états d”âme qui avait caractérisé les premiers pas de l”équipe Younoussi Touré en 1992 et qui s’est renouvelé après chaque remaniement ministériel.
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rnSur ce phénomène qui avait acquis une ampleur et une durée inusitées cette année, la lecture de nos confrères de la presse privée offre un excellent baromètre de l”atmosphère politique. A une époque lointaine, Lénine affirmait qu”un journal constituait le centre de toute organisation politique. Autres temps, autres usages, dans le Bamako d”aujourd”hui cette définition pourrait être réaménagée pour indiquer qu”en l”occurrence les journaux sont devenus les relais d”une multitude d”humeurs politiques. En effet, ils traduisent moins les positions qu”ils n”amplifient les commentaires des différentes parties, que celles-ci appartiennent à l”ADP, au FDR ou encore à la société civile. Ces humeurs sont généralement belliqueuses, mais ne reflètent pas exclusivement un affrontement bipolaire (camp présidentiel – opposition). Elles sont générées également par les polémiques au sein de l”ADP ; par les mises au point internes laborieuses qui constituent une spécialité coutumière reconnue au PASJ ; par la réticence de l”opposition à adopter une unité de ton et de thèmes dans la critique des autorités ; et enfin par le désir de divers protagonistes sociaux de remettre en mémoire leurs priorités particulières.
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rnL”Alliance pour la démocratie et le progrès poursuit logiquement sa cure d”amaigrissement. "Logiquement", parce que dans son gabarit originel (plus d”une quarantaine de formations), elle représentait une improbable nébuleuse et sa taille proclamée n”avait d”autre utilité que de faire du chiffre, comme on le dit en jargon d”affaires. C”est à dire de donner un volume artificiel à un ensemble dont le noyau vrai est constitué d”une dizaine de formations disposant d”une réelle force de frappe électorale. Une première décantation s”était déjà produite lors des législatives. Les grandes et moyennes formations ne cultivant pas la commisération, une bonne partie des poids légers s”est retrouvée, au fait de son absence de résultats, hors de toute perspective d”exercice du pouvoir. Les derniers espoirs de certains se sont évanouis après l’ultime session de rattrapage que constituait la participation au gouvernement.
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rnPAS D’UNITE DE STRATEGIE –
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rnCet exercice d’éclaircissement n’empêchera certainement pas les querelles de se poursuivre encore un certain temps au sein de l”Alliance, notamment sur les critères supposés de la sélection au gouvernement. Cette bataille qui relève du combat d”arrière-garde, n”a aucune retombée au sein de l”ADP "utile". Mais il est à parier que les mécontents n’ont pas tout à fait abdiqué et qu’ils ne se priveront pas à l’occasion de se lancer dans des escarmouches médiatiques, surtout pour rappeler leur droit à la nuisance. Les tiraillements à l”intérieur du PASJ étaient largement prévisibles. Comme nous l”avions écrit, une partie des Rouges et blancs ne s”était ralliée qu”en ronchonnant à la candidature d”Amadou Toumani Touré et sans cacher qu”elle aurait préféré être mieux édifiée sur la contrepartie politique du compagnonnage électoral. Il était donc normal que ces sceptiques rejoints par les déçus du remaniement aient vivement exprimé leur déception devant le quota de portefeuilles ministériels accordés à l”ADEMA. Les échanges ont été suffisamment vifs au sein du Comité exécutif il y a une dizaine de jours pour qu”un membre de l’organe commette la maladresse de les prolonger dans la presse.
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rnCe fait inhabituel traduit bien la tension à l”intérieur de la Direction du PASJ. Le parti ne fait aucun mystère de son projet de revenir aux affaires en 2012. Il dispose déjà d”une ébauche de pas de tir pour sa fusée présidentielle : une majorité relative au Parlement, une dotation confortable en élus communaux, et un chef d’institution de la République (le président Dioncounda Traoré). Certains auraient aimé renforcer cette marge par une présence accrue au gouvernement. Or, le dessein était incompatible avec les équilibres instaurés dans la composition de l”équipe actuelle et il n”est pas du tout certain que cette donne change dans le moyen terme. Dans l”immédiat, la grogne "intra-adémiste" ne dépassera pas le niveau du commentaire acerbe. En attendant que les grandes manœuvres ne s”enclenchent dans deux ans. Le désavantage de la situation est que le président Touré devra s’accommoder d’un allié qu”il aurait certainement souhaité plus soudé que celui-ci ne l”est aujourd”hui.
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rnEn ce qui concerne l”opposition, il y a certainement un fait à accepter : il n”y a pas et il ne peut y avoir unité de ton, ni unité d”analyse, encore moins unité de stratégie entre les différentes composantes. Chacune de celles-ci est héritière d”un (ou de plusieurs) passage spécifique dans l”exercice du pouvoir, passage intériorisé de manière absolument différente. Chacune a assimilé à sa manière
la progression de la démocratie malienne depuis mars 1991 et a construit ses référentiels à partir de sa sensibilité doctrinale particulière. Chacune possède également son style singulier d”expression allant de l”apostrophe véhémente à la remarque sévère en passant par l”interpellation virulente. Chacune, enfin, peaufine ses ambitions politiques spécifiques à l”intérieur de l”actuel quinquennat, avec naturellement la volonté d”être le plus audible auprès de l”opinion publique. Le FDR et SADI sont formellement réunis sous la même étiquette, mais celle-ci ne leur impose pas une identité de démarche. Pas plus que la formation du groupe parlementaire PARENA-SADI n”induit une totale convergence tactique entre les deux partis. Elle représente surtout pour le tandem une commodité de travail au Parlement et la possibilité d’y parler plus haut et plus fort.
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rnObjectivement, les partisans de l”opposition sont donc concurrents les uns des autre. Est-ce une faiblesse ? Non, puisque même unis, ils ne pèsent pas assez lourd pour influer sur la marche de l”Assemblée nationale. Leur autonomie les uns par rapports aux autres leur accorde par contre une réactivité accrue sur toutes les questions polémiques sans qu’il ne leur soit besoin de s”embarrasser d”une nécessité de concertation et d”harmonisation.
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rnCette autonomie est particulièrement importante pour le PARENA et SADI, habitués aux jugements à chaud. Alors que le RPM s”autorise habituellement un temps d”analyse plus long avec le risque d”encourir l”accusation d”ambiguïtés. En outre, dans le contexte socio-économique actuel, l”opposition n’est pas confrontée à la nécessité pressante de mettre en place une réflexion stratégique. Pour le moment, il lui suffit de guetter une faiblesse du gouvernement et de la fustiger, de détecter un mécontentement du citoyen moyen et de le relayer ; de déceler un thème polémique (comme celui de l”abolition de la peine de mort) et de l”amplifier.
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rnL”heure n”est donc pas encore pour les opposants aux grandes batailles. Elle reste aux harcèlements d”opportunité et à l”exploitation de l”humeur du temps. Face à cette tactique, l”effort de communication demandé par le Premier ministre à son équipe revêt toute son importance. L”exercice a, bien sûr, sa difficulté. Alors que l”opposition peut se limiter à accompagner l’actualité, le gouvernement doit infléchir et persuader. L”Exécutif sort de la relativement brève période de récriminations où il lui fallait surtout endurer. Il aborde désormais l’ère des attentes, celle qui s’accompagne inévitablement des comptes à rendre.
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rnG. DRABO
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